Débat passionné ou dépassionné. Un débat à huis clos. Un débat auquel nous, détenteurs de cette monnaie, corrélée à l’asservissement voire à la dépendance économique et politique de nos états vis-à-vis de la France, ne sommes pas invités. En effet, il s’agit du débat sur le franc Cfa (Colonies françaises d’Afrique), cette monnaie que partagent quinze états d’Afrique occidentale et centrale. Faut-il la maintenir ou l’abandonner? Les protagonistes s’écharpent en plein jour. Thuriféraires et détracteurs abondent dans des sens différents. En effet, cette monnaie a une particularité voire une bizarrerie. Elle est fabriquée en France, dans un charmant petit bourg, Chamalières, dans le Puy-de-Dôme. Comme nous le savons, le franc Cfa est issu de la colonisation et son développement s’est accéléré après la seconde guerre mondiale. Tout cela s’inscrit dans un but bien précis, maintenir les anciennes colonies africaines dans le pré-carré français. Naissance de la FrançAfrique, l’autre bras armé de la colonisation. Aujourd’hui, le franc Cfa est utilisé dans deux unions monétaires distinctes disposant chacune d’une banque centrale en leur sein mais dont le contrôle dépend de la fameuse Banque de France. Les deux entités monétaires, la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) et l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest-Africaine) ont chacune un compte auprès du Trésor français. Deux vraies vaches laitières. Drôle de scénario, ce que disent bon nombre d’économistes avertis. L’on dit haut de nos jours ce que certains pensaient bas naguère : cette monnaie est un véritable outil de servitude. Notre malheur. Mais n’oublions pas tout de même que ce franc est aussi utilisé aux Comores. Toujours rattaché au franc symbolique, il est remplacé de nos jours par l’euro. C’est-à-dire qu’il a un taux de change fixe et suit le cours de ce dernier. Mais l’étrangeté dans ce deal, c’est que tous les pays de cette zone du franc déposent 65% de leurs devises auprès du Trésor français. Un accord tacite qui a scellé et continuera de sceller le destin politique de ces quinze pays concernés. Toujours sous le joug et aux dépens de la France. Malgré tout cela, il existe in fine des avantages que regorge cette monnaie nous maintenant encore dans l’asservissement. Une autre forme de colonisation. D’où une rébellion naissante de certains chefs d’Etat africains comme récemment ce fut le cas du président tchadien, Idriss Déby tandis que d’autres comme Alassane Ouattara, Macky Sall ou Ali Bongo pérorent dans un sens différent. Un dialogue de sourds et un combat entre pot de terre et pot de fer font le lit de cette division entre chefs d’Etat africains. En fait, il est des avantages notoires que sont la stabilité et la parité fixe de la monnaie dans ce monde dominé par un chaos et une géopolitique instable. De sa création à maintenant, il n’y eut qu’une seule véritable secousse, sa dévaluation en 1994. Avec le franc Cfa, existe une once d’inflation et il n’y a pas de crise de la balance des paiements. Mais quand l’euro est trop fort, le franc Cfa est surévalué ; ce qui crée des dysfonctionnements criards. La compétitivité s’affaiblit et cela pénalise les économies des pays de la zone du franc. En ce moment, l’on parle de rumeur de dévaluation du franc, surtout dans la zone de la Cemac et non dans celle de l’Umeoa. En effet, pour déprécier le franc Cfa, il faut un accord commun de tous les pays concernés. Mais ce qui semble hilarant, c’est que ce franc, depuis sa genèse, a permis peu ou prou une émergence des économies des pays concernés. Déception et sentiments anti-français. Mais ce qui fait entendre le courroux des africains, c’est le symbole politique de cette monnaie fabriquée en France. Et cette dernière a droit au chapitre dans toute décision économique et politique dans nos états. Et toujours cette histoire jalonnée d’amour et de haine entre la France et son pré-carré africain. Une atteinte à la souveraineté de nos états. Et cette soi-disant élite politique manipulée à souhait par la France. Et les intérêts convergents de certains dirigeants africains avec leurs homologues français. Hélas l’histoire bégaie encore : mauvaise gouvernance chronique, aucune transparence dans la gestion des deniers publics etc. Une manière de dire que le franc Cfa et la FrançAfrique servent de soupape de sécurité à certains bons élèves-présidents africains. En effet, ledit débat se pose lentement mais sûrement et gagne du terrain. Mais la question à brûle-pourpoint, c’est de savoir comment peut-on libérer un esclave qui humant l’air de la liberté, refuse de franchir le seuil de la porte du maître qui lui a indiqué déjà le chemin. Mais apparemment il hésite et ne saute pas. La balle est in fine dans le camp des états africains mais l’on ne sait pas ce qui se trame dans le secret des dieux. Le franc Cfa empêtré dans la toute puissance de la FrançAfrique, mourra-t-il un jour de sa belle mort ?
POUYE Ibra
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