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Un Naufrage SÉnÉgalais

Un Naufrage SÉnÉgalais

Des chefs d’État et de gouvernement aux toutes premières loges. Une Assemblée Nationale “fermée” en plein marathon budgétaire sur ordre de son nouveau khmer marron-beige de président. Des députés réquisitionnés et sommés d’aller applaudir le président. Le vote du budget de l’un des ministères les plus importants de la République, l’Agriculture reporté pour cause d’investiture. Du jamais vu dans l’histoire parlementaire sénégalaise. Le Sénégal au cœur, ses agriculteurs loin du cœur.

Nous en mettre plein la vue

Pour son jour de gloire. Macky Sall n’aura lésiné sur aucune outrance. Pas plus qu’il n’aura chipoter sur les invitations avec une place de choix réservée à ses dizaines d’hôtes turcs, chinois marocains et français. Jusque dans la géographie du placement des invités, tout recoupe l’image et la place des nouveaux mandarins de l’économie sénégalaise.

Pour en mettre plein la vue à ses parrains économiques, diplomatique et politiques, Macky Sall a fait de son investiture, une démonstration de force avec sons, lumières strass, paillettes, chorales, artistes et griots…

Plusieurs milliers de militants et figurants chichement rémunérés et régalés pour être filmés à grands renforts de zooms et de plans serrés ont été convoyés au Dakar Arena. Un tout grand, tout beau, tout neuf joyau, fruit de l’amitié autoritaire entre deux “démocrates durs”, Erdogan et Macky. À investiture grandiose, cadre monumental.

Si le président-candidat ne s’est rien refusé pour lancer officiellement sa candidature et montrer sa capacité de mobilisation fictive, il n’a non plus rien épargné aux sénégalais. Sa fastueuse et coûteuse cérémonie d’intronisation aura provoqué une belle pagaille sur nos routes avec une circulation totalement à l’arrêt sur l’autoroute à péage. Tous les records d’embouteillage ont été battus. Des milliers de voitures dont des ambulances, prises dans l’étau d’un bouchon de plusieurs kilomètres, des heures de cauchemar pendant lesquelles, plusieurs passagers en route pour l’aéroport ont vu leur avion partir sans eux. (voir l’excellent papier de Amadou Tidiane Wone : L’envers du décor)

Les risques de l’effet Dakar Arena

Macky Sall a beau avoir le Sénégal au cœur, il a surtout mis la rage au cœur des Sénégalais. Dans un contexte où le pays souffre silencieusement, où les étudiants désertent les amphis et mendient pour assurer leurs repas parce que l’Etat n’arrive plus à payer sa dette aux restaurant universitaires, les effets d’une telle orgie festive risquent d’être dévastateurs dans l’opinion. A l’effet papillon, capable de déclencher la furie des éléments, il faut désormais ajouter l’effet “Dakar Arena” aux conséquences électorales probablement non moins ravageuses.

Au moment où la famine menace dans certaines parties du pays, où près de 40 000 étudiants sont dans la rue du fait de l’incurie du gouvernement, où des sénégalais s’immolent de désespérance devant le Palais, où des milliers de Saint-Louisiens risquent d’être engloutis par les eaux, où la maternité de l’hôpital de Tambacounda manque jusqu’ au coton, dans un contexte où le système sanitaire sénégalais est à l’arrêt, où ça gronde fort dans la justice et l’enseignement, où le pays tout entier est englué dans une crise sociale et politique d’une ampleur sans précédent, où le Sénégal est meurtri, balafré de partout par sept années de gouvernance malpropre avec des scandales politico-financiers qui dégringolent de partout,  où les déficits se creusent, où la dette menace d’exploser notre système économique, une telle effervescence exhibitionniste à coup de milliards est une insulte envers nos millions de compatriotes englués dans d’insurmontables difficultés quotidiennes et un mépris envers tous ces sénégalais dont l’espoir de manger un repas par jour, est de 24 heures renouvelables chaque matin.

L’outrage d’Alassane Ouattara

Décidément, l’intronisation du président-candidat Macky Sall aura été l’investiture de toutes les outrances avec comme point d’orgue,  la grossière et inadmissible ingérence des présidents ivoiriens et mauritaniens dans nos affaires intérieures, au mépris des plus élémentaires principes démocratiques et diplomatiques. Toutes les obsessions du monde, y compris celle d’un second mandat, ne justifieront pas que l’on ait pu autoriser des pays étrangers à se prononcer publiquement, qui plus est, sur les terres du Sénégal, sur nos propres élections. Quelle souillure sur la pureté de notre souveraineté. On a beau jouer son destin personnel, celui de sa famille, de son clan et de ses souteneurs, aucun Sénégalais n’a le droit de laisser quiconque planter un poignard dans le dos de notre fierté nationale. Qui plus est, lorsqu’on incarne la nation sénégalaise dans sa diversité politique, ethnique et confessionnelle. Si Alassane Dramane Ouattara a commis une erreur en ce qu’elle a de non intentionnelle, Macky Sall a commis une faute, sachant exactement ce qu’il était en train de faire, lancer un appel au secours à ses pairs présidents pour une élection qu’il a toutes les malchances de ne pas gagner. Mais ce n’est là qu’un énième avatar des dérives du président Sall et du peu de cas qu’il fait de notre souveraineté politique, économique et diplomatique.

Des transhumants même pas sûrs du vote de leur propre égo

Si l’investiture officielle du président-candidat Macky Sall a été conçue et exécutée pour être un méga spectacle, il se révèlera au final comme la pire stratégie de communication de notre histoire politique récente. Le fait d’avoir aligné en rang d’oignons à verser des larmes, toute une reptation de transhumants, y aura été pour beaucoup. De Fada à Ndéné en passant par Thierno Lô, Papa Samba Mboup, Farba Senghor et Baldé, le tout dernier transfert du mercato de la transhumance, leur image ne passe plus dans l’opinion, tant ils symbolisent l’absence de fierté et d’amour propre. Tous incarnent aux yeux des sénégalais, le visage caricatural de cette politique de bas étage honnie par les Sénégalais. Leur stratégie d’évitement des objectifs, leur gêne si perceptible sous l’œil des caméras, étaient la preuve que tous attendaient la fin de ce moment certainement si pénible pour eux. La transhumance, met-elle si mal à l’aise au point d’avoir cette désagréable sensation d’être une honte pour soi-même ?

En faisant don de leur personne à Macky Sall pour de l’argent, en dépit de leurs justifications souvent maladroites pour contourner les 9 lettres de leur acte, c’est à dire indignité, ces néo-maquisards dont certains ne sont même pas sûrs du vote de leur propre ego, sont tombés sous l’impitoyable couperet de l’opprobre public. Alors le président de la République a beau avoir le Sénégal au cœur, la défiance de plus en plus grande des sénégalais risque de fort secouer le cœur de tout son système.

Malick Sy est journaliste.

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