À moins de 40 jours du premier tour de l’élection présidentielle du 24 février 2019, la onzième du genre depuis l’indépendance du Sénégal, l’establishment, les cénacles et alliances stratégiques des candidats en lice sont certainement en train de méditer sur le type de statut que vont devoir incarner leurs candidats respectifs en vue de reconquérir ou conquérir – c’est selon – massivement le vote populaire. De celui d’enfant du sérail à d’homme nouveau en passant par de réseaux, le peuple ne demande qu’à être convaincu.
Dieu soit loué déjà ! car des 139 « candidats à la candidature » ayant retiré des fiches de collecte des signatures de parrainage auprès du ministère de l’intérieur et de la sécurité publique, en charge de l’organisation des élections, moins d’une trentaine avait osé – à la date limite du mercredi 26 décembre 2018 à minuit – ne serait ce que par conséquence avec soi-même, verser la caution de 30 millions de francs CFA exigés, à plus forte raison franchir le cap du dépôt légal des dossiers de candidature devant l’organe de contrôle et de validation qu’est le Conseil Constitutionnel. Le Parrainage constitue – t – il le principal frein à leur ambition ? Ou simple stratégie consistant à se rapprocher des meilleurs profils et se positionner en “faiseurs de roi ” pour après s’attendre, comme à l’accoutumée, à un retour d’ascenseur, en cas de victoire ? L’avenir nous édifiera !
D’ici là, en prélude d’un rendez-vous aussi crucial que celui de la confiance de notre destin commun pour encore une durée de cinq ans, l’usage politique voudrait que tous les candidats ne laissent personne indifférent, et que chacun soit passé au scanner afin d’éviter l’incursion d’aventuriers d’un soir, pas comme les autres.
Bien qu’obtenir le total des parrainages demandés ne préjuge guère de la garantie de performance, nous tenterons d’identifier quelques atouts majeurs sur lesquels devraient individuellement compter les potentiels chalengers qui ont dépassé la barre fatidique du nombre de signatures requis soit plus de 53 457, réparties dans au moins sept des quatorze régions du pays (minimum 0,8% et au maximum 1% du corps électoral) ; et vu leurs dossiers validés.
En attendant la publication officielle de la liste définitive des candidats – après étude des recours des deux k recalés – prévue au plus tard le 21 janvier 2019, 35 jours avant le premier tour, nous vous proposons une analyse de comportements à adopter sur les 5 candidats de la liste arrêtée à la séance du 13 janvier 2019 par le conseil constitutionnel en fonction de leur titres associés aux rangs protocolaires et de leur notoriété à savoir : le président de la République sortant S.E.M. Macky SALL, l’ancien premier ministre M. Idrissa SECK, l’ancien ministre Me Madické NIANG, les honorables députés Messieurs Ousmane SONKO et Cheikh Issa SALL.
Pour ce faire, nous utilisons comme méthodologie de la comparaison, “le petit manuel de la campagne électorale (Commentariolum petitionis)” [1] de Quintus Cicéron. Écrite en l’an 64 avant notre ère soit, il y a plus de 20 siècles, cette longue lettre – mémoire fut destinée à son frère aîné, le grand Marcus Cicéron, peu avant les élections consulaires romaines de l’époque.
Afin de mieux réadapter ses motivations au contexte actuel, chacun des candidats aura ainsi une étiquette politique sous laquelle une forme d’appellation générique classe sa manière de penser, d’agir ou d’être auprès de l’opinion publique allant corollairement avec 3 conseils savoureux, parfois, cyniques, d’une redoutable efficacité et à toutes fins utiles que Quintus avait prodigués à son frère d’homme d’État, Marcus Cicéron, cet orateur hors pair, féru de la rhétorique et de l’adaptation en latin des théories philosophiques grecques. Pourquoi lui et pas un autre ? Parce que tout bonnement, le temps est aux promesses et qu’il a été un des acteurs de “l’apogée de l’éloquence latine” qui prônait qu’être bien né ne saurait dire grand-chose. Et qu’être étroitement lié à la politique de son temps suppose avoir d’abord une bonne dose de culture et du talent. Chemin faisant, tout candidat à la représentation populaire se doit – selon lui – de se poser les questions suivantes avant de briguer les suffrages de ses semblables : comment concilier séduction électorale et fidélité à soi-même et à ses principes ? Comment rassembler le plus grand nombre autour de sa candidature, et ménager les intérêts des diverses classes sociales ?
En creusant notre sillon un peu plus loin, nous vous livrons quelques extraits choisis de ce percutant et visionnaire ouvrage traduit et commenté en français en 2009 par l’éminent spécialiste du monde grec et professeur d’histoire et d’archéologie classique à l’université de Paris I Sorbonne, François PROST, collant parfaitement avec la réalité politique du moment. Un chef d’oeuvre où sont exposés les principes fondamentaux de la communication politique telle que pratiquée de nos jours, notamment les rouages d’une élection à haut risque, et les détails des démarches attendues du candidat, offrant ainsi un tableau captivant du système politique romain d’alors, facilement comparable à celui d’aujourd’hui.
Alors, allons voir, maintenant, ce que nous réservent ces dits conseils, certes du 1er siècle avant J-C, mais Ô combien prémonitoires !
- M. Macky SALL de la Coalition “Benno Bokk Yaakaar”
Le soutien infaillible des « amis » à savoir des “alliés”
« Le soutien des amis doit être acquis par le fait de rendre des services, de satisfaire à ses devoirs, d’entretenir des relations de longue date, et de faire preuve d’un naturel affable et agréable… Obtiens et conforte solidement l’appui de tous ceux qui grâce à toi ont, ou espèrent avoir, le vote d’une tribu, d’une centurie, ou quelque autre faveur… travaille, par tous les moyens, à obtenir qu’ils te soutiennent fidèlement et avec le plus grand zèle ».
La sympathie des Grands…
« Il est utile que, par ceux au rang et au nombre desquels on veut parvenir, on soit jugé digne d’atteindre ce rang et de figurer dans ce nombre. Tous, il faut donc les solliciter, les démarcher par des intermédiaires, et les persuader que nous avons toujours partagé » leur « opinion politique », et « n’avons jamais été du parti » des autres…
La faveur populaire
« Celle-ci requiert de connaître les gens par leur nom, de savoir flatter, d’être constamment présent, de faire preuve de générosité, de faire parler de soi, de faire naître des espérances politiques. Tout d’abord, tout ce que tu fais pour lier connaissance avec les gens, fais-le bien voir pour que tous s’en rendent compte, et multiplie l’effort pour développer chaque jour ces connaissances ; à mon avis, il n’y a rien de si propre à susciter la faveur populaire et la reconnaissance.”
- M. Idrissa SECK de la coalition «Idy 2019»
Les gens hostiles
« Il y a trois catégories : la première, ceux à qui tu as fait du tort ; la deuxième, ceux qui ne t’aiment pas sans raison particulière ; la troisième, ceux qui sont très amis de tes concurrents. Vis-à-vis de ceux à qui tu as fait du tort… tu devras te disculper franchement, évoquer les liens qui t’y contraignaient, leur faire espérer que pour leurs propres affaires, s’ils deviennent tes amis, tu les soutiendras pareillement et t’acquitteras du même devoir envers eux. Ceux qui ne t’aiment pas sans raison particulière, tu devras, soit en leur rendant service, soit en le leur laissant espérer, soit en les assurant de ton soutien, travailler à leur faire quitter cette mauvaise disposition à ton égard. Envers ceux dont la sympathie t’est plus ou moins aliénée en raison de l’amitié qui les lie à tes concurrents, tu devras employer également les mêmes procédés et, si tu parviens à le faire croire, montrer que tu es bien disposé à l’égard de ces concurrents eux-mêmes ».
Etendre son réseau
« Tu peux, sans compromettre ton honneur – chose impossible dans les autres circonstances de la vie – lier amitié avec toutes les personnes de ton choix, des personnes telles que si, en tout autre contexte, tu les autorisais à te fréquenter, ta conduite paraîtrait aberrante, alors que dans le cadre d’une campagne, si tu ne t’appliquais pas à agir ainsi envers beaucoup de gens, ta campagne ne paraîtrait pas en être une… Il n’y a personne, sauf à être attaché à l’un de tes concurrents par un lien contraignant, dont tu ne puisses obtenir facilement, si tu t’en donnes la peine, qu’il te rende des services méritant ton amitié et ta reconnaissance futures, pourvu qu’il comprenne que tu fais grand cas de lui, que tu agis sincèrement, qu’il fait un bon placement, et qu’il en sortira une amitié non pas éphémère et circonscrite à la pêche aux voix, mais solide et durable ».
L’art de refuser et de ne pas refuser
« Tout ce que tu ne peux pas faire, ou bien tu le refuses avec grâce, ou bien tu ne le refuses même pas du tout : le premier est le fait d’un homme bon, le second d’un bon candidat. De fait, quand on nous demande ce que nous ne pouvons promettre sans manquer à l’honneur ou nous nuire à nous-mêmes… il faut le refuser avec courtoisie, en faisant valoir le lien qui te contraint, en manifestant combien tu en es désolé, en persuadant que tu te rattraperas en d’autres circonstances… Les hommes sont plus sensibles à la physionomie et aux paroles qu’au service rendu lui-même et à la réalité des faits… Enfin, la dernière chose à craindre est que se fâche celui à qui on a menti. Ce risque-là, si tu promets ton aide, est incertain, remis à plus tard, et concerne un plus petit nombre de gens ; si en revanche tu refuses, tu t’en aliènes tout de suite et de façon certaine un plus grand nombre… ».
- Me Madické NIANG de la coalition “Madické 2019”
La sérénité dans l’action
“Aussi bien l’indignation vertueuse, qu’on rencontre ici ou là, est-elle surtout le témoin d’une incapacité à s’interroger sur le rapport essentiellement ambigu et complexe qu’entretiennent d’un côté, une ambition personnelle d’accession au pouvoir et de l’autre, une communauté entière décidant de l’attribution du pouvoir par vote… ».
Les services rendus
« Trois choses amènent les hommes à nous témoigner leur préférence et à apporter leur soutien dans les élections, à savoir les services qu’on leur a rendus, les espérances qu’ils conçoivent et le fait qu’ils se sentent proches de nous et nous apprécient, il faut examiner comment cultiver chacune de ces espèces. Par de très petits services, on amène autrui à penser qu’il y a matière à apporter son soutien dans les élections… Quant à ceux qui sont tenus par des espérances, fais-leur bien voir que ton aide leur est offerte et à disposition, et enfin bien comprendre qu’ils ont en toi un observateur appliqué des services qu’ils te rendent… Le soutien spontané devra être consolidé par des témoignages de reconnaissance, par l’adaptation des propos aux raisons pour lesquelles chacun semblera te soutenir, par la manifestation d’une sympathie réciproque, par la perspective offerte de voir l’amitié conduire à la familiarité et à l’intimité ».
Une ligne de conduite
« Sois le meilleur des orateurs ; c’est par là qu’on tient les Hommes, qu’on se les attache et qu’on les empêche de s’opposer et de nuire. Et puisqu’en ceci surtout la cité est vicieuse que, la corruption s’en mêlant, elle ferme d’ordinaire les yeux sur le mérite et le prestige, en ces affaires, fais en sorte de bien te connaître toi-même, c’est-à-dire de comprendre que tu es toi-même homme à pouvoir inspirer à tes concurrents la plus vive peur de procès et menaces judiciaires. Fais en sorte qu’ils se sachent surveillés et tenus à l’œil par toi ; qu’ils craignent non seulement ton activité, non seulement ton autorité et tes capacités oratoires, mais aussi, assurément, le soutien que t’apporte les autres … ».
- 4. M. Ousmane SONKO du Pastef “Sonko Président”
Le statut d’homme nouveau
« Fais en sorte qu’on voit bien le nombre de tes amis et de quelles sortes de personnes, il s’agit… Aie soin de tenir bien en main ces atouts, en travaillant par des avertissements, par des sollicitations, par toutes sortes de moyens à faire comprendre à ceux qui ont une dette envers toi, et à ceux qui veulent t’obliger, qu’ils n’auront aucune autre occasion, les premiers, de te témoigner leur reconnaissance, les seconds, d’atteindre leur but ».
Un franc cynisme
« rien de moins qu’une véritable radiographie de la machine électorale, sur le fond de ses grands principes institutionnels et dans son détail pratique… en particulier dans les aveux de franc cynisme ou d’hypocrisie utile et même indispensable au candidat en quête de voix… L’attention y est dès lors entièrement concentrée sur les moyens que le candidat peut mettre en œuvre, et sur les ressources propres dont il peut disposer, pour atteindre son objectif, l’élection ».
La sympathie des jeunes :
« Ils t’apporteront beaucoup de prestige… Fais-leur explicitement savoir combien tu comptes sur eux. Si tu parviens à amener ceux qui ne te sont pas hostiles à te soutenir, ils t’aideront énormément ».
- M. Cheikh Issa SALL du Parti de l’ Unité et du Rassemblement (PUR)
Se rapprocher davantage de la réalité politique
“mets-toi bien dans l’esprit qu’il faut feindre de manière à paraître le faire naturellement… il est très nécessaire de savoir flatter, chose qui, si elle est vicieuse et honteuse dans les circonstances ordinaires de la vie, est en revanche indispensable dans la campagne électorale… et au candidat, dont la physionomie, la figure et les propos doivent évoluer et s’adapter à la pensée et à l’intention de tous ceux dont il s’approche ».
Les apparences flatteuses
« Prends bien soin que toute ta campagne soit pleine de pompe, brillante, splendide, populaire, qu’elle ait un éclat et un prestige parfaits, que même, si possible de quelque manière, se diffuse concernant tes concurrents une rumeur infamante de crime, d’immoralité ou de corruption accordée à leurs mœurs… En outre dans cette campagne, il faut veiller à ce qu’on fonde sur toi de bons espoirs politiques et qu’on ait de toi une opinion honorable ».
Les promesses
« Les gens ne veulent pas seulement qu’on leur fasse des promesses, surtout quand ils sollicitent un candidat, mais encore qu’on leur promette d’une manière généreuse et qui témoigne de la considération. »
Nonobstant tous ces conseils avisés, “aucune voix n’est – cependant – acquise d’avance, à l’exception peut-être de celle de votre mère ; et encore, assurez-vous qu’elle soit inscrite sur les listes électorales” dixit Ted SORENSEN, conseiller de J.F. KENNEDY lors de sa conférence dans le Midwest en mars 1959. Donc, faire « preuve du maximum de méthode, de soin, d’effort et d’application » est l’unique moyen de pouvoir transformer ses rêves en réalité.
À Bon Entendeur Salam !
Qu’Allah SWT veille sur NOTRE CHER Sénégal et nous préserve du fatum obscur… Amen
#DEWENETI #MEILLEURS_VOEUX_2019
Par Elhadji Daniel SO,
Président d’En Mouvement ! Défar Sénégal
Ensemble, Construisons le Sénégal !
Eldasso@yahoo.fr
NOTE :
[1]. Pour aller plus loin : PROST (FRANÇOIS), Quintus Cicéron : le petit manuel de la campagne électorale (Commentariolum petitionis), 2009, TULLIANA.EU
http://www.tulliana.eu/documenti/BindercommentariolumProst.pdf
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