Le livre de 167 pages que le Président Macky Sall vient de publier suscite déjà débat. D’abord, sur son genre. Peut-on le classer dans la catégorie des mémoires, sachant que l’auteur est encore en pleine activité professionnelle ? S’agit-il de chroniques ? Certainement pas, puisque l’auteur ne privilégie pas le déroulement chronologique des faits. «Le Sénégal au cœur» me semble relever du genre autobiographique où l’auteur se raconte, sans détour.
Contrairement à certains critiques (la plupart des politiciens), le livre est venu à son heure. Au moment où le Président Macky Sall boucle presque son premier mandat et sollicite un second, il importe qu’il décline au grand public sa personnalité intime. Le plus important est qu’il nous livre sa version de certains faits et actes intervenus au cours de sa longue marche. Autrement dit, la perception qu’il se fait de lui-même. Cette démarche, pour quelqu’un qui a déjà fait ses preuves sur le terrain de l’exercice du pouvoir, me paraît plus opportune que la présentation d’un programme fade, conçu et rédigé à partir de bureaux d’études, logés à Saint James ou même à la Silicon Valley. La Présidentielle étant «le rendez-vous d’un homme avec son Peuple», il s’avère important que le candidat enlève son masque pour faire face à ses mandants. C’est dans cette optique que je salue la démarche du candidat à la candidature, Macky Sall.
Pour revenir au livre, j’ai beaucoup apprécié la présentation que l’auteur se fait de ses origines, dont il revendique «fièrement» la modestie. «Modeste, ma famille était vigoureusement dévouée aux valeurs chères à notre lignée : culte de l’effort, de la droiture, du courage et de la retenue», narre-t-il, en mettant – sagement – l’accent sur ce qui est fondamental dans la vie, «les valeurs». Son attachement à cette notion lui permet d’aborder une des séquences les plus délicates de l’ouvrage : «Les propos nauséabonds de Wade.»
Reprenant textuellement les propos gravissimes de Me Abdoulaye Wade à son encontre, Macky Sall se démarque de la catégorie des insulteurs, en préférant se référer aux «valeurs» qui sont les siennes, pour qualifier ainsi l’auteur de ces insanités : «Celui qui fut mon mentor, mon guide, cet Abdoulaye Wade qui a tant marqué mon pays…», dit-il poliment.
Mieux, il se met au-dessus de la mêlée et oblige ses partisans à éviter la polémique avec un ancien Président «qui a tant marqué le Sénégal».
En nous racontant les péripéties de «sa descente aux enfers», l’auteur nous révèle quelques-uns de ses traits de caractère : la fermeté, malgré une souplesse apparente, l’abnégation et la détermination. Des qualités fondamentales pour un président de la République. Parmi tous les numéros 2 de Wade, seul Macky Sall a réussi à échapper à ses pièges pour le vaincre finalement, grâce aux qualités ci-dessus décrites.
La partie qui retient plus mon attention est celle relative à la Première dame : «Marième a le rire et l’humour communicatifs.» S’il est nécessaire de connaître la personnalité de l’homme qui préside aux destinées de notre pays, il est également fondamental de cerner les qualités de celle qui porte le titre élogieux de «Première dame du Sénégal». Or dans cette partie du livre, on découvre une Première dame qui peut revendiquer dignement son appartenance à la lignée des grandes dames que notre histoire a produites : Sokhna Adama Aïcha, Sokhna Diarra Bousso, Sokhna Fawade Wélé, Sokhna Dieumbeutte Mbodj, Sokhna Aline Sitoé Diatta, etc.
«Notre premier enfant naquit alors qu’elle était étudiante. Un jour, afin de pouvoir aller en cours, elle avait confié notre fils à l’épouse de notre ami, le regretté Ousmane Masseck Ndiaye. C’est d’ailleurs le nom de cette dame que nous avons donné à notre fille. Installé chez nos amis, notre petit garçon n’arrêtait pas de pleurer. La dame, inquiète, et ne sachant quoi faire, finit par m’appeler. J’étais à mon bureau : elle m’explique qu’il refuse de s’alimenter et de prendre le biberon. Très inquiet, je me rends chez elle. Effectivement, il continuait de pleurer, je l’ai pris avec moi et nous nous sommes rendus à la Fac où étudiait ma femme. Nous avons fait irruption en plein cours. Je lui explique ce qui se passe. Elle a pris le bébé et elle lui a donné le sein : il s’est calmé aussitôt. Je lui ai dit : ‘’On rentre à la maison.’’ Ce fut son dernier cours : ‘’Maintenant, je vais m’occuper de mon fils’’, avait-elle dit».
Cette séquence, à elle seule, mériterait un livre. Une jeune étudiante de première année qui décide de miser sur l’éducation de son enfant, plutôt que de se consacrer à ses études supérieures, est un exemple à méditer. Allah a béni son option qui a abouti au résultat que nous savons tous. Bravo, Marième, votre comportement est exemplaire et sera sans doute enregistré dans le livre d’or de l’histoire de nos grandes et braves dames.
Le Sénégal au cœur fera partie, à coup sûr, des livres qui vont figurer prochainement dans les programmes des grandes écoles de Sciences Pô.
Au lieu de lire ce livre avec un esprit politicien, j’invite plutôt les candidats à la Présidentielle d’en faire un livre de chevet. Cet ouvrage est, en réalité, un guide pour tous ceux qui veulent accéder à la Magistrature suprême. Il est néanmoins handicapant pour les adversaires éventuels du candidat Macky Sall, car il démontre que l’auteur de Le Sénégal au cœur a le profil idéal pour être reconduit dans les hautes fonctions de président de la République du Sénégal en février 2019.
Mamadou Bamba NDIAYE – Ancien ministre
des Affaires religieuses – ndiabamba1949@gmail.com