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Principe D’imparité: La Décision De La Cour Suprême Du 03 Janvier 2019 Sera Frappée De Nullité

Principe D’imparité: La Décision De La Cour Suprême Du 03 Janvier 2019 Sera Frappée De Nullité

 

« Toute l’organisation judiciaire du Sénégal est fondée sur le principe d’imparité (composition impaire) »

Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le fait que les Juges de la chambre criminelle de la Cour suprême aient siégé en nombre pair (6) dans l’affaire Khalifa Sall, aura comme conséquence d’ôter toute valeur juridique à la décision de la chambre criminelle qui interviendra 03 janvier 2019. Pour bien mesurer ce qui est en train de se jouer et qui constitue un tournant dans l’affaire Khalifa SALL, il convient de s’attarder sur le principe d’imparité : une règle d’ordre public (une règle obligatoire qui ne peut être contournée, en aucune façon).

Au Sénégal, les dispositions de l’article 9 de la loi N°2014-26 du 03 novembre 2014 abrogeant et remplaçant la loi N°84-19 du 02 février 1984 fixant l’organisation judiciaire sont extrêmement claires : « La Cour suprême, les Cours d’appel, les tribunaux de grande instance, et les tribunaux d’instance statuent en formation collégiale et en nombre impair ». Le principe d’imparité est confirmé par le décret n° 2015-1145 du 03 août 2015 fixant la composition et la compétence des cours d’appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance, publié au journal officiel N°6869, en date du mardi 18 aout 2015.

C’est un fait : l’organisation judiciaire sénégalaise est fondée sur le principe d’imparité (composition impaire). Lorsque la Loi ne prévoit pas d’exception au principe d’imparité (nombre impair), toute décision rendue contrairement à cette règle est frappée de nullité (Cf bulletin d’informations de la Cour suprême N° 9 et 10 « année 2017 –page 43 »). S’agissant de la Cour suprême, ni la loi N°2014-26 du 03 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire du Sénégal, ni la loi organique N°2017-09 du 17 janvier 2017, sur la Cour suprême, ne prévoient d’exception au principe d’imparité. L’article 10 de la loi organique N°2017-09 du 17 janvier 2017, sur la Cour suprême, dispose que les chambres doivent obligatoirement siéger en nombre impair. La première difficulté juridique à laquelle sera confrontée la Cour suprême concerne l’arrêt qui sera rendu le 03 janvier 2019, et dont les termes doivent comporter certaines mentions obligatoires. En effet, l’article 49 de la loi sur la Cour suprême dispose que les arrêts de la Cour sont motivés, visent les textes dont il est fait application et mentionnent obligatoirement :

  1. Les noms, prénoms, qualités et domiciles des parties,
  2. Les mémoires produits,
  3. Les noms des magistrats qui les ont rendus, le nom du rapporteur étant spécifié,
  4. Le nom du représentant du procureur général,
  5. La lecture du rapport, l’audition et l’indication du sens des conclusions du Procureur Général,
  6. L’audition des avocats des parties qui ont développé à l’audience des observations orales.

L’article 49 comporte un alinéa qui précise que « la minute de l’arrêt est signée par le Président, les conseillers ayant assisté à l’audience et le greffier ». Or, l’arrêt du 03 janvier 2019, permettra de constater formellement l’irrégularité de la composition de la chambre criminelle de la Cour suprême dans l’affaire Khalifa Sall, le 20 décembre 2018 (nombre pair avec 6 juges), la violation de l’article 10 de la loi organique du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême, et des dispositions de la loi N°2014-26 du 03 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire du Sénégal (nombre impair exigé).

La seconde difficulté juridique à laquelle devra faire face la chambre criminelle de la Cour suprême le 03 janvier 2019, porte sur la structure de l’arrêt. L’arrêt pourra t’il comporter la mention suivante : « La Cour suprême… Après en avoir délibéré conformément à la loi », sachant que l’arrêt n’a pas été rendu par une chambre régulièrement composée en nombre impair (les 6 juges devant lesquels l’affaire a été débattue doivent délibérer de celle-ci), comme le prévoit l’article 10 de la loi sur la Cour suprême.

Comme l’article 9 de la loi N°2014-26 du 03 novembre 2014 sur l’organisation judiciaire au Sénégal ; en France, l’article L 121-2 du code de l’organisation judiciaire, prévoit que les juges statuent en nombre impair (sauf disposition particulière). Pour Serge BRAUDO, Conseiller honoraire à la Cour d’appel de Versailles, « En procédure, il est une règle générale selon laquelle les décisions de justice sont entendues et jugées par des magistrats siégeant en nombre impair ». Et M. BRAUDO est allé plus loin, en précisant que « la règle d’imparité est d’ordre public ».

En France, une jurisprudence constante sanctionne de nullité le non-respect du principe d’imparité.

Quelle que soit la décision de la chambre criminelle de la Cour suprême, le 03 janvier 2019, elle sera frappée de nullité ou mise à néant (définition du rabat d’arrêt) en raison d’une double violation : d’une part la violation flagrante des dispositions de l’article 9 de la loi N°2014-26 du 03 novembre 2014 fixant l’organisation judiciaire du Sénégal et d’autre part la violation de l’article 10 de la loi organique 2017-09 du 17 janvier 2017, sur la Cour suprême sur le principe d’imparité (composition impaire exigée).

L’irrégularité de la composition de la chambre criminelle de la Cour suprême affectera inéluctablement l’arrêt du 03 janvier 2019, qui de fait, est totalement vicié (la présence de 6 magistrats, en nombre pair, ayant siégé à l’audience). Avec cette énorme « erreur » de la Cour suprême, Il est impossible, d’un point de vue juridique, d’invalider la candidature de Khalifa Sall aux élections présidentielles de 2019.

L’irrégularité liée à l’imparité est une irrégularité flagrante, substantielle et irrégularisable dans le court délai qui mène aux élections présidentielles de 2019. La Cour suprême dispose de 2 options, soit de proroger le délibéré ; soit de rabattre d’office un arrêt vicié par une erreur de nature procédurale, sur la base des articles 51 et 52 de la loi organique du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême (dans l’hypothèse où elle persisterait dans son erreur pour confirmer la condamnation de Khalifa Sall).

« Exceptionnellement, si les décisions du juge de cassation sont entachées d’une erreur évidente pour ne pas dire grossière ou lourde et déterminante, ou d’une violation flagrante des formes et règles édictées pour les procédures, d’un vice rédhibitoire, il serait abominable, juridiquement parlant de les laisser perdurer dans l’ordonnancement juridique du pays : elles doivent pouvoir, en effet, sans aucune hésitation possible, être extirpées de ce dernier. Telle est la raison du rabat d’arrêt ».

Cet éclairage juridique d’une importance capitale sur le rabat d’arrêt, consigné dans un document de 14 pages intitulé « Doctrine » et publié au bulletin d’informations N°5 et 6 de la Cour suprême en décembre 2014 émane d’un très haut magistrat de la Cour suprême du Sénégal : M. Abdourahmane DIOUF.  Ancien Avocat Général à la Cour suprême et ancien Directeur du Service de Documentation et d’études de la Cour suprême, Abdourahmane DIOUF nommé par arrêté N°00037/PP/CS en date du 06 novembre 2018, est l’actuel Président de la chambre criminelle de la Cour suprême qui a examiné le pourvoi de Khalifa SALL (il convient de préciser que le Juge Amadou BAL n’est pas Président de la Chambre criminelle, mais Président de l’audience du 20 décembre 2018, en sa qualité de Conseiller-Doyen). L’intérêt du document est qu’il met fin à toute possibilité d’interprétation juridique (dévoyée) du rabat d’arrêt, après le 03 janvier 2019, puisque dès l’entame, est mis en exergue « la Position et le rôle de la Juridiction de cassation nationale dans la pyramide judiciaire ». La doctrine reflète donc la position officielle de la Cour suprême sur la requête en rabat d’arrêt.

Dans l’affaire Khalifa Sall, nous sommes en face d’une violation flagrante des formes et règles édictées pour les procédures (irrégularité de la composition de la Juridiction). La requête en rabat sur ce point, parfaitement fondée et étayée du point de vue juridique, doit être accueillie favorablement par les chambres réunies de la Cour suprême statuant sur un rabat. Un point méconnu, développé par le Président de la Chambre criminelle réside dans le fait qu’un rabat d’arrêt peut porter sur des « détails aussi insignifiants » qu’une erreur d’orthographe : ex, écrire KALIFA, en omettant le H entre K et A peut justifier un rabat d’arrêt ; une erreur sur la date de naissance de Khalifa Sall, ou un mémoire produit dans son dossier, mais classé par erreur par le greffe dans une autre procédure peuvent justifier un rabat. D’où l’intérêt de scruter minutieusement chaque terme de l’arrêt. L’erreur sur la composition de la chambre prouve qu’une erreur est toujours possible (nul n’est parfait !)

Mais le point le plus intéressant concerne la confirmation de l’analyse du Professeur N’Diack FALL, Spécialiste en Droit pénal sur le caractère suspensif de la requête en rabat d’arrêt, en matière pénale. La Cour suprême (page 112 du document) confirme, de manière claire, nette et précise que le rabat d’arrêt est suspensif en matière pénale, ce qui, du reste, est conforme aux dispositions de l’article 36 de la loi organique du 17 janvier 2017, sur la Cour suprême. Au moins, les « magiciens du Droit » capables de traduire une affirmation en négation se tiendront à l’écart, est-on tenté de dire !

Le Président de la Chambre criminelle de la Cour suprême (Abdourahmane DIOUF) conclut la doctrine sur le rabat d’arrêt en ces termes « les errements du juge comme les dysfonctionnements de l’appareil judicaire doivent absolument être corrigés. Et c’est au Juge de cassation d’y mettre impérativement un holà, car il y va tant de la crédibilité du système judiciaire et des hommes qui l’animent que de la sécurité juridique ».

Dans l’affaire Khalifa Sall, la Cour suprême se trouve confrontée à une difficulté juridique insurmontable : « condamner Khalifa Sall, sur la base d’un arrêt qui lui-même, est d’emblée vicié (irrégularité de la composition d’une juridiction), tout en prévoyant sa réhabilitation dans le cadre d’un rabat d’arrêt, puisque les textes le prévoient ».

Si la Cour suprême applique la loi, la doctrine et la jurisprudence, Khalifa Sall aura gain de cause.

Si la Cour suprême se soumet au pouvoir Exécutif et à la loi de la force incarnée par le Président Macky Sall, c’est le Sénégal et la Justice sénégalaise décrédibilisée à jamais, qui en sortiront perdants.

Compte tenu du contexte (scrutin présidentiel), la décision motivée de la Cour suprême le 03 janvier 2019, doit faire l’objet d’une large publication. Pour une raison simple : d’une part, les décisions de la Cour suprême ne sont pas estampillées « secret d’état », et d’autre part, la justice est rendue au nom du peuple).

Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

 

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