– Le 3 janvier 2019, même si la décision de la Cour suprême venait à lui être défavorable, Khalifa Sall garderait intact ses chances d’être candidat à la présidentielle de 2019. C’est l’éclairage du professeur de Droit pénal Ndiak Fall. Il explique la dernière arme que l’ancien maire de Dakar pourrait jouer, si jamais il est débouté par la juridiction suprême.
Professeur, quel impact la date du délibéré, fixée au 3 janvier, peut avoir sur la candidature de Khalifa Sall ?
Le délibéré, c’est avant tout la discussion que les juges vont avoir entre eux avant de rendre la décision. Ils ont été renvoyés au 3 janvier pour qu’une éventuelle décision puisse être prise. Il est possible que la décision soit prise ce jour-là ou même reportée. Ceci étant, sans présager de la décision qui sera prise, il y a deux hypothèses à envisager. La première hypothèse c’est celle selon laquelle la Cour suprême rendrait un verdict défavorable à M. Khalifa Sall. C’est-à-dire rejette tous les moyens invoqués par M. Khalifa Sall. Dans ce cas, la Cour estimerait la demande de M. Sall comme n’étant pas fondée. Cela aboutirait à confirmer la condamnation en appel. Et, en principe, cette condamnation serait définitive. Mais je dis bien serait définitive ; je vais y revenir tout à l’heure. C’est la première hypothèse.
Quelle est la seconde hypothèse ?
La seconde possibilité, c’est que la Cour suprême peut estimer que la décision rendue par la Cour d’appel n’est pas conforme au droit. Dans ce cas, la Cour suprême va casser l’arrêt et en principe renvoyer à la Cour d’appel autrement composée. Autrement dit, ce sont des magistrats différents de ceux qui avaient officié la première fois en appel qui vont être saisis à nouveau de l’affaire Khalifa Sall. En gros, ce sont les deux délibérés possibles pour le fameux délibéré du 3 janvier.
Et si la Cour suprême confirmait la décision de la Cour d’appel ?
À supposer que cette décision de la Cour suprême soit défavorable à monsieur Khalifa Sall, je vous ai dit qu’en principe, la condamnation serait définitive. J’ai bien dit en principe, puisqu’il y a une dernière cartouche qui peut être utilisée par les avocats de Khalifa Sall qu’on appelle le rabat d’arrêt.
C’est quoi le rabat d’arrêt, professeur ?
Le rabat d’arrêt, c’est une procédure par laquelle la partie qui a succombé au niveau du pourvoi en cassation va demander à la Cour suprême, cette fois chambres réunies, de devoir examiner l’affaire. Cette fois, sur le plan du droit. Je vous ai dit que c’est une autre procédure, puisque le pourvoi en cassation est actuellement initié et qui devrait donner son verdict pour le 3 janvier, cette décision sera rendue par la chambre criminelle de la Cour suprême. Si jamais, donc, cette décision est défavorable à M. Khalifa Sall, ses avocats peuvent utiliser la dernière cartouche qu’on appelle le rabat d’arrêt. Le rabat d’arrêt est introduit après notification de la décision de condamnation définitive. Cette décision de condamnation définitive doit être notifiée aux différentes parties, c’est-à-dire aux avocats de l’Etat et de Khalifa Sall. La décision devra être notifiée par voie administrative par le greffier en chef de la Cour suprême dans le délai d’un mois. Quand maintenant, cette notification aura été faite, la partie intéressée, ou les parties intéressées, ont la possibilité d’introduire ce rabat d’arrêt.
Quelle conséquence pourrait avoir ce rabat d’arrêt ?
Le rabat d’arrêt, quand il est introduit, la partie adverse, autrement dit celle qui n’a pas introduit le rabat, on lui notifie cette décision. Et on lui transmet ses moyens. C’est-à-dire les arguments que cette partie qui a déposé ce rabat d’arrêt aura introduits. Maintenant, la partie adverse a 2 mois pour répondre aux moyens développés, disons, par les avocats de Khalifa Sall, en cas de décision défavorable. C’est à partir de ce moment que la Cour suprême, toutes chambres réunies, va se prononcer. Et donc quand les chambres réunies se prononceront, dans ce cas-là, la décision devrait devenir définitive.
Donc, sous cette hypothèse, les délais seraient favorables à Khalifa Sall…
En gros, il y a tout un cheminement qui n’est pas encore achevé, si jamais la Cour suprême, par le biais de sa chambre criminelle, rendrait un verdict défavorable à M. Khalifa Sall. Donc, en gros, à mon avis, il est quelque peu difficile, pour ne pas dire impossible, à ce qu’une condamnation définitive puisse intervenir avant le 20 janvier. Surtout que dans notre jargon, surtout en matière pénale, on dit que les délais sont francs. C’est-à-dire que si on dit dans un délai d’un mois, il faut tenir compte du fait qu’il y aura des jours non ouvrables. Donc ces jours non ouvrables ne seront pas comptabilisés. On va y ajouter d’autres jours ouvrables pour avoir 30 jours. Ce qui a pour but d’allonger. Donc, à mon avis, il serait difficile qu’un verdict défavorable à M. Khalifa Sall puisse influer sur sa candidature. Parce qu’il serait quelque peu curieux, à la lumière des indications que je viens de donner, et que vous retrouverez dans la loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême. De plus, en matière pénale, le pourvoi est suspensif.
C’est-à-dire ?
Le pourvoi en cassation tout comme le rabat d’arrêt. Puisqu’on est en matière pénale. L’article 36 quatrièmement de la loi organique sur la Cour suprême prévoit le caractère suspensif du pourvoi en matière pénale. Qu’il s’agisse du pourvoi en cassation ou du rabat d’arrêt, dans les deux cas, en matière pénale, le pourvoi revêt un caractère suspensif. C’est-à-dire que la décision de condamnation est paralysée dans son exécution. Elle n’est pas opératoire. Donc, Khalifa Sall a déposé son dossier ; dans le dossier de candidature, au moment venu, il y aura l’extrait du casier judiciaire. Même si Monsieur Khalifa Sall a été condamné par la Cour d’appel, pour le moment, comme la condamnation n’est pas définitive, cette fameuse condamnation n’y figurera pas. Parce que la condamnation ne peut figurer dans le casier judiciaire, à condition que la condamnation soit définitive. On parle de condamnation définitive lorsque toutes les voies de recours seront épuisées. Or, ici, les voies de recours ne sont pas encore épuisées.
Donc, même en cas de décision défavorable le 3 janvier, Khalifa Sall garderait toutes ses chances de faire partie de la course à la présidentielle…
Absolument.
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