Le jour vient de se lever. Après une nuit orageuse. Il a fortement plu. Le tonnerre a tonné. Un frêle écrivain, voûté sous le poids des ans, s’en est allé. Discrètement. Malgré, ou à cause de l’orage. Dans ce monde qui s’effondre, Chinua Achebe, les larmes aux yeux, pense à Seydou Badian Kouyate.
Pensées, hommages, à l’ami, à la voix douce, l’homme de lettres doublé d’un fin sinologue qui s’est éteint hier au milieu d’un monde en folie !
Réalités planétaires chahutées. Zones d’ombres menaçantes. Nous sommes au Sénégal les plus concernés par cette apocalypse imminente lâchée par les éléments sur les nations et peuples. Irrésistiblement, en l’absence d’un leadership capable ou bienveillant, elle lamine ce qui restait de son corps socio-politique. En allant au lit, hier soir, les Sénégalais, peu importe qu’ils aient eu le ventre rempli ou, pour la majorité, vide, avaient tous la peur le nouant.
L’angoisse déroule son spectre et l’horizon se bouche. Tout est allé trop, trop vite. Si vite que nul n’a vu venir. Au commencement était, il est vrai, la promesse d’un jour nouveau, d’une alternance démocratique génératrice de libertés et de progrès nouveaux. L’an 2000 est déjà si loin. On s’imaginait un changement en mieux. Le rêve d’un grand soir, pensait-on naïvement, allait enfin se lever sur le pays dans les bras du charmeur d’électeur. En prenant le pouvoir par les urnes, Abdoulaye Wade s’était engagé à mettre fin à la médiocrité politique ambiante mais surtout de le tirer de la croissance Raji, cette poussive croissance économique associée aux taux de croissance de l’Inde gravitant à 2 pour-cent pendant qu’ailleurs en Asie ils titillaient les deux chiffres. Depuis 1991, avec Manmohan Singh, ce n’est plus qu’un souvenir.
Pour le Sénégal, ce ne sont pas les chiffres mais les valeurs républicaines et sociales qui ont été culbutées. La démocratie en a été la plus grande victime. Elle agonise, désormais. Comme je le pressentais et l’annonçais ici même, en expliquant pourquoi je refusais de me fatiguer pour courir derrière des parrainages non seulement corruptogenes mais democraticides. Le moment de la mise à mort du rêve démocratique en est la résultante. La farce s’estompe brutalement pour laisser la place au corps anémié d’un jeu démocratique devenu un gadget entre les mains de ses assassins.
Le Conseil conspirationnel le découpe sous nos yeux, à la hache ! Tous les corps de l’Etat ont comploté. Mais aussi des taupes se disant opposants irréductibles. Ce sont les ombres identiques à celles ayant kashoggier le corps d’un homme de plume à Istanbul, le 2 octobre, sous les ordres du prince héritier d’Arabie Saoudite. Dans le silence glacial, inquiétant, qui enveloppe le Sénégal, une silhouette obèse couvre de son ombre projetée les criminels à l’œuvre.
Temps maussades. Partout, sur un sol boueux jonché de débris, la peur souffle. Peur de l’apocalypse. Now !
Il a cessé de pleuvoir. Depuis ce matin, un sentiment de malaise général s’installe sur le pays. L’orage, à nouveau, se prépare. Les nuages se reforment. Noirs de colère. Il ne reste que le coup de tonnerre: la livraison des termes d’une élection tronquée, truquée, trafiquée. Des candidats imbus de leurs personnes découvrent leur bêtise à s’être lancés dans un processus hypocrite, anti-démocratique.
Sous l’orage qui se déclenche, ils sont nus. Comme le sont les fraudeurs, la bande et les complices institutionnels de Mickey-la-souris.
Le peuple, au réveil, tête engourdie, n’a qu’une envie : la révolte.
Légitime ! Pour contenir orage et apocalypse, a-t-il un autre choix ? Sénégalaises, sénégalais, debout, dit l’hymne de la nation…