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Les Tic, Un ÉcosystÈme Peu Favorable

Les Tic, Un ÉcosystÈme Peu Favorable

#Enjeux2019L’Union internationale des télécommunications (UIT), institution des Nations-Unies spécialisée dans les technologies de l’information et de la communication, dans son classement mondial des pays selon l’indice de développement des TIC dans l’édition de 2017 du rapport « Mesurer la société de l’information », a classé le Sénégal à la 142e position sur 176 pays.

L’Indice de développement des TIC, basé sur onze indicateurs liés à l’accès aux TIC, à leur l’utilisation et aux compétences, est un outil unique permettant de comparer le niveau de développement des TIC dans les pays du monde entier.

Ainsi, au classement mondial, le Sénégal de la 124e place en 2012, dégringole à la 142e place en 2017. Il était classé à la 132e place en 2015, un recul de 9 places en 3 ans et de 18 en 5 ans.

Le constat est sans équivoque : le secteur des TIC au Sénégal ne cesse de régresser depuis 2012. Il est parmi les pays à la traine et loin du peloton de tête africain en matière de développement des TIC.

Ce recul, les sénégalais le vivent au quotidien par une mauvaise qualité de service quand il est accessible, des tarifs encore élevés à cause de l’absence de concurrence dans le marché des TIC et un écosystème numérique peu favorable à l’emploi et l’entreprenariat des jeunes.

Cette situation qui perdure depuis 2012 a d’abord eu pour résultat le recul et ensuite la stagnation d’un secteur qui, compte tenu de ses potentialités et de l’importance des TIC, pourrait être le moteur du développement du Sénégal.

Le secteur des TIC ne constitue pas encore un levier de croissance pour le Sénégal à cause d’un marché imparfait, une mauvaise régulation et un cadre juridique inadéquat.

– Un marché imparfait –

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Le Sénégal, dans le secteur des TIC présente un paradoxe incompréhensible. En effet, au moment où les opérateurs comptent leurs centaines de milliards de F CFA en résultat net, l’utilisateur sénégalais peine au quotidien et éprouve d’énormes difficultés pour bénéficier des services de qualité à des tarifs abordables (téléphonie mobile, internet et services à valeur ajoutée). L’exclusion numérique demeure ainsi une réalité au Sénégal au moment où être dans les réseaux téléphoniques ou sur internet devient un besoin de plus en plus important.

Manifestement le secteur des TIC au Sénégal souffre encore d’une absence totale de concurrence qui limite son développement et pénalise fortement les utilisateurs. Ces derniers sont dans l’impossibilité, encore aujourd’hui, de trouver une offre, en termes de prix et de service, adaptée à leurs besoins.

Des offres alignées et peu avantageuses, les abus de position dominante, les ententes entre les opérateurs, le monopole de la Sonatel sur le fixe et l’ADSL et le manque de transparence, constituent les caractéristiques de ce marché qui d’un duopole (Sonatel, Tigo), est devenu un oligopole depuis 2007 avec l’entrée d’Expresso.

Oligopole qui a généré une situation de position dominante dans laquelle un acteur (Sonatel), seul détermine les règles du marché. Ce qui a pour effet d’annihiler toute possibilité de baisse des prix, d’amélioration de la qualité, par le jeu de la concurrence.

Une telle situation de marché jure d’avec l’esprit et les règles d’un système concurrentiel sain dans lequel le niveau des prix traduit autant la performance de l’entreprise que sa dimension économique ainsi que ses coûts internes de production. Le marché est structuré par l’offre et non par la demande, c’est-à-dire par les besoins des utilisateurs. Ainsi le marché est verrouillé par le cartel des opérateurs à leur seul profit, ce qui explique la rentabilité anormalement élevée des opérateurs (EBITDA plus de 50%).

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A ces problèmes concurrentiels s’ajoute le manque de dynamisme de l’entreprenariat numérique.

– Écosystème numérique peu favorable à l’entrepreneuriat –

L’univers des entreprises évoluant dans les TIC souffre de l’absence d’un modèle économique qui pourrait attirer les bailleurs et les banques. En dehors de la société de Conseil en Technologies de l’Information et de la Communication (CTIC), des initiatives des opérateurs Orange (Prix de l’Entrepreneur Social) et Tigo (Challenge pour l’entreprenariat), ou encore Le Challenge « Startupper » de l’année par Total, l’entreprenariat numérique poursuit son chemin de croix.

Certes, il y a toute une série d’entreprises qui se battent au jour le jour et beaucoup de jeunes entrepreneurs sociaux qui innovent à la tête de start-up. Toutefois, leurs moyens sont souvent limités et l’Etat ne les accompagne pas suffisamment. Quant aux banques, elles proposent des conditions d’octroi du crédit souvent dissuasives.

Comment alors trouver alors les moyens ou de potentiels bailleurs pour financer une start-up ? Telle est l’équation que doit résoudre tout entrepreneur numérique au Sénégal. L’écueil financier est souvent insurmontable. L’écrasante majorité des entrepreneurs sociaux (jeunes ou étudiants) est livrée à elle-même. La seule alternative qui s’offre à ces entrepreneurs sociaux, c’est de recourir le plus souvent à l’autofinancement, sachant que leurs moyens sont souvent très limités.

Aussi, n’est-il pas surprenant que Le Global Entrepreneurship Index (GEI) 2018, qui mesure l’écosystème entrepreneurial dans 137 pays, classe le Sénégal à la 103e position, parmi les derniers au monde, loin derrière le Kenyan, l’Ile Maurice, le Rwanda, le Ghana et le Cap Vert.

Les problèmes des entrepreneurs numériques sont identifiés depuis fort longtemps. Toutefois, nous sommes au regret de constater, qu’au-delà des beaux discours de circonstance des autorités, il n’y a jamais d’actes concrets. On constate plutôt un pilotage à vue et des annonces de projets épars sans aucune cohérence.

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Au regard de ce tout qui précède, l’écosystème ne favorise pas encore l’entreprenariat numérique au Sénégal, mais pire encore, toutes les entreprises qui utilisent les TIC comme facteurs techniques de production sont plombées dans leur potentiel de croissance par les tarifs élevés et la qualité qui laisse à désirer, ou par des interdictions d’accéder à des services tel que la téléphonie par internet. Ainsi, le numérique au lieu d’être un levier constitue ainsi un frein à la croissance de pans entiers de l’économie sénégalaise.

Faute d’un écosystème porteur de développement, il urge que les autorités usent de leurs moyens de régulation techniques et juridiques aux fins d’assurer la création d’un environnement qui favorise le développement du secteur des TIC.

Le gouvernement a d’abord élaboré une stratégie des développement des TIC en 2016, mis en œuvre des leviers de régulation tels que la portabilité, le free roaming, le partage des infrastructures, le dégroupage de la boucle locale tout en entreprenant une politique de libéralisation du secteur des TIC en lançant des appels publics à candidatures pour l’attribution de licences de fournisseurs d’accès internet (FAI), d’opérateurs mobiles virtuels (MVNO) et l’actualisation du code des télécommunications de 2011.

#Enjeux2019

Titulaire d’un Master 2 en Informatique (Université Lumière Lyon 2, France) et en Gestion de projets numériques (Université Paris 10 Nanterre, France) ; Ndiaga Gueye est ingénieur en réseaux informatiques (Houston, Texas). Auteur du livre « Conception et gestion de projets numériques territoriaux » publié aux éditions universitaires européennes en 2016 (ISBN 978-3-639-54136-6), il est consultant en TIC et président de l’Association Sénégalaise des Utilisateurs des TIC (ASUTIC).







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