Nous n’avions jamais eu l’occasion de nous rencontrer. J’ai appris à le connaître à travers ses apparitions télévisuelles et ses écrits où il s’exprimait sur différents sujets concernant la vie nationale. L’attrait résidait dans son franc-parler, la sincérité et la justesse de ses propos. Il n’a jamais caché son attachement aux idéaux de la démocratie, de l’Etat de droit, de la liberté de la presse et sa répulsion des mouvements dominés par un populisme démagogique. Il a toujours défendu fermement, avec honnêteté, ses convictions. Il est resté, au gré des différents régimes politiques, égal à lui-même, même lorsqu’il savait que ses points de vue ne pouvaient pas plaire à tout le monde. IL menait, en somme, un combat, celui de dénoncer les tares de la société et de proposer des solutions susceptibles d’orienter vers un changement positif qui contribue à sortir le pays des ornières où il patauge depuis plus de cinq décennies. C’est cette honnêteté, ce trait de caractère intransigeant et ces convictions citoyennes qui ont obligé les sénégalais reconnaissants, dans un élan spontané, à lui rendre un hommage digne de son rang et de sa notoriété. C’est dommage que la République se soit abstenue d’organiser des obsèques nationales ou une levée de corps avec toute la solennité requise pour honorer un de ses fils les plus valeureux. C’était aussi l’occasion de l’élever, à titre posthume, modèle de citoyenneté, de patriotisme, de courage et de persévérance à l’instar de tous ceux qui ont mérité de la nation, ses devanciers qui se sont illustrés dans la défense et le respect des lois, des principes et des règles de la démocratie, de l’inviolabilité des libertés publiques et de la parole donnée et de l’offrir comme exemple aux générations d’aujourd’hui et de demain.
Sidy appartenait à cette race en voie de disparition qui aime profondément le Sénégal et qui souffre profondément de l’irresponsabilité des élites, de l’indisponibilité de la classe moyenne, de l’arrogance de la classe politique et du maintien dans l’ignorance programmée des populations de la banlieue et des zones rurales. IL pensait qu’il fallait dire la vérité au « chef » sur la situation du pays mais ses vérités angoissantes ne plaisaient pas et n’offraient pas malheureusement au patriote convaincu qu’un parcours du combattant incompris.
Sidy est aujourd’hui plongé dans une nouvelle dimension, dans un espace intemporel, dans le silence de l’attente de la résurrection. Il est parti en éclaireur, en pèlerin élu d’Allah (swt), le peuple lui demande au gré de ses rencontres de dire à:
- Machiavel, certainement par personne interposée, que la fin ne justifie pas seulement les moyens, au Sénégal elle justifie tout.
- Montesquieu, que la loi n’arrive pas toujours à orienter nos esprits dans des actes réfléchis.
- Léopold S. Senghor que « Dakar n’est pas encore comme Paris » du fait de l’antagonisme partisan des politiciens qui a engendré l’atomisation en clans, la banalisation de l’autorité de l’État, la désorganisation de l’administration publique. Que les politiciens sont assimilables au bétail, avec leur nouvelle trouvaille : La transhumance qui permet à ceux qui sont dans l’opposition de rallier le parti au pouvoir, au gré de leurs intérêts et sans scrupule.
- Mbaye Jacques Diop, que le train express régional (TER) passera bientôt à Rufisque, ville d’histoire et de culture, mais ses canaux sont toujours à ciel ouvert, charriant insalubrité et maladies comme la plupart des villes du pays. Il faut aussi lui dire que l’aéroport de Diass est ouvert et baptisé « Aéroport International Blaise Diagne » (AIBD), mais les riverains ont perdu leurs terres de culture et de pâturage. Surtout lui dire que la célébration de la journée du 26 aout 1958, par l’association des porteurs de pancartes est en sursis ; elle n’est plus attractive.
- Mamadou Mbodj, qu’à deux mois de l’élection présidentielle, les acteurs politiques n’ont pas encore trouvé un consensus sur le processus électoral, pour un pays jadis vitrine de la démocratie en Afrique. Que la lenteur dans la production et le retrait des cartes d’identité est toujours d’actualité.
- Mamadou Dia Président du conseil du Sénégal, que la jeunesse, confrontée au chômage et à la précarité, ne s’identifie plus à ceux qui ont mené le combat politique pour que notre pays accède à l’indépendance. Ils préfèrent la migration suicidaire qui laisse indifférentes les autorités des pays d’accueil. Qu’après plus d’un demi siècle d’indépendance, il existe encore des populations qui n’ont pas accès, ni à l’eau potable ni à l’électricité. Il faut lui dire aussi que le mensonge continue d’être une vertu.
Le peuple reconnaissant est persuadé que vous rencontrerez, inéluctablement, Mohamed (Psl) le sceau des prophètes qui, devant un parterre de saints parmi lesquels vos illustres ascendants, vous remettra le drapeau vert de l’Islam. Le peuple est aussi persuadé que le drapeau national aurait dû recouvrir ton cercueil pour services rendus à la nation et qu’un jour viendra, vous croiserez dans ce couloir de lumière les incrédules qui ont contribué à la réalisation de cette forfaiture qui ne les honore pas. Ils vous ont privé, à dessein, de recevoir les honneurs et les distinctions symboliques de la République avant le départ pour votre dernière demeure, mais votre œuvre continuera, à travers le peuple, de briller de mille soleils !!!
Finalement l’homme, tel un vol de criquets, passera peu de temps sur cette terre et la vie lui survivra et renaîtra probablement plus belle encore.
Repose en paix Défenseur infatigable de l’islam et des « sans voix ».
Cheikh Sadibou Doucouré
Spécialiste des droits de l’homme
et des questions pénitentiaires
doucourec111@yahoo.fr
Share on: WhatsAppL’article Décès de Sidy Lamine Niasse: L’attitude ségrégationniste des autorités publiques .