Le boycott, électoral surtout, est comme un couteau suisse : multi-lames et multifonctions. Il faut savoir le manier, sinon, gare aux blessures (dérapages) mortelles. Depuis quelques temps, des nouvelles, fausses ou vraies, circulent sans que l’on soit sûr qu’elles émanent bien de ceux à qui elles sont attribuées, ou si elles ne sont que les saloperies que des candidats véreux utilisent contre leurs adversaires supposés dangereux, via des complicités médiatiques devenues de véritables armes sales qui abîment encore plus le peu de crédit qui restait à la profession.
Couteaux multi-lames et multifonctions donc le boycott ! Parce que d’abord, il y a beaucoup de manières de boycotter et chacune d’elle implique une stratégie pour l’imposer. Il y a le boycott « soft » : je ne voterai pas ; je n’appellerai pas à voter, mais je n’en ferai pas plus. Cool ! Blaise, va pêcher le 24 février prochain ou si tu as un verger dans la lointaine banlieue, vas y dormir ou converser avec tes fruits et légumes.
Il y a le boycott sélectif : je boycotte la présidentielle mais je participe aux législatives. Parce que voyez-vous, cinq ans (s’il ne change pas en cours de route) de présidence, peut être énormément long pour un opposant « goorgoorlou ». Il faut bouffer et entretenir la fidélité des partisans ; Or, tu fais comment si tu n’as pas des rentrées d’argent régulières venant des cotisations de tes députés ? Eh bien, tu finis par entrer dans les pentes brutes des liaisons dangereuses : transhumance et autres micmacs dégueulasses… aux antipodes de la probité morale qu’on est en droit d’attendre de ceux qui aspirent aujourd’hui ou demain à nous diriger. Mais depuis le fameux « wax wakhet », on sait ce qu’il en est de la parole de certains candidats. Honni qui mal pense à un candidat précis.
Mais si on n’est pas partisan du « boycotteur du dimanche à la pêche ou au verger », alors le boycott nécessite beaucoup d’engagements et de munitions : il faut pouvoir imposer le boycott à l’adversaire. En quoi faisant ? Il y a d’abord la masse, le nombre de partis et candidats boycotteurs. Parce que, s’il y a un seul, voire deux candidats en face du sortant, celui-ci « s’en foutra » royalement. Il a un challenger ou deux, des faire-valoir ? Alors, le pluralisme est sauf. Même si c’est un « pluralisme limité », pluralisme quand-même. On en a connu de pluralisme limité sous le règne de l’académicien Senghor. L’actuel président devait être en ces temps-là au collège à baragouiner certains passages du « Petit livre rouge de Mao » et à lancer quelques cailloux dans les rues de Fatick. Mais depuis, il a beaucoup appris des nombreuses manières de se débarrasser des adversaires.
Il faut donc le boycott le plus large pour non seulement discréditer le scrutin, mais aussi, à l’occasion, avoir une certaine attention de la « communauté internationale », qui aime tant la démocratie formelle et des urnes multifonctions. Massif donc, pour être actif le boycott. C’est la différence avec notre boycotteur du dimanche au verger ou à la mer pour taquiner la dorade, ou se brûler une peau qui l’est déjà de naissance (allez se « bronzer » quand on a une belle peau d’ébène, c’est d’un ridicule). Il faut donc donner vie à son boycott : cela s’appelle un boycott « actif ». Parce qu’on mène campagne comme si on était dans la course, mais pour dire : « n’allez pas voter pour ceci et celui qui vous savez ». Vous organisez des meetings comme si vous étiez candidats, dans les villes et les plus lointaines campagnes etc. Évidemment, vous n’aurez pas l’usage des médias « publics » pour expliquer non pas votre politique et programme, mais pour expliquer pourquoi il ne faut pas voter…
Vous avez fait tout ça pendant votre « campagne » de boycott, reste le jour J, le 24 février. Vous allez faire quoi ? Vu que la campagne est derrière vous depuis 48h ! Empêcher la tenue du scrutin ce jour-là. Et vous faites comment si vous n’êtes que deux pelés et trois recalés des parrainages ? Brûler deux ou trois pneus dans un bureau isolé ou un bled encore plus isolé avant que les gigantesques (n’en doutez pas) forces de l’ordre déployées ce jour-là (il y a, parait-il, plein de nouveaux matos, des tonnes lacrymogènes empilés quelque part) ne vous submergent par le nombre, la fumée, et vous entassent dans leurs fourgonnettes, direction dans quelques lieux privatifs de liberté. Vous savez ce que diront la fameuse communauté internationale, blanche (Europe-Amérique), ou noire (UA, CEDEAO) : « ce n’est pas de nature à entacher la sincérité du scrutin ». Paf ! Vous l’avez dans le baba ! Quelques semaines de gnouf jusqu’à ce que les tractations prennent fin et que le « candidat-gagnant-deuxième mandat » prête serment, on vous libère.
Parce que voyez-vous, la « communauté internationale » n’aime tant « la paix » de ses investissements, anciens ou futurs. Pétrole, gaz, trains, stades etc. Et la communauté « noire » continentale, sur laquelle s’appuie en général la « blanche » pour vous adouber ou vous embastiller, celle-ci donc est compagnie du syndicat des chefs d’Etat « bien ou mal élus », en attente d’échéances prochaines pour eux-mêmes. Alors on se serre les coudes. Parce qu’on a tous des adversaires, des opposants aigris, envieux, qui ne rêvent que de notre fauteuil, ou pire encore, avec la bénédiction de la « communauté internationale blanche », que de vous envoyer à la HAYE, bien ficelé, au propre comme au figuré, avec dans votre dossier, quelques dégâts collatéraux de la stupidité et la cupidité des acteurs : quelques morts dont on ignore comment et par qui, des blessés et autres estropiés. Toutes choses qui « n’ont pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin », mais suffisant pour vous envoyer chez le « Tribunal pour nègres indociles, mauvais coucheurs, mauvais gardiens de nos investissements ».
Voilà. Ceci n’est pas un « Précis » à usage de boycotteurs d’ici et d’ailleurs, mais un almanach (sic et hic !) à l’usage de tous ceux et celles qu’on appelle à refuser l’usage d’un de leurs principaux droits en République, fut-elle vachement abîmée : celui de choisir, de se choisir, celui qui d’une certaine façon, a votre destin en mains pour cinq ans au moins. Pour toutes ces raisons, j’affirme ici et maintenant : je refuse le boycott. Parce que dans les circonstances et conditions actuelles, ce n’est pas la réponse adéquate à la situation du pays. Si l’objectif des candidats recalés ou définitifs était, et est toujours, de virer l’autre du palais, il faut appeler à voter ; l’obliger au deuxième tour, pour l’amener à une retraite anticipée. Il nous a imposé sept ans alors qu’il en avait promis cinq, je trouve que lui confier encore notre vie pour un quinquennat, est carrément insupportable.
Ps : quelqu’un peut-il me dire où sont le Synpics, le Cored, la Cnra et autres machins de presse charger de veiller à l’intégrité de la profession, alors qu’en partie de celle-ci a jeté par-dessus bords toutes les règles censées régir la profession ? A croire que le « Macky » a inoculé un puissant produit anesthésiant destiné aux chevaux, aux éléphants et autres grands quadrupèdes, à une très grande partie de la presse ! Les jeunes reporters et autres journalistes qui n’ont pas leur avenir derrière eux, qui n’ont pas encore été gangrénés, devraient ruer dans les brancards et dire stop aux souillures et autres salissures de leur profession.