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État DÉlinquant, RÉgime En DÉliquescence

État DÉlinquant, RÉgime En DÉliquescence

« Kou wakh fégn » (qui parle se découvre) dit un adage wolof. En trois sorties, à Touba et face aux journalistes de Deutsche Welle et de France 24, le président Macky Sall s’est totalement dévoilé. Plus besoin de revenir sur son déplacement chaotique à Touba ou sur l’inaptitude qu’il a collée à ses concitoyens, son intention exprimée d’amnistier Khalifa Sall et Karim Wade, qu’il écarte de la course à la prochaine présidentielle, confère au Sénégal un statut tout à fait nouveau. Un Etat voyou où le chef reconnait avoir ligoté certains de ses adversaires, le ministre des Finances s’illustre dans le mensonge pendant que celui de l’Agriculture met la vérité en jachère.

Ceux croyaient le dossier Karim Wade totalement clos, en plus de déchanter, montrent qu’ils sont bien loin de connaitre tous les artifices de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Dans l’ouvrage : Affaire Karim Wade/Macky Sall : la double victimisation gagnante de Me Wade/ LA GRANDE ENTENTE, nous donnons les raisons qui font de cette juridiction un véritable instrument de victimisation. Avec la CREI, le b.a.-ba de la procédure pénale est relégué au second plan. Si les lamentations des libéraux ont trouvé écho favorable chez de nombreuses organisations des droits de l’Homme, c’est que cette juridiction souffre d’un mal congénital. Elle a, en effet, été instituée en juillet 1981 par l’ancien président Abdou Diouf qui venait d’accéder à la magistrature suprême. Celle-ci a, depuis, polarisé les plus folles critiques quant à son impartialité. Pour ses plus farouches détracteurs, le successeur de Senghor avait mis en place une telle cour pour dissuader et tenir en laisse les barons socialistes qui voyaient d’un mauvais œil son parachutage au Palais présidentiel. Venu de nulle part, Abdou Diouf par la bénédiction de son mentor, avait doublé tous ses camarades de parti en s’installant sur le fauteuil présidentiel. La CREI sous son oreiller, Abdou Diouf tint les caciques du PS, qui rouspétaient, à distance. De 1981 à 2012, la Cour n’aura été mise en service qu’à deux reprises. Abdoulaye Wade, nouvellement élu, développa également une stratégie visant à ligoter certains de ses adversaires. Mais, contrairement à son prédécesseur, il s’appuya sur les tribunaux ordinaires pour mettre au gnouf de nombreux hommes politiques dont les anciens directeurs généraux Mbaye Diouf et Abdoul Aziz Tall. Quand il s’est agi d’écarter Idrissa Seck, un ancien Premier ministre, la Haute cour de justice fut installée. Mais, Idy s’était déjà rendu à la DIC et s’était vu notifier sa garde à vue. Macky Sall, lui-même, partit répondre à une convocation au Commissariat central de Dakar. Durant tous les mandats de Me Wade, jamais il n’a été question de la CREI qui somnolait depuis plus de 30 ans. En prenant la décision de la réveiller, par le décret n° 2012-502, Macky Sall en toute connaissance de cause déclenchait une longue procédure mettant l’essentiel des arguments valables du côté des mis en cause. Sur le plateau d’i-Télé, le 25 octobre 2015, il reconnaissait, lui-même, «qu’elle a un fonctionnement assez particulier». Et le comble de l’injustice, quand la CREI vous condamne, vous n’avez aucune possibilité de recours. Et, c’est justement dans cette grande porte que s’est engouffré le fils d’Abdoulaye Wade en saisissant le comité des  droits de l’homme des Nations-Unies qui a, assez facilement, épinglé le Sénégal, comme l’avait déjà fait le groupe de travail sur les droits de l’Homme de l’ONU.

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Un camouflet qui vient s’ajouter à celui infligé par la Cour de justice de la CEDEAO à l’Etat du Sénégal que, pour des raisons politiques, Macky Sall isole de plus en plus sur la scène internationale. Le Sénégal  qui a signé toutes sortes de conventions et chartes, les plus farfelues notamment, se met en marge de celles-ci en s’en prenant à ses propres fils.

«Durant ces six dernières années, le président de la République a prouvé qu’il n’est pas rassembleur, il n’a pas su consolider la nation. Il est partisan, chef de parti, donc chef de clan. Il n’incarne pas l’unité nationale». Il n’y a pas plus pertinente description de Macky Sall que celle-ci faite par le Professeur Amsatou Sow Sidibe. En confirmant tous ceux qui disaient que les procès de Karim Wade et de Khalifa Sall sont foncièrement politiques, le leader de l’APR n’a pas uniquement pilonné la Justice. Il a aussi inspiré son ministre des Finances, Amadou Ba. Celui qui se bornait à présenter le Sénégal comme un pays très « liquide », a fini par suivre les pas de son mentor, en avouant. Seulement, Amadou Ba se dépêche de se décharger sur les milliards que le leader de l’APR utilise pour faire sa politique si couteuse. «C’est un choix voulu par le gouvernement du fait de la politique sociale menée par le président de la République», s’est-t-il dédouané après avoir longtemps nié l’évidence. Vingt-quatre heures avant la fameuse interview-confession de Macky Sall, c’est le ministre de l’Agriculture qui se faisait épingler par Transparency International. Pour avoir déclaré que le gouvernement a injecté 380 milliards de francs CFA dans le monde rural, Pape Abdoulaye Seck est accusé par l’ONG de verser dans «la désinformation et la diffusion de fausses nouvelles».

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« Un homme qui se noie s’agrippe à l’eau », dit un adage africain. La déliquescence d’un régime a ceci de particulier : son leader parle à tort et à travers, dans une sorte de réminiscence  extériorisée qu’au Sénégal nous appelons « diefour ». Comme quand Abdou Diouf, sentant sa défaite, affirmait n’avoir jamais eu connaissance que ses compatriotes achetaient du lait en poudre en sachet de 25 francs CFA.

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