Dénigrer son pays de cette manière avec autant de légèreté n’est pas patriotique… Le Sénégal de 2018 mérite plus que ça.
«Numbers don’t lie», disent les Américains. Ce qui rend la finance intéressante, c’est la spéculation. Ce qui rend l’économie encore plus intéressante, c’est qu’elle est factuelle. En effet, il est très aisé de remettre en question les propos de Monsieur Ousmane Sonko en évoquant quelques chiffres révélateurs.
J’ai écouté attentivement l’interview de M. Sonko à la Tv5 et noté beaucoup d’incohérences et de contre-vérités sur la situation économique du Sénégal. Le Sénégal dont il nous parle est le Sénégal pré-2012. D’ailleurs, toutes les institutions (Fmi, Bm, Bad, Bid, Moody’s et S&P pour ne citer que celles-ci), aptes à évaluer notre économie, disent le contraire des affirmations gratuites de M. Sonko.
En voici quelques illustrations :Le secteur primaire reste le plus dynamique (Rapport de la Banque mondiale, 2018). L’argument de la tertiarisation de notre économie était valide avant 2012 quand les services représentaient la part la plus importante de notre économie. Le secteur secondaire se développe et devrait être plus important que le secteur primaire d’ici quelques années.
La croissance de 7% est tirée principalement de l’agriculture, des investissements publics et de l’industrie (agro-alimentaire), contrairement à ce qu’il prétend (source rapport de la Bm). Voilà trois années consécutives que le Sénégal réalise un taux de croissance supérieur à 6%.
Le secteur énergétique y a également beaucoup contribué. Le Sénégal est passé de 925 heures de coupures d’électricité en 2012 à 24 heures en 2017/2018. Le problème de l’énergie coûte 4% de croissance à l’Afrique.
Jamais le secteur industriel n’a connu une telle performance avec l’implication des Sénégalais (Nma, Patisen, Senico, Sedima, Kirène, etc.). Nestlé a perdu beaucoup de parts de marché. La construction des parcs industriels reste un argument de taille.
Le Sénégal est passé de 127ème pays le plus pauvre à 238ème en 2012, puis à partir de cette date, il y a eu un saut, car en 2018 le Sénégal occupe la 162ème place. (Selon l’ordre de classement des pays par Human development index, country economy). Le taux de pauvreté a donc bel et bien diminué au Sénégal.
Le taux de pauvreté est de 47%, cependant 30% des ménages les plus pauvres sont couverts par un système de filets sociaux sénégalais qui est l’un des meilleurs d’Afrique. Le pays a progressé en matière de santé infantile, principalement en s’attaquant au paludisme et à la malnutrition chronique (retard de croissance) qui est de 17%, soit le plus faible taux en Afrique subsaharienne continentale.
Endettement : le ratio dette/Pib sera aux alentours de 49,7% en 2018, alors que celui de l’Afrique est de 57%. Le risque de surendettement reste faible selon la dernière analyse de soutenabilité de la dette du Fmi et de la Banque mondiale – confirmé par le dernier rapport Moody’s qui classe le Sénégal 4ème meilleure notation après l’Afrique du Sud, le Maroc et la Namibie. Le vrai débat, c’est plutôt l’utilisation de la dette.
Le Sénégal est classé 10ème pays sur 54 en matière de bonne gouvernance selon l’indice Mo Ibrahim, même si des efforts sont à faire (ex : Rwanda est classé 8ème).
Quand il parle de la révolution culturelle à mettre en place en argumentant que l’Europe, les Etats-Unis et les pays émergents ont utilisé le même modèle, à l’écouter, on se rend compte de la légèreté de sa réponse. Pour ceux qui s’y connaissent en politique d’industrialisation, chaque pays doit s’appuyer sur sa culture, et il est clair que de la même manière que l’Etat doit élaborer une législation pour promouvoir ce secteur, le secteur privé sénégalais doit aussi développer de l’intérêt pour ce secteur. Je suis convaincu que le pays est sur la bonne voie. D’ailleurs, il est important de noter que la Banque mondiale considère le sectaire secondaire (à travers l’industrialisation) comme étant le secteur le plus performant pour les années à venir.
Pour pouvoir diriger un pays, il faut accepter les actions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, des prédécesseurs afin de construire l’avenir. Par exemple, l’attitude de Nelson Mandela a permis à l’Afrique du Sud de rester la première économie africaine et de facto la seule économie émergente en Afrique. Alors, construire l’avenir du Sénégal sur des bases négatives et dénigrantes ne me paraît pas être une solution durable.
Sans doute, les choses sont difficiles. Le chemin peut être long et semé d’embûches, mais l’espoir est permis. Seulement, ne pas reconnaître les avancées économiques de notre cher pays (alors qu’on est constamment cité en référence dans le monde et que toutes institutions habilitées à le faire confirment que tous les indicateurs macroéconomiques sont dans le vert et que le pays est sur la bonne voie) résulte d’une malhonnêteté intellectuelle et surtout d’un manque de patriotisme. Il ne faut pas nier l’évidence pour berner l’intelligence.
Soyons plus responsables et informons bien notre Peuple : c’est ça, le vrai patriotisme !
Moustapha SOW
Banquier d’Affaires International
Expert en financement
des infrastructures et
du commerce en Afrique