On peut contredire le témoignage de quelqu’un. A l’effet d’aider à la manifestation de la vérité. Mais celui qui se contredit lui-même a quelques soucis à se faire. Il faut interroger la cohérence de ses idées, la logique de ses pensées, l’ordonnancement de ses arguments. Nous, Béninois, sommes passés maîtres dans l’art de nous contredire. Le montrent à suffisance ces quelques échantillons d’attitudes et de postures. Des comportements contradictoires à tous égards. Ils nous identifient. Ils affichent et clament notre « béninité ».
Le Bénin est une nation de football. Les 11 millions d’habitants que compte le pays ne perdent aucune occasion pour se transformer en 11 millions de coachs. Chacun y va alors de ses conseils et prières, de ses directives en termes de système de jeu et de schémas tactiques. Si, comme on le dit, « L’abondance de bien ne nuit pas », le Bénin, fort de ce soutien massif, devrait survoler toutes les compétitions régionales et internationales. C’est loin d’être le cas. Alors, pourquoi ne gagnons-nous pas ? Pourquoi gagnons-nous si rarement ? Si ce n’est pas une contradiction, cela y ressemble.
Les fêtes identitaires se multiplient dans notre pays. Torixwé, Sètoxwé, Wémêxwé…. Nous n’avons rien contre ces expressions diverses et différenciées de notre patrimoine culturel. Rien contre la manifestation des sentiments d’appartenance à un terroir donné dans l’ensemble national qu’est le Bénin. L’identifiant majeur pour chacune de ces fêtes, c’est le pagne retenu pour la circonstance. Il se veut le symbole de la fusion des cœurs et des esprits à l’occasion de ces retrouvailles. Pourquoi un tel pagne continue-t-il d’être importé ? N’ya-t-il pas là une drôle de manière de célébrer l’identité ? Au cas où on l’oublierait, le Bénin est producteur de coton.
Notre pays n’est pas enclavé. La nature l’a doté d’une zone côtière qui l’ouvre sur le grand large. La zone méridionale bénéficie de deux saisons annuelles de pluies. Comment expliquer alors qu’il y ait moins d’arbres à Cotonou et à Porto-Novo qu’à Ouagadougou et qu’à Niamey ? Deux cités sahélo-sahariennes. Deux cités aux portes du désert. La contradiction est comme le ridicule : elle ne tue pas !
C’est une vérité gravée dans le marbre : le Bénin, notre pays, est le berceau des conférences nationales souveraines en Afrique. Cette vérité reconnue, retournons sur les lieux de mémoire témoins de cet accouchement, au tournant des années 90. Une grande bâtisse abandonnée à la brousse. Le souffle vitreux de l’oubli. Un silence de cimetières. Nous nous étions fait sculpteurs d’idéal et de vision. Nous voici rendus au triste destin de profanateurs de mémoire, de violateurs d’un legs sacré. Comment avons-nous pu tomber de si haut ?
Le Bénin déboule sur la scène internationale armé d’une revendication majeure : rendez nous les biens culturels dont nous avons été spoliés, des biens aujourd’hui exposés dans vos musées ; retournez à leurs propriétaires légitimes le capital patrimonial dont ils ont été dépouillés. Faisons nôtre cette pensée : « Tout le monde disait que c’était impossible. Etait arrivé un fou qui ne le savait pas et qui l’a fait ». (Fin de citation). Notre « Agbonon » l’a fait. Bravo ! Que lui reste-t-il à faire d’autre ? Garder un œil sur l’état de ses propres musées. Faire l’inventaire de nos laxismes. Faire le point sur nos négligences. On en aura ainsi fini avec la manie de chercher la paille dans l’œil de celui-ci, la poutre dans l’œil de celui-là.
Nombre de nos compatriotes traversent leur vie terrestre dans le dénuement le plus total. Mais quand ils meurent, ils bénéficient, par la volonté des leurs, des obsèques grandioses à coups de millions de nos francs. Il est vrai que les morts n’ont plus voix au chapitre. Mais, pour autant, les vivants peuvent-ils s’arroger le droit de faire d’eux ce qu’ils veulent dans le seul dessein de paraître, de ressources limitées comme le Bénin, cette instrumentalisation de nos morts a quelque chose de malsain. C’est de la bêtise. Décourageons-la.