MON PAYS N’EST PAS UN PAYS MORT
 
Amadou Lamine Sall
 
Mon pays n’est pas un baobab nocturne une herbe flétrie une fleur froide
un fruit anémique une terre agenouillée
Mon pays n’est pas une route coupée un pied boiteux une chaussée pourrie au ciel boueux
 
Mon pays n’est pas dans l’urgence des vautours il est dans la foulée des tigres et le lion a encore la mâchoire qui brûle et le ventre en flammes
Mon pays n’est pas un pays mort
 
mais elle s’est pourtant réfrigérée la mémoire
mort le sang bleu dans la case des hommes pressés
et le rêve de ceux qui ont cru dompter l’alphabet court nu dans les rues et les enfants ne jettent même plus des pierres à ce lambeau de rêve
 
Mon pays n’est mort que dans la hâte de ceux qui marchent sur les chemins de mirages les yeux glauques l’horizon cupide
 
Mon pays n’est mort que dans les fils de l’impatience les fils malicieux de la politique les sidéens du pouvoir dans la malaria et le paludisme des urnes
 
les fils arqués de la politique les bergers à venir mais si fatigués déjà comme de vielles « Peugeot » des années de jazz
 
Mon pays n’est mort que dans les rois de midi et
 
les princes qui mûrissent le trône avant le maïs et l’arachide les terrasses d’or avant la paille de chaume des toits du Sine la chaise de satin avant le tabouret de termitière
Mon pays n’est mort que dans les fils surdoués des feux de brousse qui dévorent jusqu’aux refuges des lépreux
 
Ce pays mon pays n’est mort que chez les morts d’avant les lampes car elles arrivent elles arrivent les grandes lampes
 
arrivent la soie les canapés de laine dans les taudis des banlieues arrivent les bronzes rares les toiles des enfants d’Oussouye
 
les livres des enfants du Fouta
 
arrivent les hautes sourates les chants grégoriens les libations arrivent les femmes les hommes d’un siècle nouveau
 
Mon pays n’est pas un pays mort
 
malgré les fourmis les béquilles les cafards les sommeils lents Mon pays n’est pas mort malgré les journaux maladifs Mon pays n’est pas un pays mort
 
 
 
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malgré les fourneaux pâles la solitude d’une pomme de terre Mon pays n’est pas un pays mort
 
il vit ce pays se tourne se retourne danse et pleure et chante dans l’angoisse infinie que masse toujours une foi infinie que consolent une cloche un minaret le regard
velouté d’une maman infinie
Mon pays n’est pas un pays défunt
 
il ne porte comme la vie que les pas lourds d’un soldat amputé le sourire au gingembre d’une femme que la beauté honore
 
il est bien debout mon pays grave beau et fort
 
Mon pays n’est pas un pays mort mon pays n’est pas un murmure son peuple au front d’étoiles et à la bouche de sel est
 
une mer haute féconde navigable pour toutes les fraternités du monde Chacun sait ici pourquoi alors nous serons toujours vivants
 
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Share on: WhatsAppL’article Ce poème pour mes voeux 2019 à mon beau peuple (Amadou Lamine Sall) .