Le Sénégal devra s’engager dans des réformes dans la gestion des affaires de l’Etat. Le pays a besoin de réformes de structures dans la gestion politique et administrative. Les succès économiques enregistrés les dernières années, mais aussi la perspective de ressources importantes à tirer du secteur des hydrocarbures imposent des changements fondamentaux. Il est aussi établi que les performances économiques du Sénégal ont besoin d’être soutenues et confortées par l’amélioration du capital humain avec un développement des investissements dans le secteur de l’éducation. Les ressources déjà importantes, avec pratiquement plus du tiers du budget national (tous ordres d’enseignement confondus), allouées à ce secteur, devraient faire l’objet d’une meilleure gouvernance. Le secteur de l’éducation devrait être une grande priorité nationale, avec une population composée à plus de 62% par des personnes âgées de moins de 25 ans.
La condition première de l’émergence à laquelle le Sénégal aspire à l’horizon 2035 est tributaire de l’éducation et la formation de ces millions de jeunes qui investissent le marché de l’emploi. Le Sénégal a un impérieux besoin de procéder aux réformes et aux efforts nécessaires dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de la création de revenus pour les populations afin d’améliorer ses piètres performances. Quant à l’indice de développement humain établi par le Pnud, le Sénégal est classé 162ème pays sur 188, à un niveau équivalent à des pays comme Haïti ou le Lesotho.
Les partenaires techniques et financiers du Sénégal ont saisi l’occasion de la réunion du Groupe consultatif du Sénégal, le 17 décembre 2018 à Paris, pour insister sur les appels lancés à l’endroit du gouvernement quant à des réformes à entreprendre. Ainsi, devrait-on s’attendre à une réforme de la fiscalité afin d’élargir l’assiette fiscale. Une telle opération devrait permettre de rendre plus effective la contribution au budget national des activités, notamment du secteur informel qui regroupe quelque 90% de l’activité économique du Sénégal. Le niveau d’investissement privé au Sénégal peine à décoller. Les efforts du gouvernement du Sénégal en vue d’aider le secteur informel à accéder à des sources de financement, avec des mécanismes comme la Banque nationale pour le développement économique (Bnde), le Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis), le Fonds souverain d’investissements prioritaires (Fongip) ou la Délégation générale à l’entreprenariat rapide (Der/Fj) et autres instruments et outils de la microfinance devront être accrus. Ces mécanismes devront permettre aux Pme de pouvoir accéder à des financements que le secteur bancaire traditionnel leur refuse.
Les investissements directs étrangers demeurent limités, avec un taux de l’ordre de 2,2% du Pib. La faiblesse s’expliquerait par un certain manque d’attractivité de l’économie sénégalaise. «L’efficacité des investissements étrangers est grevé par un climat des affaires globalement défavorable.» C’est ce qui explique notamment que le Sénégal reste au 140ème rang du classement mondial du Doing business sur 190 pays, au moment où des pays comme le Ghana et le Kenya occupent respectivement les 120ème et 80ème rang. ll y a à souligner quand même que les efforts devront être poursuivis, car le Sénégal, en l’espace de deux ans, a gagné quelque 20 places dans ce classement mondial.
Les actions entreprises dans le domaine de la modernisation de l’Etat, avec la dématérialisation des procédures, devront être poursuivies, de même que la simplification des systèmes de tarification et de transaction au niveau des Administrations fiscales et douanières. Ainsi, le Sénégal pourra faire la mutation de son Administration en passant d’une «Administration de commandement à une Administration de services», pour reprendre le mot du président Macky Sall. Il n’en demeure pas moins que les réformes des procédures et les méthodes sont une exigence première, mais il faudrait aussi un profond changement des mentalités des fonctionnaires et autres agents de l’Etat ; ce qui permettrait la réussite des réformes. Le laxisme criard qui a libre court dans les services publics doit impérativement être banni. Une politique de sanctions, qu’elles soient positives et/ou négatives, conduite de manière objective et transparente, y aiderait. C’est aussi le lieu de questionner les modes de recrutement et de traitement des fonctionnaires. La fonction publique sénégalaise est régie par une législation obsolète. La loi portant statut général des fonctionnaires remonte au 15 juin 1961, c’est-à-dire au tout début de l’indépendance du Sénégal et avant même la naissance de l’actuel président de la République Macky Sall. C’est un truisme que de dire que bien des choses ont pu avoir changé entre-temps.
Réformer jusqu’au gouvernement
La réussite de toute politique est tributaire des personnes qui la portent et la mettent en œuvre. De ce point de vue, le nouveau président de la République du Sénégal devra s’entourer d’une équipe constituée d’hommes et de femmes avec un pedigree qui illustre leurs compétences et leurs capacités à conduire une action gouvernementale efficace. Il est question en l’occurrence de rompre avec une pratique qui a pu s’installer depuis une vingtaine d’années au Sénégal et qui consiste à placer, à des fonctions stratégiques au sein de l’appareil d’Etat, des personnes simplement au regard de leur engagement politique.
Un véritable népotisme a pu être constaté et les exigences d’impulser des changements porteurs de progrès majeurs dans les domaines économique et social commandent une autre façon de faire. L’architecture gouvernementale devra être plus cohérente et plus efficace et le Sénégal devrait tourner la page de l’ère des gouvernements pléthoriques, constitués dans un objectif de satisfaire une clientèle politique. Tel devra être le leitmotiv d’un Macky Sall reconduit à la tête du Sénégal. En effet, la politique qu’il a eu à conduire durant son premier mandat lui a permis d’arriver à des résultats tangibles qui ont quelque part changé le visage du Sénégal. On peut être convaincu qu’il aurait pu mieux faire s’il avait eu les compétences pour garder le tempo des performances. A la vérité, de nombreux ministres ont pu apparaître comme facteurs de blocage ou de contre-performance.
Et la perception que les populations ont pu avoir du profil des membres du gouvernement n’a pas manqué d’impacter négativement la visibilité et la lisibilité des réussites dont le Président Sall peut légitimement s’enorgueillir. Jamais le Sénégal n’a eu à enregistrer des taux de croissance record de l’ordre de 7% par an et surtout dans la durée. Le déficit budgétaire est sous contrôle et reste en dessous de la norme communautaire fixée par l’Uemoa. De même, le Sénégal garde encore une bonne marge d’endettement, avec un PIB qui a considérablement accru, mais aussi un endettement inférieur au seuil toléré par l’Uemoa.
De même, tout opposant qui arriverait à supplanter Macky Sall à la prochaine Présidentielle devra savoir déjà les erreurs à ne plus commettre. De toute façon, des exigences de changement qu’auraient ainsi exprimées les populations par le truchement d’un vote en faveur d’un opposant ne laisseraient pas le choix à toute autre personne élue dans ces conditions.
Sur un autre plan, des réformes politiques ont déjà été conduites dans une perspective de modernisation des institutions politiques publiques. C’est dans ce cadre qu’il faudrait inscrire la mise en place d’un système de parrainage intégral pour les élections nationales. Une évaluation devra être conduite de ce système de parrainage et le renforcer. Cela aura l’avantage de clarifier le jeu politique et d’induire une limitation des partis politiques. On ne le dira jamais assez, la floraison des formations politiques à la petite semaine constitue le ventre mou du système démocratique sénégalais.
Bonne année 2019 !