Les manifestations sporadiques, qui ont suivi la publication de la liste provisoire des candidats à la prochaine présidentielle, ont poussé certains religieux à élever la voix pour appeler les Sénégalais au calme et aux opposants à la retenue. A Macky qui se prend pour Almamy et aux membres du Conseil constitutionnel, qui font de la sagesse une matière première de l’obéissance, aucune mise en garde, aucune remarque n’est faite. Khalifa Sall peut être dépouillé de tous les mandats que les Sénégalais lui avaient confiés et empêché de briguer à nouveau leur suffrage, mais il n’a pas à s’en plaindre, ses partisans n’ont pas à s’en offusquer. «Senegaal réewou jam la » (le Sénégal est un pays de paix), entonne-t-on, ménageant Macky Sall et les retraités qui siègent au Conseil constitutionnel qui ont pourtant drainé les litres d’essence et les boîtes d’allumette en passe d’embraser le pays. Le message est terrible : « souffrez en silence ! ».
Il n’est pas question de faire le procès de certains religieux. L’histoire qui s’écrit en ce moment sera contée aux générations à venir qui s’en chargeront. Et, en dépit des terribles coups de boutoir infligés à la mémoire collective, les responsabilités des uns et des autres traverseront les âges. Aussi longtemps que cela remonte, les actes que certains avaient posés face aux colons continuent à alimenter les palabres, suscitant la fierté ou nourrissant la honte. Il n’est pas non plus question de donner à qui que ce soit des leçons. Car, même si certains remercient Macky Sall, ils savent tous que c’est avec l’argent du contribuable que des bâtiments ont été construits dans les cités religieuses. Ils savent mieux que quiconque que Macky Sall n’a commencé à distribuer de l’argent comme un guichet automatique qu’après son élection à la tête de l’Etat. Ils ne sont pas censés ignorer que l’Etat a investi plus d’argent dans les CAF-Awards que dans l’essentiel des foyers religieux où on se glorifie de maisons d’hôtes.
Ce qui est dit et que certains chefs religieux semblent ignorer, c’est que leur appel au calme et à la retenue risque de tomber dans l’oreille d’un sourd. Pis, comme dans beaucoup de salles de rédaction, Macky Sall risque de faire descendre l’opprobre, emportant ou portant un sacré coup au legs des illustres fondateurs. La paix ne peut prospérer si la justice est par terre. Cette lapalissade qui a traversé les âges ne peut être méconnue par les plus « érudits » d’entre nous. Puisqu’il a été trop demandé de dire à Macky Sall qu’il n’avait pas à changer unilatéralement les règles démocratiques qui lui ont permis d’être élu, il n’y a aucun discours moralisateur à tenir à ceux qui en ont fait les frais. Celui qu’il faut appeler dans un coin pour lui tirer les oreilles, c’est bien le leader de l’APR. C’est à lui qu’il faut dire que le temps des Almamy est révolu, qu’il ne peut agir en monarque avec la bénédiction du Peuple qui l’a élu parmi tant d’autres.
A défaut de dire à Macky Sall tout cela qu’il n’ignore pas, que le silence, qui a accompagné l’inauguration de la mosquée de Guédiawaye, reste silencieux. Pour que les Sénégalais, qu’il avait promis un gouvernement de 25 ministres, un mandat de cinq ans, une séparation effective des pouvoirs, une gouvernance sobre et vertueuse, une politique fondée sur la patrie avant le parti et bien d’autres choses, décident tout seuls de la meilleure attitude à adopter. Si Cheikh Bamba Dieye, connu pour sa pondération, n’écarte pas la violence pour faire entendre raison à Macky Sall, c’est également parce que le discours d’apaisement a tardé à raisonner pour être audible. Aux membres du Conseil constitutionnel de mériter leur sobriquet de « sages » pour ne pas être appelés « pyromanes ».