Il y a, à l’extrême ouest de l’Afrique, un pays nommé Sénégal. C’est sans doute cette situation géographique vertigineuse, qui en a fait un pays des oracles et des miracles ; de prophètes de pacotilles et de « liseurs » de boules de cristal ; un pays où tout est relatif, même la loi, ses multiples interprétations par des sommités en tous genres ; des juges aux « compétences à géométrie variable ». Bref, un pays de…
Un pays où un Premier ministre, deux mois à l’avance donne le quinté électoral. C’est vrai, il faisait des confidences aux cadres de son parti, en toute imprudence. Mais voilà, ce résultat « miraculeux », même pour un « Mahamad » tombe trop à pic pour qu’on ne soit pas en droit d’avoir un énorme « doute légitime ». Parce que comme on le sait depuis toujours, les boules de cristal relèvent de légendes urbaines, pour faire fantasmer les masses ignorantes.
Un pays dont le ministre de l’Intérieur, chargé de l’administration des élections, donc théoriquement à équidistance des acteurs politiques, peut dire avec toute la gravité (légèreté plutôt) qu’il « fera tout pour faire gagner son candidat » qui n’est autre que le président sortant (par ailleurs président aussi, de son parti). Dans les polars (que j’adore du reste) on appelle ça : de la préméditation. Autrement dit, un crime électoral est en préparation. La question que l’avocat de la défense peut insidieusement poser à la Cour est : « croyez-vous mesdames, messieurs, que mon client est si idiot pour annoncer des mois à l’avance qu’il va commettre un crime ? Fut-il « électoral ? ». Bah oui, s’il est idiot à ce point, il sera déclaré fou, et ne pourra donc être jugé, parce que voyez-vous, sa place est dans un établissement psychiatrique et non dans une prison.
Un pays où, pour se faire réélire, le président sortant, aidé par son tailleur constitutionnel et des juges dont de plus en plus l’opinion doute de la probité et de l’impartialité, embastille des supposés adversaires « sérieux », élague au coupe-coupe des candidats aux parrains « insuffisants », voire « doublonnés » (vous avez compris, pas la peine de crier à l’outrage orthographique).
Un pays où le président sortant, candidat à sa propre succession, au premier tour bien sûr, peut inaugurer un train sur des rails dont tous les boulons ne sont pas serrés, les signalisations et autres déviateurs pas achevés, et donner rendez-vous dans six mois pour le vrai démarrage.
Ah, quel est merveilleux un pays que celui-là ! Des « voyants » qui voient TOUT ; des oracles qui « mentent vrai » ; des voleurs qui arment des bras médiatiques pour immoler sur le bûcher d’une opinion matraquée à longueur de journée de mensonges qui ont l’air vrai. Un pays où un Procureur peut être sanctionné et muté parce qu’il a puni une militante du parti présidentiel, prise en flagrant délit de vols de cartes d’identité. L’Union des magistrats de ce pays extraordinaire a du pain sur la planche pour couper le cordon de sa dépendance.
Voilà, c’est dans ce pays-là que nous vivons, en nous prenant pour des élus des dieux. De DIEU ! Alors que nous sommes de vilains petits canards, à l’ego outrancièrement surdimensionné.
Retrouvez chaque semaine, le billet hebdomadaire de Demba Ndiaye sur les élections.