La vie politique nationale est dominée, en cette période pré-électorale, par l’activisme débordant des responsables de Benno Bokk Yakaar cherchant à dépasser un taux de parrainage citoyen de plus de 50%. Ils pensent pouvoir faire de ce parrainage un test grandeur nature pour les élections à venir, une sorte de premier tour qui ne dit pas son nom.
Ils oublient cependant que les opérations de parrainage donnent lieu à une corruption quasi-universelle, au chantage et à un trafic d’influence, qui entachent leur validité comme instrument de mesure de la popularité de tel ou tel homme politique, contrairement au scrutin, qui confère plus de responsabilité à l’électeur et est moins susceptible d’être manipulé.
Le parrainage, dont la fonction essentielle est d’éliminer de la compétition électorale, le plus grand nombre d’adversaires possible, a aussi comme autres conséquences d’épuiser financièrement les candidats à cause de l’importance des moyens financiers et logistiques requis, de les détourner des tâches pré-électorales (élaboration et vulgarisation des programmes, recherche de financements…), de gêner les initiatives unitaires de l’opposition…
Pendant ce temps, le président-candidat a tout le loisir de dérouler des tournées plus politiciennes qu’économiques à l’intérieur du pays, ponctuées de quelques inaugurations et de nombreux effets d’annonce projetant l’imaginaire des électeurs vers un futur incertain, au-delà du 24 février.
Ces promesses mirobolantes sont d’autant moins crédibles, que les tensions de trésorerie actuelles laissent augurer d’une banqueroute probable dans la période post-électorale avec les incontournables plans d’ajustement des officines financières impérialistes. Les différentes fêtes religieuses (Magal, Gamou…) donnent aussi lieu à des campagnes de séduction en direction des différentes confréries, qui rechignent, cependant, à formuler des ndigëls explicites en faveur du pouvoir, préférant réciter des prières au profit de tous les candidats, qui les sollicitent. Le pouvoir use aussi d’autres stratégies comme la transhumance de supposés porteurs de voix vers les prairies marrons-beiges, le martèlement médiatique, les financements clientélistes par la DER. Au vu de tous ces faits, on ne peut s’empêcher de ressentir une pesante atmosphère si caractéristique des pouvoirs en fin de règne.
Comment se fait-il qu’un régime, qui n’en est qu’à son premier mandat, qui se targue d’un bilan élogieux-plus imaginaire que réel, il est vrai – qui devrait donc bénéficier de la prime au sortant, comment se fait-il donc qu’un tel régime soit en si mauvaise posture ?
Pour ceux qui en doutaient encore, la dernière interview du président de la République à France 24 a résonné comme un terrible tocsin annonçant la mort de la démocratie sénégalaise, pour laquelle des générations de patriotes sénégalais ont fait tant de sacrifices.
Non content de prédire l’issue d’une compétition électorale dans un pays où les sondages électoraux sont interdits, il anticipe sur le verdict final de procédures judiciaires en cours contre le maire Khalifa et prophétise même l’arrestation de citoyens revenant d’un exil forcé.
Il apparaît clairement que le pouvoir de Macky Sall est en train de dévoyer la reddition des comptes, pour évincer de potentiels adversaires politiques.
Nous n’en voulons pour preuve que la toute dernière décision du Comité des Nations Unies sur le procès de Karim Wade, venant à la suite de l’arrêt de la CEDEAO sur l’affaire du maire Khalifa Sall, en juillet dernier, qui ne se prononcent pas sur la culpabilité des concernés, mais remettent plutôt en cause la régularité des procès ayant abouti à leurs condamnations. Ainsi l’État sénégalais, qui a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, refuse de respecter des accords auxquels il a pourtant librement souscrit.
Enfin le régime de Benno Bokk Yakaar porte la lourde responsabilité d’avoir torpillé le consensus de la classe politique sur le code électoral depuis le début des années 90,
Il n’est dès lors pas étonnant de constater, de la part d’un tel pouvoir, une hostilité marquée contre les organisations de défense des droits de l’Homme et celles de la société civile, illustrée par les diatribes à l’endroit du représentant d’Amnesty International et le retrait d’agrément de l’ONG Lead Africa.
Il faut se rendre à l’évidence et reconnaître que le 24 février, au lieu d’être un jour de choix citoyen libre et éclairé, risque d’être le dernier acte du complot que les hommes du pouvoir actuel, sont en train de dérouler sous nos yeux.
De fait, les prochaines joutes électorales, si capitales pour l’avenir de la Nation, vont se tenir dans un contexte de mutation de notre État de droit en régime dictatorial, à l’image de certains pays pétroliers d’Afrique centrale.
Que penser alors d’un sondage grotesque publié par un quotidien étrange, ayant une ligne éditoriale insaisissable, qui attribue une victoire au premier tour au candidat Macky Sall, lors de la prochaine élection présidentielle de février prochain ?
Même si cette éventualité reste mathématiquement du domaine du possible, il devient de plus en plus clair, que le candidat de la Coalition Benno Bokk Yakaar, pourra peut-être remporter la victoire électorale mais il a déjà perdu la bataille morale, celle du droit, de la légitimité et de la crédibilité.
Mais ces sondages préfabriqués entrent dans le cadre de subtiles campagnes d’opinion, qui visent à convaincre l’électorat que la bataille serait déjà finie avant même d’avoir commencé, ou tout au moins à crédibiliser une victoire au premier tour frauduleusement auto-proclamée, que de prétendus opposants et une certaine presse se dépêcheraient de reconnaître, pour continuer à recevoir leur part du gâteau.
Il apparaît de plus en plus évident que l’issue des joutes présidentielles dépendra autant des suffrages populaires, que de la détermination des citoyens sénégalais, au-delà des chapelles politiques, à sécuriser le vote en neutralisant toutes velléités de fraude.
Il ne reste plus à l’opposition qu’à s’entendre sur une plateforme programmatique basée sur la restauration de la souveraineté nationale, la refondation institutionnelle et l’émergence citoyenne.