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L’hypocrisie, Notre PremiÈre Richesse

L’hypocrisie, Notre PremiÈre Richesse

Depuis que le Conseil constitutionnel a écarté illégalement 22 des 27 candidatures présentées pour la présidentielle de février 2019, les discours et actes de violence commencent à faire florès. Déjà les scènes de violences ont commencé depuis que les « sages » du Conseil constitutionnel ont éliminé provisoirement Khalifa Sall et Karim Wade le 14 janvier dernier. Les Khalifistes dépités par l’élimination provisoire de leur mentor ont manifesté dans leur fief tout leur mécontentement, la soldatesque d’Ali Ngouille Ndiaye a déversé sa bile sur le siège de Taxawu Dakar en l’arrosant de bombes lacrymogènes. Et cette tension s’est accentuée quand les Juges constitutionnels ont porté l’estocade sur les candidats de Taxawu Dakar et du PDS le 21 janvier dernier. Les Karimistes et Khalifistes ont remis cela. Des bus Dakar Dem Dikk saccagés, des pneus brûlés dans la zone de Grand-Yoff, des affrontements entre policiers et militants de Khalifa et Karim, tel était le triste décor de ce tragique jour où deux citoyens sénégalais jouissant de leurs droits électoraux ont été écartés de la course à la présidentielle, selon le bon vouloir du Prince. Et les violences ont continué le lendemain puisque de jeunes Khalifistes ont été kidnappés dès potron-minet avant d’être embastillés. Et la série des arrestations a continué dans la banlieue de Pikine et de Guédiawaye sous le pseudo-prétexte que des jeunes se réclamant de Karim Wade ont voulu saboter la venue du président Macky Sall à Pikine alors qu’il était dans leurs intentions de lui rappeler que ses promesses faites en banlieue lors des conseils des ministres décentralisés ne se résumaient pas à la construction d’un lieu de culte.

Les batailles pour les libertés enclenchées dans les années 60 et 80 n’ont rien à envier à celle que les Sénégalais mènent aujourd’hui. Pourtant l’alternance de 2012 faisait espérer qu’on n’avancerait plus à reculons pour la conquête de certains droits démocratiques au Sénégal. Et c’est une honte aujourd’hui de voir que la police sénégalaise qui doit être au service des citoyens soit instrumentalisée par une oligarchie dont l’unique objectif est de se maintenir au pouvoir au mépris de tous droits démocratiques. Elle est devenue le bouclier et l’épée du parti au pouvoir imposant une « terreur marron » au lieu d’être au service exclusif des citoyens. La police sénégalaise ne doit pas être un pantin malléable et manipulable par n’importe quel régime en place quand on sait que la République est par essence l’émanation de la volonté de la majorité des citoyens. Son rôle n’est pas de verser dans la surenchère de la répression aveugle et de la violence irrationnelle commanditée, exercée sur des opposants qui ont le droit de jouir des libertés que leur offre la Loi fondamentale. Aujourd’hui, la voie de la répression au détriment du respect des libertés que le ministre Ngouille semble privilégier mène à l’impasse. Il serait peut-être temps, pour la police sénégalaise de relire l’article 12 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée. »

Aujourd’hui, face à l’oppression, la résistance devient un droit, droit consacré d’ailleurs dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et c’est dans cette optique que s’inscrit la rhétorique guerrière du C-25 le 21 janvier, assimilable à une déclaration de guerre contre les oppresseurs. Dès lors toutes les colombes du pays ont déployé le drapeau blanc pour appeler à la paix et à la sérénité. ONG, société civile, politiciens, ulémas et imams, prêtres et évêques et familles religieuses et autres démocrates pacifistes ont élevé la voix soit pour condamner hypocritement le casus belli C-25, soit pour prier pour une élection calme. Le Sénégal est un pays dont la première richesse est l’hypocrisie. Ainsi la démagogie et la tartufferie ont encore de beaux jours devant elles.

Pourquoi soudain, de pseudo-pontifes se lèvent simultanément pour conjurer la paix alors qu’ils ont leur très grande part de responsabilité dans ce qui trouble ce pays ? Que vaut la parole des imams et ulémas qui ont fait allégeance au souverain Sall et le soutiennent pour sa réélection ? A l’occasion de l’atelier de partage du bilan de la mise en œuvre du PSE tenu le mardi 27 novembre 2018 à Fatick, voilà ce que les imams et ulémas de Bennoo Bokk Yaakaar disaient sans vergogne : « Macky Sall est un homme sociable qui a beaucoup fait pour les foyers religieux. Ses réalisations sont visibles partout. Nous sommes reconnaissants pour tout ce qu’il a fait pour les différents foyers religieux du pays.  C’est son devoir, mais il pouvait faire comme ses prédécesseurs. Macky Sall est le président des imams du Sénégal… Le Sénégal ne cesse de progresser. Nous prions pour Macky Sall afin qu’il sorte victorieux de la présidentielle de 2019 et on a bon espoir qu’il gagnera, car il n’a pas d’égal sur la liste des prétendants au fauteuil présidentiel… Macky Sall mérite d’être réélu et il a notre soutien, car le monde rural est bien pris en compte dans sa politique. On n’entend plus parler de bons impayés et, malgré les difficultés, les productions des paysans sont écoulées. En plus, les bourses sociales font énormément de biens aux bénéficiaires ». 

Discours ne peut être plus faux que celui des imams de Macky. Dire que le monde rural, qui peine à écouler ses stocks d’arachides, est pris en compte par le président dans sa politique relève simplement de l’ignorance ou de la pure démagogie. Dire qu’il n’y a plus de bons impayés prouve que ces imams qui roulent carrosse et se calfeutrent dans des mosquées ou centres islamiques douillettement climatisés, sont loin de la chaude réalité du monde rural. Allez demander aux paysans du Saloum et du Ndoucoumane qui disent que ce sont plus des bons mais des carnets entiers de bons qui sont impayés. Certes ces imams peuvent jouer de la cithare pour plaire au Prince mais il est de leur devoir de dire la vérité en méditant sur la sourate 9 « le Repentir », verset 119 qui dit : « Ô vous qui croyez ! Craignez Dieu et soyez avec les véridiques. » Mais la plaie du Sénégal, c’est de consacrer la flagornerie mensongère plutôt que de dire la vérité nue à sa Majesté.

Où étaient ces imams quand le régime actuel zigouillait les étudiants Bassirou Faye et Fallou Sène ? Où étaient ces imams tartuffes quand le rythme endiablé des tams-tams accompagné de « Mbarass » noyait la « salat » lors de l’inauguration de la mosquée de Guédiawaye ? Satan devait être ravi ce jour-là pour avoir ravi la vedette aux hommes de Dieu. N’est-ce pas ces mêmes imams, ulémas et familles religieuses qui ont été reçus un vendredi 19 aout 2011 au palais de la République par l’alors président Abdoulaye Wade pour partager un « Ndogou » sucré de 50 Millions FCFA ? Où était ces soi-disant hommes de Dieu quand le pouvoir qu’ils soutiennent aujourd’hui exerçait toute une violence politico-juridique sur Khalifa Sall et Karim Wade au point de leur priver de libertés de mouvement et d’exercice d’un droit civique et politique fondamental qui est celui de se présenter à une compétition électorale démocratique ? Ont-ils une seule fois dénoncé la série des arrestations dont le PDS est victime depuis 2012 ? Ces religieux combattent-ils le « bon combat » comme le disait saint Paul ? Que nenni ! Ils ont opté pour le mauvais qui est celui de tourner toujours le dos à la masse populaire en souffrance, laquelle n’a pas le privilège de bénéficier des libéralités présidentielles. « La paix est œuvre de justice », dit le prophète Isaïe, et il est normal, quand on refuse ce combat pour la justice, que cette paix factice nous saute en pleine figure. Il est avéré qu’au Sénégal, on ne veut pas la paix qu’on fait, qu’on construit, mais celle qu’on nous fiche. Peu importe au prix de quelles dévastations, de dégâts collatéraux et de conséquences désastreuses. La « nuée qui porte l’orage » dont parle Jean Jaurès plane au-dessus du Sénégal en dépit de la politique de l’autruche que mènent Ismaïla Madior Fall et Oumar Youm.

C’est ici le lieu de saluer l’Abbé Thiaw qui disait dans l’émission Jarkarlo du 25 janvier que « l’Eglise préfère toujours se mettre du côté du peuple ». Il en a toujours été ainsi de l’Eglise catholique. Le cardinal Hyacinthe Thiandoum s’est battu contre le président Léopold Sédar Senghor quand il a arbitrairement incarcéré le président du Conseil gouvernemental Mamadou Dia. Il a été aussi un acteur central dans l’alternance de 2000 puisqu’il a exhorté Moustapha Niasse à créé ce parti AFP qui atrophia le PS d’Abdou Diouf. Lors du vote de la loi sur le parrainage, seul le chef de l’Eglise sénégalaise Benjamin Ndiaye avait remis en cause une telle initiative liberticide au moment où les guides religieux musulmans le cautionnaient par leur lâche mutisme. En 2011, lors de la manifestation du 23 juin, seuls les guides des familles de Léona Niassène et de Serigne Abass Sall avaient osé manifestement demander au président de la République de surseoir à sa candidature, laquelle était à l’origine de toute la flambée de violence mortifère. Tous les autres marabouts avaient demandé en vain à leurs talibés de ne pas participer au rassemblement des forces citoyennes et démocratiques qui combattaient la dévolution monarchique. Mais ce n’était pas une affaire de talibés mais de citoyens épris de justice et de démocratie.

Aujourd’hui, tous ces pseudo-guides religieux qui délivrent des messages de paix, maquillant un soutien électoral à Macky l’ont fait pour Abdou Diouf en 2000 et pour Abdoulaye Wade en 2012. Leurs prières, incantations et divinations sont inopérantes devant la volonté de changement du peuple.

sgueye@seneplus.com







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