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Affaire Karim Wade: Le Sénégal A-t-il Réellement été Condamné Par L’onu ?

Affaire Karim Wade: Le Sénégal A-t-il Réellement été Condamné Par L’onu ?

Alors que l’affaire Karim Wade  semblait avoir définitivement pris fin, le Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies a transmis au Sénégal, le 14 novembre 2018, des constatations relatives à la communication n° 2783/2016 du Comité des droits de l’homme.

 

Le Comité aux droits de l’homme a considéré que : « …  les faits dont il est saisi font apparaître des violations par l’Etat partie de l’article 14 para.5 à l’égard de Karim Wade. 

En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’Etat partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Cela exige que les Etats parties accordent une réparation intégrale aux personnes dont les droits reconnus par le Pacte ont été violés. 

En l’espèce, la déclaration de culpabilité et de condamnation contre l’auteur doit être réexaminée conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. L’Etat partie est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir. …Le Comité souhaite recevoir de l’Etat partie, dans un délai de cent quatre vingt jours c’est-à-dire au plus tard le 08 mai 2019, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations ».

 

Un tel avis a été rapidement présenté par les avocats de Karim Wade comme une condamnation du Sénégal par l’ONU et annulation de l’arrêt de la Crei   du 23 mars 2015. Cependant une  telle présentation apparaît peu conforme à la portée juridique des avis du Comité des droits de l’homme.

 

C’est pourquoi il est important d’éclairer l’opinion sur les points suivants :

 

  1. I) Qu’est-ce que le Comité des droits de l’homme de l’ONU et quelles sont ses compétences ?

 

  1. Qu’est-ce que le Comité des droits de l’homme de l’ONU ?

 

Le Comité des droits de l’homme est un organe du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme qui surveille la mise en œuvre par les Etats parties du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies (article 28 du Pacte).

Il est composé de 18 membres, experts ressortissants des Etats parties qui sont élus et siègent à titre individuel. Ils se réunissent, en général trois fois par an, au Siège de l’Organisation des Nations Unies ou à l’Office des Nations Unies à Genève. Il s’agit donc d’un comité d’expert chargé d’une surveillance de l’application du Pacte, et non d’un organe juridictionnel.

Il ne doit pas être confondu avec le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, créé en 2006, qui est l’organe intergouvernemental principal des Nations unies sur toutes les questions relatives aux droits de l’homme.

 

  1. Les compétences du Comité des droits de l’homme de l’ONU

 

Le Comité des droits de l’homme est compétent dans quatre hypothèses : il a vocation à examiner (i) les rapports sur la mise en œuvre des droits consacrés par le Pacte que tous les Etats parties sont tenus de présenter au Comité à intervalles réguliers (article 40 du Pacte), (ii) les communications dans lesquelles un Etat partie prétend qu’un autre Etat partie ne s’acquitte pas de ses obligations au titre du Pacte (article 41 du Pacte), (iii) les communications émanant de particuliers qui se disent victimes d’une violation d’un des droits reconnus dans le Pacte (Premier protocole facultatif du Pacte), et (iv) les communications relatives aux manquements aux obligations prévues par le protocole visant à abolir la peine de mort pour les Etats qui y ont adhéré (Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte).

C’est ici en vertu du Premier Protocole facultatif que le Comité a été amené à se prononcer dans l’affaire Karim Wade. L’article 2 dudit Protocole offre en effet aux particuliers qui s’estiment victime d’une violation de l’un quelconque des droits énoncés dans le Pacte la possibilité de présenter une communication écrite au Comité lorsqu’ils ont épuisé tous les recours internes disponibles, ce qui était le cas ici à la suite du rejet de son pourvoi par la Cour suprême .

 

  1. II) Quelle est la portée juridique des constations du Comité des droits de l’homme de l’ONU ?

 

  1. Comité des droits de l’homme de l’ONU n’a pas de pouvoirs juridictionnels

 

Le Comité n’a pas été doté de pouvoirs comparables à ceux de la Cour européenne des droits de l’homme qui rend des décisions obligatoires et exécutoires et il n’avait, dès le début, pas l’ambition d’un organe juridictionnel.

L’article 5.4 prévoit que « le Comité fait part de ses constatations à l’Etat partie intéressé et au particulier ». Celles-ci sont ensuite rendues publiques. Lorsque le Comité « constate » une violation de l’un des droits protégés par le Pacte, la communication de ses constatations est accompagnée d’une « invitation » de l’Etat partie à accorder réparation à la victime. Il demeure que de telles constatations ne constituent qu’un simple avis du Comité qui ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte à l’égard des Etats parties. Le Comité des droits de l’homme, qui n’est pas doté de pouvoirs juridictionnels, ne rend en effet pas de décisions obligatoires. Ses constatations ont seulement un effet incitatif : il recommande la mise en œuvre de remèdes sans pouvoir contraindre ni les juridictions internes à reconsidérer leur position dans l’affaire en cause, ni l’Etat à indemniser l’auteur de la communication ou à modifier son droit.

 

  1. La portée des constatations du comité des droits de l’homme dans le droit interne des Etats membres

 

Le Comité des droits de l’homme, s’il bénéficie d’une grande autorité grâce au nombre d’Etats parties au Pacte et à son large pouvoir d’interprétation, doit faire face au non-respect par les Etats de ses recommandations car le  Comité relève un faible nombre de réponses totalement satisfaisantes de la part des Etats parties. Le comportement de la France est assez révélateur de l’attitude de certains pays européens vis-à-vis des décisions du Comité. Dans ses réponses aux constatations du Comité dans l’affaire J.O  (Communication n° 1620/2007J.O. c. France, 27 avril 2011) ; la France a déclaré que « la question du réexamen d’une condamnation pénale définitive suite à une décision du Comité constatant une violation du Pacte n’a pas été soulevée lors des débats parlementaires, et n’a pas fait non plus l’objet d’un quelconque amendement » alors que l’Etat était en train d’examiner un projet de loi visant à permettre le réexamen d’une condamnation suite à une décision de la CEDH. La France note que le Comité n’est pas un organe juridictionnel et donc qu’elle « n’entend pas proposer de modifications en ce sens ». De la même façon, dans ses réponses aux constatations pour l’affaire Mann Singh (Communication n° 1928/2010Mann Singh c. France, 26 septembre 2013), la France souligne le caractère non obligatoire des décisions du Comité et déclare qu’elle ne mettra pas en œuvre les recommandations du Comité : « Le régime administratif interne est conforme aux normes internationales et européennes […]. La France a pris note des constatations du Comité, mais ni le Conseil d’Etat français ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont considéré que la réglementation en question fût contraire à la liberté de religion ou au principe de non-discrimination. »

Nombre de pays membres  ratifient le Pacte mais ne prennent pas véritablement au sérieux le Comités des droit de l’homme qui est un organe non juridictionnel et préfèrent faire confiance à leurs juridictions nationales et aux juridictions supranationales.

                                                      Conclusion

 

Faute d’être une juridiction et d’en avoir la compétence, le comité des droits de l’homme de l’ONU ne saurait dès lors avoir « condamné » le Sénégal dans l’affaire Karim Wade , ni remettre  en cause les décisions de la Crei et de la Cour Suprême .

 

 

SADA DIALLO JURISTE PRESIDENT DU MOUVEMENT SICAP DEBOUT

 

diallojuriste@hotmail.com

 

 

L’article Affaire Karim Wade: le Sénégal a-t-il réellement été condamné par l’ONU ? .

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