Lorsque j’ai visité récemment la Somalie de l’hinterland aux bordures de la mer rouge et celles de l’océan indien, j’ai pu réaliser encore combien l’engagement dans l’éducation pour tous est important. Dans ce pays où l’insécurité est maitresse avec la présence de forces antagonistes de tous genres met en péril la démocratie, la bonne gouvernance, la liberté et le bienêtre tout court de tout un peuple, l’éducation est au cœur des stratégies de résilience et de stabilisation. J’étais particulièrement intéressé par les écoles de base mobiles qui suivent les populations pastorales perdues dans les méandres de cette violence multivariée. En plus de l’engagement des partenaires, j’ai été en premier frappé par l’engagement des parents d’élève pour le maintien des classes mobiles, et pour la protection du matériel scolaire comprenant livres de lecture et autres documents didactiques, lorsqu’il est déplacé sur le dos tantôt de chameau, tantôt d’âne. Sous un soleil qui distribuait des rayons produisant une canicule extrême, et caressaient l’ombre rare avec plus de 48 degrés, l’instituteur se battait, aux temps de pause, pour réunir les enfants filles et garçons dans la classe mobile, et distribuer affablement les connaissances du jour avant que le troupeau ne reparte vers des pâturages lointains.
Cette image m’a montré, encore si j’en avais besoin, la chance que nous avons dans notre pays, le Sénégal, d’avoir eu des gouvernements qui, successivement, ont pratiquement assuré la paix sociale et l’éducation pour tous, quelles qu’ont pu être les difficultés, face aux restrictions budgétaires successives, de création d’emplois ainsi d’insertion des jeunes, ou de valorisation de la fonction de l’enseignant. Un Président toujours en fonction rappelait récemment dans son livre, « Le Sénégal au cœur », comment l’éducation par l’école a pu le propulser là où il se trouve malgré qu’il soit issu d’une famille financièrement modeste quoique guerrière par les origines. Un de ses opposants les plus farouches, dont il a évoqué, dans son livre, des faits attestant de son caractère autoritaire, avait, au détour d’une interview, décrit combien l’éducation par l’école lui a été essentielle. Il avait surtout décrit comment ses parents, avec des moyens financiers limités, avaient pu, malgré tout, sécuriser ses frais de scolarité pour une éducation de qualité qui l’a propulsé au-devant de la scène politique du pays. Un nouvel opposant, jeune espoir, dont le Président a récemment pointé l’outrecuidance dans ses affirmations sur des sujets « non maitrisés », a aussi évoqué dans un livre « Solution », combien sa performance à travers une très bonne éducation dans une école démocratique sénégalaise, a pu le sauver d’une machine dictatoriale lorsqu’il a affirmé son ambition politique.
J’ai simplement voulu prendre ces exemples sur des personnalités connues, j’avoue qu’il y en a des milliers au Sénégal que l’école formelle française, l’école arabe ou coranique, ou d’autres écoles de la société, ont pu imprimer une trajectoire appréciable dans leur vie et destin. Je fais l’économie de ma propre expérience qui, quoique intéressante, est presque insignifiante pour la majorité des lecteurs. L’éducation est essentielle, de parce qu’elle détermine l’avenir d’un pays dans ce monde globalisé. Elle façonne le caractère et formate les citoyens face aux progrès scientifiques et les défis du développement. Nous avons certes enregistré des résultats importants dans l’éducation au Sénégal, en atteste la qualité de nos ressources humaines, mais nous devons redoubler nos efforts.
Le Professeur Souleymane Bachir Diagne disait récemment dans son discours du haut de la tribune du Partenariat mondial pour l’éducation : « l’éducation n’est pas seulement l’affaire des spécialistes, c’est l’affaire de tous. » (Diagne, 2018). Elle est surtout l’affaire des politiques qui déterminent les stratégies et programmes, et les mettent en œuvre avec des acteurs variés, mais aussi des populations qui en bénéficient, les électeurs, individuellement ou à travers d’organisations qui travaillent dans le secteur de l’éducation aux niveau national, régional, départemental et local.
Je voulais inviter tous ceux qui veulent briguer les suffrages des sénégalais lors des élections présidentielles de février 2019, à nous dire clairement quelles sont les politiques et programmes qu’ils vont définir et mettre en œuvre pour assurer une bonne éducation à tous les sénégalais, qui débouche surtout sur l’emploi et l’insertion, leur donnant ainsi leur chance et leur place dans leur pays. Comment ils vont assurer que l’éducation ne sera pas reléguée au second plan dans cette course effrénée aux infrastructures et à l’exploitation du pétrole, du gaz et d’autres ressources. Etant entendu que la place qui sera donnée à l’éducation dans les politiques au Sénégal post février 2019 déterminera en grande partie notre capacite de sortir du sous-développement les prochaines années, définira quel type de citoyenneté nous voulons construire, et clarifiera le type de développement que nous voulons, qui ne se mesurera pas uniquement par les « taux de croissance », mais par notre capacite à réduire les manques de liberté qui nous assaillent : « la pauvreté ainsi que la tyrannie, les faibles opportunités économiques ainsi que le dénuement social systématique, la négligence des équipements publics ainsi que l’intolérance ou la suractivité des États répressifs. » (Sen, 1997).
Dr. Abdourahmane BA
rahurahan@gamail.com
Kaolack
L’article Donnons place à l’éducation dans les politiques .