Les réseaux sociaux ont permis de comprendre sans trop d’efforts que le narcissisme est la maladie la plus répandue de nos jours. Les stories, les statuts et les selfies souvent accompagnés de la mention « Je m’aime », « myself » ou « me only » prolifèrent et se montrent comme un effet de mode.
Celui qui accompagne sa meilleure photo du jour de la mention « Je m’aime » ou qui publie cinquante photos par jour s’extasie sur lui-même. On peut y voir si l’on veut un amour de soi ou une certaine confiance en soi dans cette posture. Toutefois cette confiance de soi, si nous y jetons un regard oblique, n’est au fond qu’un désespoir. C’est Narcisse qui se croit incapable d’aimer et indigne d’amour et qui désespère d’Echo. Le champ de ce type de narcissisme révélé par les réseaux sociaux s’étend du regard au regard : du regard qu’on lève et qui attend le flash au regard que l’on baisse pour ne voir que son nombril.
Rappelons au passage que le challenge en vue ces derniers temps sur Facebook consistait à montrer par juxtaposition deux photos d’une intervalle de dix ans (2009-2019) pour se mirer, s’admirer, se désirer davantage et/ou se moquer d’autres personnes que l’on juge depuis le devant de son miroir ou de l’écran de son téléphone. C’est au fond ce qu’on peut appeler une mise en rapport de la réalité avec la forme du corps.
Encore fallait-il demander si en dix ans on est devenu plus humain, moralement, éthiquement et quel changement positif il y a eu dans notre comportement. Néanmoins ne peut penser à cela que celui qui révise sa conduite tous les jours. Celui qui prend plus soin de son âme que de son corps ne trouve pas du goût dans cet exercice dans ce challenge à la mode. Celui qui fait le recensement exact de ses maladresses et de ce qui lui reste à connaître vient d’entreprendre le long voyage au pays de la sagesse.
L’homme est encore la mesure de toute chose comme le pensait Protagoras mais je m’interroge encore avec Socrate : si l’homme est la mesure de toute chose qu’est-ce qui mesure l’homme ? Estimons-nous. Ayons confiance en nous. Aimons-nous. Je ne suis point un donneur de leçons, je veux seulement qu’on jette un simple petit regard par-dessus les cloisons et les murs.