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Un Cochet Qui Ne Soit Ni Le PrÉsident-politicien, Ni Le Fils De Son PÈre

Un Cochet Qui Ne Soit Ni Le PrÉsident-politicien, Ni Le Fils De Son PÈre

Les lecteurs de ma contribution du mercredi 21 novembre 2018 se rappellent que j’y ai passé en revue mon premier exemple de ‘’cas illustratif de mal gouvernance’’. J’en termine avec la contribution de ce jour. Auparavant, je signale à certains de mes concitoyens qui se font déjà bruyamment entendre, qu’ils vont vite en besogne et qu’ils n’ont encore rien lu. Ils ont ainsi vite fait de m’accuser d’hostilité vis-à-vis du rapport du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Ils ont tout faux. J’ai simplement tenu eu à préciser, dans une interview à un site de la place, que les auteurs ont travaillé sur des documents, sur une procédure. Ils ne savent sûrement pas comment les  Wade ont conduit leur gouvernance pendant douze longues années. Ils ne sauraient donc, en aucun cas, conclure à l’innocence du fils de son père, comme on veut nous le faire croire. Je signale, enfin, à mes pourfendeurs de toujours, que je ne déteste personne, ni Wade père, ni Wade fils. Par contre, je déteste de la manière la plus vigoureuse la mauvaise gestion, le pillage de nos maigres ressources par des individus qui vont les planquer dans des paradis fiscaux. A l’intention de ceux et de celles qui n’ont pas lu ma contribution du 21 novembre, je rappelle que j’ai déjà renvoyé mes détracteurs empressés à ces mots de l’écrivain français Alfred de Vigny : « On ne doit avoir ni amour ni haine pour les hommes qui gouvernent. On ne leur doit que les sentiments qu’on a pour son cochet : il conduit bien ou il conduit mal. Voilà tout.» J’y ajoute ces autres mots de son compatriote Voltaire : « La politique est le moyen pour des hommes sans principes de diriger des hommes sans mémoire. » Je refuse d’être de ces hommes-là et rappellerai sans cesse, car le passé éclaire le présent et prépare l’avenir.

Pour revenir donc à notre premier ‘’cas illustratif de mal gouvernance’’ parmi de nombreux autres mis en évidence par l’Inspection générale d’Etat (IGE) dans son « Rapport public sur l’Etat de la Gouvernance et de la Reddition des comptes’’ de juin 2015, il s’agissait du pillage organisé de nos deniers publics,  gérés par le ‘’Projet de Construction d’Immeubles administratifs et de Réhabilitation du Patrimoine bâti de l’Etat (PCRPE)’’, notamment par le biais du Projet ‘’Cœur de ville de Kaolack’’ (‘’CVK’’) tombé très vite dans l’oubli. Dans leur analyse des forfaits, les contrôleurs de l’IGE constatent que le ‘’Contrat de maîtrise d’ouvrage clés en mains’’ n’a été qu’un « subterfuge pour contourner les règles de passation des marchés publics ». Le coût initial du Projet ‘’CVK’’ était de 12 497 100 000 francs CFA. Or, le montant des crédits transférés au PRCPE à la date du 11 juillet 2006 étaient déjà de 13 950 000 000, dépassant ainsi le coût initial de plus d’un milliard. Le coût initial montera encore plus, avec un avenant de 4 733 707 324, approuvé le 22 février 2008, pour « des travaux complémentaires non justifiés ». Ce n’est pas tout : l’argent du pauvre contribuable était encore pillé par un décret d’avance d’un montant de 3 000 000 000 de francs CFA, « prévu pour l’aménagement d’espaces publics devant faire l’objet d’un nouvel appel d’offres », mais qui « a été détourné de sa destination initiale et versé à l’entreprise, au titre du contrat initial ».

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Le contrat avec l’Entreprise S. a été finalement résilié le 18 février 2011, sans mise en demeure préalable. Il s’y est ajouté, poursuivent les contrôleurs de l’IGE, « un protocole de résiliation amiable (qui) a fixé le taux de réalisation à 80% et en a déduit le reliquat à la valeur résiduelle d’un milliard sept cent quarante-huit millions quarante-trois mille deux cent vingt-huit (1 748 043 228) francs CFA, alors qu’il eût fallu une expertise neutre du niveau d’exécution physique ». Et nos contrôleurs de rappeler une autre forfaiture, celle que « le bureau de contrôle était sous contrat avec le maître d’œuvre l’Entrepreneur S. et non avec le PCRPE (le maître d’ouvrage) ». Pour en avoir le cœur net dans tout cet imbroglio, l’IGE a commis un expert qui a évalué les travaux à « 6 161 594 047 francs CFA, au lieu des 17 230 707 324 francs CFA, coût du marché après avenant ». L’IGE précise ensuite que, « sur ce montant, quinze milliards trois cent soixante-neuf millions six cent cinquante-deux mille cent quatre-vingt-seize (15 369 652 196) francs CFA ont été effectivement payés ».

De toutes ces forfaitures, l’IGE conclut que « la réalisation du Projet CVK a été caractérisée par des pratiques de surfacturation révélées par des écarts criards entre le devis estimatif des travaux et leur coût de réalisation, ainsi qu’entre ce coût et les règlements effectués au profit du maître d’œuvre ». Et l’IGE d’évaluer le préjudice cumulé causé au Trésor public à 9 208 058 149 francs CFA. Même après la résiliation de la Convention avec l’Entreprise S., les forfaitures continuent. Ainsi, « un contrat de Construction, Exploitation, Transfert (CET) a été conclu avec l’Entreprise SDI, sans appel à la concurrence ». Contrat signé en novembre 2011 et qui avait pour objet « l’achèvement, l’exploitation et le transfert à l’Etat de l’infrastructure CVK ».

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Le ‘’CVK’’ poursuivra son aventure avec ses lots de forfaitures, pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. En tous les cas, deux ans avant le contrat avec le CET, son pourvoyeur de fonds, le PCRPE, était dissout par décret n° 2009-1253 du 11 novembre 2009. Une Commission de liquidation sera ensuite mise en place le 29 décembre 2009. Le PCRPE ne pouvait pas survivre à la rupture des relations diplomatiques entre notre pays et la Chine de Taïwan. Son budget était essentiellement alimenté par les fonds provenant de la coopération avec Taïwan. Il dépendait désormais du Budget consolidé de l’Etat dont on connaissait alors les limites. Les nombreuses ponctions et coupes budgétaires ne lui permettaient plus de financer ses nombreux projets en cours. Parmi ces projets on peut notamment citer : le ‘’CVK’’ naturellement, les cases des tout petits, les maisons à outils, les bassins de rétention, la Cité des enseignants du Supérieur, l’Université du Futur africain, les ‘’Spéciales Indépendances 2004-2005-2006-2007 et 2008’’, le marché central de Touba, etc. La mort du PCRPE laissait ainsi de très nombreux projets inachevés. Le journal d’alors, ‘’La Gazette’’, titrait dans une de ses éditions hebdomadaires : « Dissolution du PCRPE : 1800 milliards pour des projets inachevés » (‘’xalima.com’’ du 22 février 2010). Mille huit cent milliards, c’était peut-être exagéré. En tous les cas, ce qu’on peut retenir raisonnablement, c’est que le PCRPE n’a pas usurpé sa réputation de ‘’Gouffre à milliards’’. Les forfaitures du ‘’CVK’’ peuvent en attester, comme en atteste la destination d’une somme dont a fait état ‘’La Gazette’’, « somme virée deux jours avant la rupture des relations diplomatiques entre le Sénégal et Taïwan, (mais) qui n’aurait laissé aucune trace comptable, selon les responsables du PCRPE ». Il s’agit, sans aucun doute, des 15 millions de dollars de fonds taïwanais destinés initialement ‘’à la réalisation de projets sociaux’’, mais que le vieux président prédateur n’a eu aucun état d’âme à détourner avec ses trois complices : son fils, son sulfureux conseiller d’alors Pierre Aïm et un certain Jérôme Godard, qui aurait joué un grand rôle dans les grosses difficultés que les Industries chimiques du Sénégal (ICS) ont connues avec l’avènement de l’alternance du 19 mars 2000.

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Ces crimes sont évidemment graves, très graves, peut-être assimilables à la haute trahison qui n’est pas encore définie. Pourtant, ils ne sont que la partie visible de l’immense iceberg. Dans ma prochaine contribution, je passerai en revue un crime plus grave encore, en tout cas au moins aussi grave. Ces crimes, et ceux en cours devant nous, nous devons nous mobiliser pour en débarrasser définitivement notre pays. Ce ne sera sûrement pas avec le cochet qui conduit notre monture le Sénégal depuis le 2 avril 2012, ni avec l’autre qui est, en matière de gestion, le portrait craché de son père.

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