– Le président du Rassemblement nationale des assistants sociaux (RNAS) a fait une sortie dans un site d’information de la place le 20 décembre 2018 en réaction au mouvement d’humeur du collectif « Niaan yi bagn na ». Cette sortie n’avait d’autre but que de présenter des prétendues réalisations du ministre de la santé et de l’action sociale pour la cause des travailleurs sociaux. Une démarche dictée vraisemblablement par des membres du cabinet du ministre ou par la sauvegarde d’intérêts personnels que l’intéressé sentait menacés.
La réalité des faits est plus sérieuse que le reflet de cette malheureuse sortie. Depuis longtemps, le social a été et continue d’être le parent pauvre du ministère de la santé et de l’action sociale. Tant au cours de leur formation que dans l’exercice professionnel, les travailleurs sociaux sont l’objet d’un manque de considération notable des autorités, au premier rang desquelles le ministère de la santé et de l’action sociale (MSAS). Malgré la reconnaissance du statut particulier du cadre des fonctionnaires du Travail social par le décret n°2012-1322 du 16 novembre 2012, leur recrutement dans la fonction publique se fait très timidement. Pire, il est réalisé souvent sur des bases politiques, fantaisistes ou en donnant la primauté à des sortants d’écoles privées. Or, il est absolument aberrant de privilégier des sortants de ces établissements privés au détriment de leurs homologues issus d’écoles nationales.
Pour rappel, ces derniers ont le mérite d’avoir fait un concours, subi une formation rigoureuse et soutenue par des allocations importantes de l’Etat du Sénégal. Au final, un nombre incalculable d’entre eux restent presque sans perspective et s’orientent malgré eux vers des emplois précaires dans les ONG. Un choix qui leur vaut quelque fois une « exploitation » qui ne dit pas son nom dans ces organisations. Au-delà d’une simple revendication, les faits dont le ministère de la santé et de l’action sociale se rend coupable révèlent une question de justice sociale.
Il est stérile de nier une évidence telle que ce qui a été l’objet de notre protestation. Un des responsables du ministère en question a avoué il y a deux ans, dans l’intimité d’un bureau, qu’il ne peut pas se permettre d’ignorer des quotas dans l’intégration d’effectifs du MSAS dans la fonction publique. En livrant cette interview, le président du RNAS ne saurait porter la voix des travailleurs sociaux ni refléter leurs profondes préoccupations. Tel un subterfuge, il a revêtu la casquette de président du RNAS pour chercher à donner l’impression d’être le représentant des sociaux qui défend ses camarades aux côtés du ministre. En affirmant que M. Abdoulaye Diouf Sarr s’est porté lui-même garant d’une liste de 30 travailleurs sociaux au niveau du ministère de la fonction publique, il corrobore l’existence des « quotas » que nous dénonçons vigoureusement. Cette logique des « quotas » ignorant ainsi les conditions d’entrée normales dans la fonction publique qui n’est autre que le concours. C’est une absurdité que faire de croire que pour être recruté dans la fonction publique, il faut faire de la politique, au sens ambiant du terme ; et ce, au mépris de tout critère de compétence et de mérite. C’est un signe de recul !
Certes, l’automaticité de l’absorption dans la fonction publique est aux antipodes de la politique de recrutement de notre pays, en ce qui concerne les travailleurs sociaux. Mais dès lors que le besoin est exprimé, la priorité doit être accordée aux sortants de l’ENTSS et de l’ENDSS. Ce qui n’est pas encore une réalité. Des incohérences sont à relever dans le choix des pouvoirs publics quant aux acteurs censés prendre en charge les besoins sociaux. Tout ou presque dans les contextes sociaux actuels – de notre pays comme du reste du monde – justifie une prise en considération accrue des travailleurs sociaux. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban ki Moon, l’avait bien compris en déclarant, lors de l’ouverture de la conférence mondiale sur le travail social en 2016, dans un message vidéo que les objectifs de développement durable ne pouvaient être atteints sans les travailleurs sociaux.
Les phénomènes de marginalisation et de pauvreté grandissante explosent au Sénégal et appellent l’intervention d’acteurs dénommés travailleurs sociaux. Au demeurant, ces derniers produisent des mémoires d’études et rapports de stages qui pourraient servir de ressources substantielles ou de socle pour le ministère de tutelle. De surcroît, le président de la République lui-même avait décrété 2018 « année sociale ». Mais c’est à croire que cette litanie renvoie à autre chose que le contenu qu’il aurait dû normalement revêtir.
Le besoin de recruter des travailleurs sociaux est plus que jamais d’actualité. La situation des services sociaux sur le terrain met en relief un déficit criard de personnel technique. Or, cette situation est susceptible de générer des insuffisances à différents niveaux des politiques sociales et de compromettre la plus-value sur les conditions de vie des populations. Le besoin de ces ressources humaines est rendu encore plus pressant par l’avènement de l’Acte 3 de la décentralisation et la nécessité d’approcher les politiques sociales à partir des échelles locales. L’émergence des différents programmes sociaux découlant du PSE fait de ce besoin un impératif. D’où la nécessité d’un recrutement plus conséquent des travailleurs sociaux dont des cohortes se trouvent souvent aux abois après leur formation.
L’évocation d’une liste dont feraient partie des membres du collectif « Niaan yi bagn na » relève d’une stratégie de communication visant à annihiler notre élan. C’est peine perdue ! Si tant est que cela soit avéré, le problème est plus étendu car étant une question de fond qui frappe tout un corps professionnel. Il est urgent de rompre avec cette logique de politisation à outrance, qui gangrène toute l’administration publique, et de prendre au sérieux les revendications des travailleurs sociaux.
Nous sommes plus que jamais résolus à défendre les intérêts des travailleurs sociaux partout où besoin sera afin de revendiquer nos droits et les moyens d’actions qui nous permettent de contribuer sensiblement au progrès social de notre pays.
Casimir Pereira
Porte-parole du collectif « Niaan yi bagn na »
Halte à la politisation du recrutement des travailleurs sociaux .