Dans notre chronique du lundi 7 janvier 2019, nous révélions le montage effectué par Ousmane Sonko pour empocher une commission d’un montant de 12 milliards de francs Cfa, représentant 12% d’un pactole de 94,5 milliards de francs Cfa d’indemnisations dues aux ayants droit du Tf 1451/R, qui ont fait l’objet d’une expropriation par l’Etat du Sénégal. Ousmane Sonko nous aura ainsi démontré qu’il n’est pas besoin d’aller dans des paradis fiscaux pour constituer des sociétés-écrans et capter des transactions occultes. L’opération apparaît ni plus ni moins que comme une prise illégale d’intérêts. Le leader de Pastef, candidat déclaré à l’élection présidentielle du 24 février 2019, qui s’était posé en parangon de vertus, a dévoilé ses deux faces opposées de Janus. Ousmane Sonko, acculé, ne peut répondre. Dans un moment d’introspection, Jacques Chirac disait : «On ne peut sans cesse dire n’importe quoi et s’étonner d’être en difficulté.» Alors, Ousmane Sonko a cru pouvoir s’en sortir en lançant la meute de ses «insulteurs» sur les réseaux sociaux. En plus des preuves factuelles déjà produites, je tiens à leur disposition l’enregistrement audio, on ne peut plus révélateur, d’une durée de plus de 2 heures, de la teneur des discussions de Ousmane Sonko avec les héritiers du Tf1451/R.
Le patrimoine déclaré par Ousmane Sonko
Le 8 septembre 2016, Ousmane Sonko prendra sur lui-même de faire une déclaration publique de son patrimoine. L’homme n’était pas tenu de procéder de la sorte, mais son initiative avait été saluée. Elle constituait une rupture et une marque de transparence, une attitude attendue de toute personne qui brigue la magistrature suprême. La publication du patrimoine de Ousmane Sonko avait pu le rendre sympathique aux yeux de personnes attachées aux principes de bonne gouvernance et de transparence dans la vie publique, surtout quand il affirmait avec une sincérité touchante : «J’ai décidé de rendre public mon ‘’patrimoine’’, durement acquis à la sueur de mon front, et déclare sur l’honneur sa conformité à la réalité.»
Dans cet exercice de transparence, Ousmane Sonko révéla ce qui suit : «
1 – je possède une maison, bâtie sur deux étages, sur un terrain de 220 m2, sis à la Cité Keur Gorgui, dans laquelle je vis avec toute ma famille au sens large (17 personnes dont épouses, enfants, frères, sœurs, maman, cousins…).
Cette maison a été acquise en état de construction auprès de la Sicap-Sa, au prix de quarante-huit millions (48 millions) de francs Cfa, à charge pour moi d’en achever l’édification.
Je n’ai fini de payer qu’au mois d’août 2016 et n’ai pas encore muté à mon nom puisqu’à ce jour, la Sicap ne m’a pas encore délivré la mainlevée.
C’est la seule maison que je possède à l’exclusion de toute autre au Sénégal et en dehors.
2- Je possède une voiture de marque Toyota Prado version 2006 (10 ans), achetée en reprise en 2013. C’est le seul véhicule dont je dispose.
3- je suis titulaire de deux comptes bancaires ouverts à la Bicis et au Crédit du Sénégal et qui se présentent à ce jour comme suit :
– Compte Bicis : solde de deux cent quatre-vingt-douze mille sept cent-trente-quatre (292 mille 734) francs Cfa (je n’ai pas tenu compte de deux virements effectués dans les derniers 24h pour un total de 1 million 072 mille 895 F, car je n’en connais pas pour le moment l’origine)
– Compte Crédit du Sénégal : 0 francs
Cette déclaration est conforme à tout point de vue à ma situation.» Pour finir de convaincre, Ousmane Sonko se pavane en soulignant : «Je mets au défi les amuseurs publics de l’APR, avec tous les moyens de l’Etat dont ils disposent, d’apporter la moindre preuve contraire.» Pour ensuite menacer : «A contrario, je suis disposé à publier le patrimoine exorbitant de la plupart d’entre eux (du plus haut placé aux simples fonctionnaires) qu’il soit inscrit à leur nom, ou mis en prête-nom (épouses, enfants, proches, associés…) aussi bien au Sénégal qu’à l’étranger.» Fermez le ban ! Peut-être qu’ils étaient nombreux à trembler suite à cette sortie…
De nombreux biens que Sonko a oublié de révéler
Il va apparaître très rapidement que Ousmane Sonko a menti dans sa déclaration de patrimoine. En effet, il a occulté qu’il possédait de nombreuses sociétés, notamment de conseils en fiscalité (la fameuse Atlas créée en janvier 2016) et une de transactions immobilières (Aliif créée en mars 2016 avec un cadre financier de la société Eiffage). Mais les libertés que Ousmane Sonko avait prises avec la vérité dans sa déclaration de patrimoine seront mises à nu par ses propres camarades du Syndicat autonome des impôts et domaines (Said), qu’il a dirigé de 2005 à 2014. Ousmane Sonko avait par exemple «oublié» que, lors de la mémorable grève du 23 mai 2008 du Said, qui avait paralysé les services fiscaux et occasionné des pertes de recettes évaluées à plus de 2 milliards de francs Cfa, les responsables du syndicat s’étaient fait calmer avec des attributions de terrains.
Ainsi, le lot numéro 481, détaché du Tf 30 673/Dg, a été attribué à Ousmane Sonko comme «sa part du butin du braquage», se gaussait-on dans les services fiscaux. Ousmane Sonko a érigé sur le site, sis dans le secteur de la Foire de Dakar, un immeuble R+2 constitué de plusieurs appartements en location. Deux experts immobiliers ont, au pif, évalué l’immeuble à quelque 300 millions de francs Cfa. On notera que ce titre de propriété ne figure pas dans la déclaration de patrimoine rendue publique par Ousmane Sonko. Seulement, après avoir lancé sa candidature dans la course à la présidence de la République, Ousmane Sonko chercha à mettre de l’ordre dans ses affaires. Il fera un point d’honneur d’effacer de son patrimoine cet immeuble qui était déjà connu du tout Dakar. Il effectuera une transaction au profit de la dame Astou Guèye, née le 22 septembre 1981 à Saint-Louis. La transaction est attestée par un titre de propriété en date du 2 octobre 2018. Astou Guèye est la fille de l’entrepreneur Falilou Guèye. Tiens ! Celui-là même dont les accointances avec le groupe Tahibou Ndiaye-Ousmane Sonko avaient été étalées devant la barre de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) en 2015 ! Cette vente (?) a fait sourire dans les bureaux de l’Administration fiscale.
Il reste donc que de grandes questions demeurent. Comment le fonctionnaire Ousmane Sonko (2002 à 2016) dont les revenus connus et déclarés auprès des services fiscaux s’élèvent exactement à 86 millions 334 mille 025 francs a t-il pu réaliser de tels investissements sans aucun emprunt bancaire ? Dans le même temps, comme il le dit lui-même, il a acquis auprès de la Sicap son actuelle résidence sise à la cité Keur Gorgui pour un montant de 48 millions de francs Cfa en l’état de gros œuvre. Qui connaît les coûts de construction à Dakar peut bien considérer que Ousmane Sonko a dû dépenser au moins deux fois l’équivalent du prix d’achat afin d’achever les travaux de cette seule et unique villa R+2 qu’il a déclarée dans son patrimoine. On remarquera que le 4 août 2016, donc avant sa déclaration de patrimoine, Ousmane Sonko a signé une décharge référencée E.RFS.02 DFC/SC/SL attestant que «Ousmane Sonko s’est intégralement acquitté à notre comptabilité (Ndlr : Sicap. Sa) du prix de vente hors frais d’acte de la villa n° R17 sise au lotissement Sacré Cœur III Pyrotechnie à distraire du titre foncier de la Sicap Sa pour compter du 27 juillet 2016».
La question demeure récurrente. Comment Ousmane Sonko a-t-il pu, avec ses revenus de fonctionnaire, réaliser cette autre transaction immobilière ? Interpellé sur la provenance des ressources qui lui auraient permis d’acquérir sa villa de Keur Gorgui, Ousmane Sonko a déclaré à l’émission «Talk show» de Pape Cheikh Sylla sur la Sen Tv que c’est grâce au fruit de la vente de son immeuble sis au site de la Foire. Un gros mensonge, car Ousmane Sonko a acquis la villa de Keur Gorgui en 2011, comme l’atteste l’accord signé entre Ousmane Sonko et le directeur général de la Sicap Sa, Ababacar Ndao, le 20 octobre 2011. Mieux, selon un état de droits réels en date du 20 février 2018, la maison construite sur le lot 481 du lotissement de la Foire était encore au nom de Ousmane Sonko. Last but not least, Ousmane Sonko a oublié de déclarer dans son patrimoine un grand verger, sis à Sébikotane et acquis grâce à son ami proche Omar Boudick. Une équipe du journal Le Quotidien s’est rendue à ce verger où Ousmane Sonko avait l’habitude de passer du temps avec de nombreux amis.
Le parti Pastef financé grâce au foncier de l’Etat du Sénégal
On a vu que Ousmane Sonko utilisait son syndicat pour arracher des faveurs et autres avantages. Les libéralités foncières qui ont été régulièrement accordées à Ousmane Sonko et ses camarades du Syndicat autonome des impôts et domaines sont légion. Mieux, lors du procès de Tahibou Ndiaye, ancien directeur des Domaines, le député Diop Sy, très connu dans le business des transactions foncières à Dakar, avait révélé le modus operandi des attributions officières au profit de Ousmane Sonko et de ses amis. Devant la barre de la Cour de répression de l’enrichissant illicite (Crei), Diop Sy, le 10 juin 2015, sur interpellation du Procureur spécial, déclarait : «A chaque fois qu’il y avait un lotissement, un lot de terrains était attribué aux responsables du Syndicat qui les revendaient. La Commission de contrôle des opérations domaniales (Ccod) me donnait des lettres de notification que je complétais avec les noms d’acheteurs que m’indiquaient les syndicalistes. Ainsi, les noms des responsables du Syndicat ne pouvaient apparaître sur les documents.» A sa sortie de l’audience, Diop Sy réitéra ses propos au micro de la RFM et précisera que «rien que sur le lotissement de Almadies 2, plus de 30 terrains étaient attribués à Sonko et ses amis syndicalistes». Jamais Ousmane Sonko, polémiste à souhait, n’avait estimé devoir répondre à ces affirmations de Diop Sy.
La même pratique s’est poursuivie avec le parti Pastef par le truchement de ses vases communicants avec le Said. Les responsables du Said se trouvent être en même temps les principaux responsables du Pastef. Le patron du syndicat Bassirou Diomaye Faye est le numéro 2 de Pastef et son adjoint Biram Soulève Diop est le président des cadres de Pastef. Par exemple, le Said s’est vu offrir un lot de 10 terrains sur le lotissement de Gadaye à Guédiawaye. Les terrains ont été vendus à 15 millions de francs l’unité. Faites le calcul ! Dans le lotissement de la «zone de recasement aéroport de Yoff», Biram Soulèye Diop possédait le lot 184 qu’il a revendu à 43 millions de francs. Deux lots dont celui portant le numéro 812 avaient été à l’origine réservés pour Ousmane Sonko qui les a donnés en cadeau. On peut bien croire que ce recensement est loin d’être exhaustif. La société civile immobilière Aliif est attributaire de la parcelle numéro 808.
Le scandaleux incivisme fiscal de Ousmane Sonko
Le moins qu’on pouvait attendre d’un inspecteur des Impôts est de faire montre d’un civisme fiscal. Or Ousmane Sonko a manifestement pris des libertés avec le Fisc. On a bien vu que ses gains ont largement dépassé ses revenus de fonctionnaire et aucune déclaration fiscale, autre que les impôts retenus à la source sur son salaire, n’a été connue des services fiscaux. Ousmane Sonko, une sorte de «Jérôme Cahuzac», a fait de l’évasion fiscale, car il n’a été contribuable qu’à hauteur de 13 millions 693 mille 939 francs Cfa, constituant les impôts sur ses gains bruts de fonctionnaire, dont le relevé révèle un montant total de 86 millions 334 mille 025 francs. On sait que les fonds communs payés aux agents des services fiscaux sont exonérés de toutes taxes ou impôts, mais il reste que le patrimoine indiqué ci-dessus laisse augurer que Ousmane Sonko a dissimulé une bonne partie de ses revenus au Fisc. Alors, on peut s’interroger sur la valeur du quitus fiscal qu’il aura à déposer dans son dossier de candidature à l’élection présidentielle. Quelqu’un qui s’auto-proclame et revendique être un «monsieur bonne gouvernance», un monsieur propre et un monsieur transparence, ne devrait pas souffrir d’équivoque sur sa situation fiscale. Mesdames, Messieurs les inspecteurs des Impôts, procédez à la vérification de la situation fiscale de Ousmane Sonko comme vous le faites avec chacun d’entre nous autres ! Ousmane Sonko qui clame urbi et orbi gagner avec son cabinet fiscal plus de 10 fois ce qu’il gagnait comme fonctionnaire n’a jamais fait de déclaration fiscale sur de tels revenus encore moins des revenus générés par son autre société Aliif.
L’inspecteur des Impôts Ousmane Sonko a foulé au pied tous les principes et règles éthiques et professionnels attachés à ses augustes fonctions. On se rappelle qu’il n’avait pas hésité, le 4 octobre 2015, quand il était encore fonctionnaire, à utiliser dans son combat politique des informations tirées de ses activités de fonctionnaire. En effet, il avait mis à l’index des incartades que la Sonatel, Petrotim ou même Youssou Ndour auraient commises au regard de la législation fiscale. La démarche de Ousmane Sonko est assimilable à celle d’un médecin qui utilise la situation médicale de son adversaire politique pour chercher à l’atteindre. Le code de déontologie de l’Administration fiscale interdit à tout fonctionnaire de divulguer au public des informations qu’il aura obtenues de par ses fonctions. Ousmane Sonko va-t-il garder le silence jusqu’à quand ? Va-t-il continuer de s’emmurer dans un «silence assourdissant» pour reprendre une formule du président Abdou Diouf ?