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Affaires Ousseynou Diop Et Des « Thiantacounes », La DÉchÉance Collective

Affaires Ousseynou Diop Et Des « Thiantacounes », La DÉchÉance Collective

« La pire des attitudes est l’indifférence » (Stéphane Hessel, 2010).

Affaire Ousseynou Diop : une frilosité et un désir de plaire à la France injustifiés

Depuis quatre (4) ans, un jeune sénégalais répondant au nom de Ousseynou Diop croupit dans les geôles de Rebeuss. Il est poursuivi pour apologie du terrorisme, suite à des commentaires formulés sur sa page Facebook, au lendemain des attentats de Charlie Hebdo. À l’époque des faits, il n’avait que 19 ans et était étudiant en deuxième année à la faculté des sciences de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). Il n’a pas encore été jugé. Il demeure donc en prison depuis 4 ans sous le régime de la détention préventive.

Selon DakarActu (un site proche du pouvoir), Ousseynou Diop aurait publié sur sa page Facebook, sous le pseudo « Hussein Weuz » établi à New-York, le message suivant, 3 jours après les attentats de Charlie Hebdo intervenus en janvier 2015 : « Je suis content de ses attentats parce que vous ne devrez pas oublier ce que vous avait fait avec l’œuvre de Charlie Hebdo en caricaturant le visage de notre cher prophète Mohamed (Psl) et vous êtes en train de payer l’infortune de notre cher confrère musulman Coulibaly (ndlr, Jihadiste qui avait été tué dans l’assaut à l’Hyper Carcher). Je vous dis et je vous préviens que l’autre attentat sera lors du match Nice-Lyon. » Il avait été retracé par les autorités françaises, lesquelles alertaient aussitôt leurs homologues sénégalaises qui procédèrent à son arrestation.

Au regard de tels propos, le délit d’apologie du terrorisme, compris comme le fait de décrire, de présenter ou de commenter une infraction en invitant à porter, sur elle, un jugement moral favorable, aurait été commis par Ousseynou Diop. Aussi, il pourrait être considéré comme auteur d’une fausse alerte terroriste. Vu son âge et les circonstances, est-ce que son maintien en détention provisoire, pendant 4 ans, se justifie-t-il pour autant ? La réponse est, sans aucune équivoque, NON ! En effet, pour des faits similaires, de jeunes français ont eu la sanction qu’ils méritaient et celle-ci a été proportionnelle à la faute commise. Deux exemples en lien avec les attentats de Charlie Hebdo peuvent illustrer notre propos et ils montrent, à la fois, la célérité et le sens de la mesure de la justice française. Le premier concerne un jeune français de 19 ans qui avait salué sur les réseaux sociaux, les atrocités commises par les auteurs des attentats. Ce jeune a été jugé et condamné, par le tribunal correctionnel de Carpentras pour « apologie d’acte terroriste », à une peine de 12 mois de prison avec sursis et 210 heures de travaux d’intérêt général à effectuer (https://www.laprovence.com/actu/faits-divers-en-direct/3212237/un-lyceen-condamne-pour-apologie-des-attentats.html). Vous avez bien lu 12 mois de prison avec sursis et des travaux d’intérêt général ! Le second exemple concerne un autre jeune de 24 ans qui s’était réjoui, en écrivant sur Facebook, que l’attentat à Charlie Hebdo était un  «Jour de fête» en plus d’ironiser sur la vidéo de l’assassinat du policier Ahmed Merabet. Ce jeune n’a été condamné qu’à 5 mois de prison ferme (https://www.ladepeche.fr/article/2015/01/16/2030040-un-castrais-condamne-pour-apologie-du-terrorisme.html). Pour terminer, toujours en France, l’auteur d’une fausse alerte à une prise d’otages, le samedi 17 septembre 2016 au centre de Paris (dans une église), qui avait provoqué une mobilisation d’hélicoptères, de policiers, de gendarmes et de militaires, n’encourrait qu’une peine entre six mois et deux ans de prison, et entre 7 500 et 30 000 euros d’amende (https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/09/19/que-risquent-les-auteurs-d-une-fausse-alerte-terroriste_4999873_4355770.html). Ce qui frappe, c’est la durée et la forme de ces peines. Elles sont à mille lieues des 4 ans de détention provisoire que Ousseynou Diop continue d’endurer. Tout en étant ferme, la justice française a pu donner une seconde chance à ces deux jeunes qui, sans doute, réfléchiront, plus d’une fois avant de se ruer dans les réseaux sociaux pour faire une apologie du terrorisme. Autre leçon à retenir, la justice française ne s’est pas montrée, non plus, comme une machine à casser des jeunes, à briser des espoirs de toute une famille. Bien au contraire, elle a su faire œuvre pédagogique compte tenu, certainement, de l’âge des prévenus en considérant, qu’en partie, ce sont des fautes commises par des personnes tout juste sorties de l’adolescence comme Ousseynou Diop. Si nos autorités, administratives et judiciaires, veulent singer la France, qu’elles aient au moins l’intelligence de le faire en recopiant des aspects positifs. Sous l’autel de la fermeté et d’une volonté aveuglante de donner des gages à leurs maîtres, elles ont pratiquement fini de détruire la vie d’un jeune et de ruiner les espoirs d’une famille. Ce qui est inacceptable et devrait nous conduire à nous mobiliser pour exiger la libération immédiate de Ousseynou Diop à défaut de son jugement dans les meilleurs délais. 

Affaire des thiantacounes : la preuve d’une justice à double vitesse

Pour rappel, en 2015, deux compatriotes, Bara Sow et Ababacar Diagne, sont sauvagement assassinés et ensevelis à Médinatoul Salam, propriété de Béthio Thioune. L’enquête diligentée avait permis de mettre la main sur Béthio Thioune, comme principal commanditaire du meurtre et neuf (9) autres « Thiantacounes considérés comme les exécutants de cette basse besogne. Il s’agit des sieurs Samba Fall, Mamadou Anne, Mamadou Guèye, Demba Kébé, Moussa Dièye, Khadim Seck, Mouhamed Sène, Aly Diouf et Cheikh Faye. Ils étaient tous placés sous mandat de dépôt, y compris Béthio Thioune avant que ce dernier ne bénéficie, très rapidement, d’une liberté provisoire. Les 9 « Thiantacounes » continuent, depuis 6 ans, de croupir à la maison d’arrêt de Thiès pour « association de malfaiteurs, recel de cadavre, inhumation sans autorisation, non dénonciation de crime et meurtre et actes de barbarie ». Leur demande de liberté provisoire a été rejetée par le juge de la Chambre criminelle du tribunal de Grande instance de Mbour au motif qu’ils n’ont pas offert de sérieuses garanties de représentation, donc ils pourraient s’enfuir une fois dehors. Six (6) ans de détention provisoire pour ces sénégalais lambda dans l’attente d’un jugement ! Même le président de l’Union des Magistrats du Sénégal reconnaît qu’il n’est pas normal de tenir une personne dans les liens de la détention pendant 6 ans sans la juger. Pire, celui qui est considéré comme le principal commanditaire des deux meurtres continue de pavaner, d’être entouré de ses 5 épouses et d’organiser des « thiants » gargantuesques comme s’il était exempt de tout reproche alors qu’il est impliqué dans une affaire de crime de sang. Le cas Assane Diouf est à mettre sous ce registre. Il est maintenu en prison, sans jugement, de façon volontaire et à des fins de vengeance. Ce qui est gravissime (détournement de la justice et de pouvoir) et sape les fondements d’un État de droit !

Indifférence du peuple : perte de toute capacité d’indignation

Ce qui choque dans ces deux (2) affaires, c’est l’indifférence des sénégalaises et des sénégalais. Injustice ne saurait dépasser les peines qu’endurent les prévenus dans ces deux affaires, alors qu’ils ont droit à être jugés dans des délais raisonnables, peu importe ce qu’on leur reproche. Jusqu’ici, seules les organisations de défense des droits de l’homme sont montées au créneau pour dénoncer pareille situation, mais sans succès, car le peuple n’en fait pas une préoccupation. Les étudiants qui devaient conditionner le démarrage de la nouvelle année universitaire au jugement de leur collègue Ousseynou Diop s’illustrent davantage dans la revendication alimentaire (paiement des bourses, ouverture des restaurants, attribution des chambres, etc.). Ils donnent toutes les raisons de désespérer de notre jeunesse : pas ou peu d’engagement pour des causes nobles, pour des projets de société ou pour la construction de l’avenir de la Nation. Quant à nos femmes et hommes politiques, à l’exception d’une minorité, la majorité inscrit ses actions et préoccupations quotidiennes dans la dynamique de la quête de situations d’enrichissement sans cause pour leur bien-être personnel et celui de leur famille. Quid des universitaires ?  Celles et ceux qui devraient éclairer le peuple se terrent dans un mutisme, voire une complaisance aux effets dévastateurs sur leur nécessaire contribution à la formation d’une opinion publique informée et responsable. Les universitaires ont déserté le terrain de la réflexion et de l’engagement pour s’engouffrer, en majorité, dans les dédalles du « xar maat » tout en essayant de ne pas mécontenter les tenants du pouvoir actuel dans l’espoir de bénéficier, à leur tour, de prébendes. Les marabouts ? Je suis d’avis qu’il n’en existe plus au Sénégal, car les derniers sont partis (Mame Abdou Aziz Sy Dabakh, Serigne Fallou, Serigne Saliou, Thierno Mouhamadou Saïdou Ba, etc.). Donc, ce n’est pas la peine de compter sur eux où sur ceux qui se proclament comme tels !

La chose la plus grave est que le peuple sénégalais est arrivé au point qu’il ne s’indigne plus de rien. Il est devenu adepte de l’indifférence. On détourne des milliards, il ne dit rien pourvu qu’on lui en laisse quelques miettes. On prive d’honnêtes citoyens de liberté sous des prétextes fallacieux, ce n’est pas grave, car c’est la volonté divine. Le président de la République détourne les pouvoirs de nomination que lui confère la Constitution en nommant les membres de sa famille, de son clan, de surcroît des malhonnêtes et des incompétents, le peuple considère que c’est leur chance (un chanteur populaire sénégalais dit même que la chance vaut plus que la Licence !). L’indignation est importante, car étant une réaction saine qui mène, selon Stéphane Hessel, vers l’engagement. Sans engagement, rien ne changera dans nos conditions actuelles ! Il est temps d’ouvrir les yeux et de se mobiliser pour que justice soit faite et dite dans les affaires Ousseynou Diop, des « Thiantacounes » et d’Assane Diouf. Nul parmi nous n’est à l’abri de ces injustices. Elles peuvent toujours nous arriver ou tomber sur une personne qui nous est proche. Nous avons donc intérêt à nous indigner et à nous mobiliser pour que la distribution de la justice se fasse équitablement et dans des délais raisonnables. La distribution de la justice ne doit pas se faire au regard des statuts sociaux et/ou de la puissance financière ou politique. Non plus, il est inacceptable de détourner les pouvoirs que le peuple vous confie à des fins de règlements de comptes personnels. N’est-ce pas là le premier signe d’une incompétence ?

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