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SÉnÉgal Vert, Horizon 2035

#Enjeux2019 Cette contribution aurait pu commencer par « Ce n’était pas comme cela dans mon enfance ». Beaucoup de personnes ne reconnaissent plus la capitale Sénégalaise, tant son environnement naturel s’est métamorphosé et pas vraiment dans le bon sens.

Lorsque l’on parle d’un Sénégal vert d’un point de vue écologique, il serait effectivement plus juste de traiter l’ensemble du territoire mais Dakar reste la capitale et la vitrine du pays. Toute initiative ou résolution prise en son sein serait de facto à appliquer sur l’ensemble du territoire. Quelle est donc la situation environnementale de notre capitale ? Comment avons-nous fait pour nous retrouver dans cette situation ? Et enfin quelles perspectives se dressent devant nous afin que l’horizon 2035 qui nous promet l’émergence, prenne également en compte les aspects de protection de l’environnement ?

Bien qu’étant situé dans la zone sahélienne, le Sénégal dispose d’une diversité naturelle comprenant les savanes, les steppes et les forêts avec pour chacune, une diversité élevée. Plus de 3 641 espèces végétales y sont répertoriées dans une répartition de 1 277 genres.

Grandir à Dakar entre la fin des années 80 et les années 90, était tous les jours une expérience au plus près de la nature. Cependant, beaucoup d’insectes que l’on voyait auparavant semblent ne plus exister aujourd’hui. Les deux saisons s’annonçaient avec des odeurs, des sensations et des transformations palpables de l’écosystème. Les potagers urbains perçus comme une révolution en occident, étaient chose commune à Dakar. Mais qu’a-t-on fait de tout cela ? La frénésie immobilière au détriment de la nature est sans aucun doute une des causes principales de la disparition de certaines espèces et pratiquement de la nature de notre cadre de vie. On a du mal à imaginer que des zones comme le quartier de Sacré-Cœur abritaient encore dans les années 70, des meutes de singes. Tout ceci est un patrimoine naturel qui fait partie de l’identité d’un peuple et d’une nation.

– En l’an 2000, Dakar sera comme Paris –

Cette phrase que l’on attribue au président Léopold Sédar Senghor était certainement plus un souhait qu’une prémonition, au vu de l’état de la capitale Sénégalaise presque 20 ans après le passage à l’an 2000.

A l’image de Paris qui fut rebâtie par le Baron Haussmann au 18ème siècle, pour en faire une des plus belles capitales du monde, voire la plus belle pour certains, le Sénégal doit se doter d’une détermination farouche de redessiner son environnement et créer une touche personnelle qui ravira le monde entier, d’autant plus que le tourisme fait partie des pourvoyeurs les plus importants de notre économie. Etre comme Paris ne se fera pas à coup de baguette magique. De Napoléon III à nos jours, des efforts sont faits pour définir un cadre de vie le plus sain possible.

En effet, Haussmann avec l’aide d’Alphand, son ingénieur paysagiste, a réorganisé la ville de Paris avec comme objectif, entre autres, de mettre à la disposition des habitants, des espaces verts. De 50 000 arbres avant les travaux, Paris était passé à 100 000 arbres.

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Aujourd’hui, la ville des lumières est un exemple dans le monde, pour la gestion de l’environnement avec un plan climat institué en 2007 qui prévoit plus de 500 mesures dans plusieurs domaines d’actions (bâtiments, transports, gestion de déchets, énergie, alimentation, cadre de vie etc). Le Sénégal peut au moins s’inspirer de l’accroissement des énergies renouvelables surtout pour un pays ensoleillé tout au long de l’année, des rues piétonnes, du système des Vélib ou encore de la conduite alternée.

– La place de l’indépendance ou le devenir d’un état post colonial –

Lieu symbolique de Dakar, La Place de l’indépendance est le centre névralgique de la capitale où on retrouve à la fois des ministères, des banques et un certain nombre d’autres acteurs de l’économie du pays. Située à deux pas du palais présidentiel, c’est en ce lieu que le général de Gaulle s’écria devant plus de 60 mille personnes « Ceux qui veulent l’indépendance, qu’ils la prennent ». Cette déclaration à elle seule, nous oblige à faire de cette place un symbole de la nation dans ce qu’elle peut proposer de meilleur. Il est rare, voire impossible de trouver à Dakar un espace vert, un parc ou un jardin où se promener. La place de l’indépendance, lieu prévu pour un aménagement paysager, se doit d’être maintenue dans un haut standing d’entretien et de présence d’espèces végétales locales, symboles de notre nation mais aussi d’espèces importées à travers les échanges culturels faisant partie intégrante de notre histoire. Abandonner la Place de l’indépendance est un aveu d’échec et une défaillance de notre état post colonial.

Ce constat que l’on peut faire ça et là sur certains lieux de la capitale sénégalaise, pousse forcément à se demander s’il existe un plan d’urbanisme de nos villes. Si on prend l’exemple du Maroc, un pays ami et dont le niveau économique devrait se rapprocher du Sénégal, on retrouve une forte identité culturelle dans l’architecture et la modélisation des villes. De Marrakech à Agadir, de Rabat à Tétouan, la culture du royaume Chérifien est fortement présente dans l’expression architecturale des villes.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, il existe bel et bien un plan d’urbanisation qui porte même le titre complet de « Plan directeur d’urbanisme de la région de Dakar et ses environs horizon 2035 ». L’idée de ce projet consiste à se fonder sur un des points forts du Sénégal, la « Teranga » ou en encore l’hospitalité en français. Dans une liste non exhaustive, il s’agit de proposer une ville répondant aux besoins élémentaires, sans la crainte des catastrophes naturelles, des problèmes de sécurité, d’assainissement, d’approvisionnement en eau, le tout dans un environnement avec des espaces verts et parcs.Sans être pessimiste, on peut dire que jusque là, il n’y a rien de nouveau en termes de projet. Il est également prévu d’augmenter la superficie d’espaces verts par personne de 0.15 m2 à 1 m2 d’ici 2035.

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Les points qui peuvent nous interpeller concernent par exemple le réseau d’assainissement prévu d’après le plan de faire passer de 25 à 63%, ou encore l’accès aux toilettes de 54 à 100%. La question cruciale de la collecte des déchets solides devrait également passer de 67 à 88 % et de 0 à 4% pour le taux de recyclage.

Le désordre sans nom que l’on voit à Dakar, nous pousse néanmoins à vouloir en savoir plus sur ce plan d’urbanisation confié à une agence japonaise, en tout cas pour ce qui est de la rédaction du compte rendu de discussion. En tout état de cause, la capitale Sénégalaise étouffe. L’exode rural dû notamment aux effets des changements climatiques et de ce fait aux difficultés survenues dans le domaine de l’agriculture font de Dakar une ville surpeuplée. On ne compte plus le nombre de voitures avec pour conséquence d’être parmi les villes les plus polluées du monde selon l’Organisation Mondiale de la Santé, avec plus de 900 mg de particules fines par mètre cube d’air quand la norme mondiale est de 50mg par m3 d’air.

Aujourd’hui, l’actualité est dominée par un autre phénomène : l’érosion côtière et l’avancée de la mer. Le Sénégal ne fait effectivement pas partie des pays responsables des changements climatiques mais en est un des premiers impactés avec des difficultés techniques et financières pour y faire face. Il y a cependant des cas où les conséquences sont de notre faute. Comment imaginer une presqu’île où il devient de plus en plus difficile de voir la mer ?

Avec 700 km de littoral, composé de plages, de côtes rocheuses basses et d’estuaires, le littoral proche de la mer est soumis à une pression et une agression immobilière de plus en plus forte, ce qui engendre une avancée significative de la mer. A Saint-Louis, afin de pallier aux inondations sur la langue de Barbarie, la brèche de 4m ouverte en 2003 atteignait 2400 mètre en 2011.

La protection de l’environnement ne semble pas être une priorité au Sénégal malgré les nombreux programmes internationaux présents et les organismes de l’Etat. Il manque simplement la volonté politique au-delà des bonnes intentions.

– Quel avenir pour notre environnement –

Comme il a été indiqué, le plan d’urbanisation entre dans un vaste projet de restructuration de l’économie appelé Plan Sénégal Emergent, avec comme épilogue 2035. Un des axes stratégiques du PSE est « La promotion du capital humain, élargir l’accès à la protection sociale et notamment préserver les conditions d’un développement durable ». Après 7 ans de mise en œuvre et à la veille des élections, il est légitime de faire un bilan et voir si les choses ont avancé ou non. Il suffit en tout cas de faire un tour du Sénégal pour se rendre compte de ces arcs-en-ciel de sachets plastiques qui jonchent nos villes. Les maladies respiratoires dues à la pollution sont de plus en plus courantes et la mauvaise qualité de l’air est mesurable à vue d’œil. Il est évident que ces manquements de prise en compte des aspects écologiques, se retrouvent à tous les niveaux, d’où une interrogation quant à la prise de conscience réelle de ce que peuvent représenter les défis environnementaux.

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Le Sénégal est aujourd’hui à la croisée des chemins avec des facteurs de différenciations tels que le pétrole et le gaz, la construction d’une ville nouvelle avec toutes les infrastructures et les mouvements de populations à prévoir. Pourquoi ne pas prendre Diamniadio comme nouveau départ et s’interdire de faire les mêmes erreurs commises par le passé dans nos villes ?  

L’aéroport Léopold Sédar Senghor qui a laissé place à un nouvel aéroport devrait être la symbolique d’une nouvelle vision écologique non seulement sénégalaise mais tout simplement africaine, d’autant plus que le Sénégal jouit d’une aura auprès de ses homologues et à travers le monde. Les 600 hectares dont il est prévu de faire un centre d’affaires confié à des étrangers, serait plus approprié à devenir une zone de réserve naturelle. Ce serait une occasion donnée aux scientifiques de réintroduire les espaces végétales et animales en voie de disparition et de placer le Sénégal au rang de nation soucieuse de son environnement à l’instar du Rwanda qui a aujourd’hui créé un tourisme écologique.

Enfin, les récentes découvertes en hydrocarbures et gaz nous permettraient de financer un certain nombre de projets dont celui précédemment cité mais surtout de financer globalement notre transition écologique. Il en est de même pour la crise de l’éducation et de l’emploi qui peuvent être résolues avec la création de formations et d’emplois verts, dans l’agriculture, le recyclage, l’assainissement, les transports pour ne citer qu’eux, afin également de désengorger l’université où beaucoup d’étudiants sont par défaut.

2035 n’est finalement pas si loin que cela lorsque l’on voit l’étendue du chemin à parcourir. Il y a auparavant, les échéances de 2019, qui vont être déterminantes dans la poursuite ou pas de la trajectoire prise au niveau environnemental depuis ces dernières années. A chacun alors de voir si vivre dans un Sénégal vert pour soi et pour les générations futures est une priorité ou pas et par conséquent, choisir nos dirigeants en tenant compte de cet aspect.

 #Enjeux2019

Mamadou Sakho est un entrepreneur et activiste dans le domaine de l’environnement. Sa société Janna œuvre dans les espaces verts et met en place des actions de sensibilisation à la protection de l’environnement avec notamment, un court métrage et un livre jeunesse intitulé « La terre des enfants ». En dehors de l’entreprenariat, il travaille dans le marketing pour le compte d’un grand laboratoire pharmaceutique.  







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