#Enjeux2019 – Celui qui présidera aux destinées du Sénégal pour le prochain quinquennat, devra, dès ses premiers mois au palais de la République, doter le pays d’une loi pour l’accès à l’information publique, fondamentale pour une démocratie digne du nom.
Parce que « la presse est le baromètre de la démocratie dans un pays » – formule empruntée au journaliste béninois Jérôme Carlos – le prochain chef de l’Etat du Sénégal aura le devoir pressant d’établir une garantie juridique pour l’accès à l’information publique, élément vital pour des médias efficients et, globalement, pour une société véritablement démocratique.
Si on sait que l’idée de cette loi est évoquée depuis quelques années et que les gouvernants disent y travailler, il faut dire qu’il urge, à plusieurs égards, de disposer de ce texte d’ailleurs subséquent aux recommandations de la Constitution sénégalaise en son Article 8 : « S’instruire sans entrave aux sources accessibles à tous ».
Que nous sachions, la Constitution est la règle la plus élevée de l’ordre juridique d’un pays et le rôle d’instruction des médias n’est pas discutable. Tout comme le droit du public à une information plurielle et transparente. Voici donc une loi que le président sénégalais des cinq années à venir devra s’empresser d’édicter : son rôle n’est-il pas de faire respecter la Constitution ?
– Pour une presse libre –
En novembre 2018, le Sénégal et onze autres pays signaient la Déclaration internationale sur l’information et la démocratie dont le droit à l’information en est le principe premier. Mais comment s’engager à le garantir sans un appareil juridique propice pour ce faire ?
« Le contrôle politique sur les médias, l’assujettissement de l’information à des intérêts particuliers, l’influence croissante d’acteurs privés qui échappent au contrôle démocratique, la désinformation massive en ligne, la violence contre les reporters et l’affaiblissement du journalisme de qualité, menacent l’exercice du droit à la connaissance. Toute tentative de limiter abusivement cet exercice, par la force, la technologie ou le droit, est une violation du droit à la liberté d’opinion », est-il alors écrit dans cette Déclaration qui veut que l’espace de l’information et de la communication soit organisé à dessein de permettre l’exercice des droits et de la démocratie.
Au baromètre de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières, qu’on se réjouisse ou pas des rangs et des scores du Sénégal durant le mandat présidentiel qui s’achève – 76e avec 26 points en 2012 ; 59e avec 26,19 points en 2013 ; 62e avec 26,68 points en 2014 ; 71e avec 27,77 points en 2015 ; 65e avec 27,99 points en 2016 ; 58e avec 26,72 points en 2017 ; 50e avec 25, 61 points en 2018 – le combat pour une presse libre et non conditionnée par l’agenda étatique demeure. Seule une loi effective pour l’accès à l’information publique viendra résoudre ou apporter un début de solution à ce problème.
L’idée d’une véritable démocratie sans des médias auxquels les lois assurent le droit d’accéder à l’information publique est inconcevable.
– Pour le peuple sénégalais –
Il faut souligner que la pertinence et l’utilité de cette loi ne se limitent pas à la seule presse. Là encore, la Déclaration internationale sur l’information et la démocratie, dont le Sénégal s’est engagé à observer les recommandations, stipule que « la connaissance est nécessaire aux êtres humains pour développer leurs capacités biologiques, psychologiques, sociales, politiques et économiques. L’accès à la connaissance, en particulier celle de la réalité, est un droit fondamental ».
Nous espérons alors que ceux qui ont apposé leur signature sur ce document, au nom du peuple sénégalais, en ont cerné le sens. Logiquement, le premier engagement pour l’information et la démocratie doit être l’édiction et la mise en application d’une loi permettant à quiconque d’accéder sans ambages à l’information publique. Ceci dit, au-delà de la presse, cette loi ici réclamée est vitale pour l’école, la recherche et la nation sénégalaise.
Chaque prétendant à la plus haute fonction de la République fait valoir (ou le fera) l’importance qu’il accorde à la démocratie. C’est donc l’occasion de leur signaler que cette loi est une des conditions sine qua non du jeu démocratique ; elle est synonyme de transparence et de liberté. Rappelons-leur, dès à présent, qu’un accès limité à l’information publique ou son contrôle par le gouvernement empêche la participation permanente du citoyen aux affaires publiques.
Il est nécessaire de dire que cette loi, que nous voulons imminente, ne doit pas être limitée à sa présence dans nos textes juridiques pour servir d’écran de fumée ou connaître la même infortune que la loi sur l’interdiction des sachets plastiques, votée en 2016 et dont l’application semble impossible.
Cette loi pour l’accès à l’information publique est un impératif logique et notre plaidoyer demande qu’elle soit effective aussitôt qu’elle aura été votée.
Valdez Onanina est journaliste pour Africa Check, la première organisation de fact-checking en Afrique, dont le bureau francophone est basé à Dakar. Il observe les stratégies d’influence et la désinformation dans les médias.