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L’opposition, PiÈge A Cons ?

Au rythme où vont les transhumances partisanes, cette question mise en exergue dans s’impose inévitablement à notre esprit qui semble ne jamais pouvoir s’habituer à cette routine de la reconversion partisane. Cette question pourrait cesser d’être une interrogation pour devenir une conviction chez tous ces transhumants qui sont à l’origine de la désaffection et de l’apathie des citoyens par rapport à la politique. Et l’on se demande qui sera le prochain (ou la prochaine), qui se réclamait hier, être lointain d’une telle pratique assimilée à la bestialité, et qui se retrouvera, comme par enchantement, dans une promiscuité avec l’objet précédemment méprisé. Une question s’impose : et si ces transhumants avaient fini par comprendre, par réalisme, par expérience et par mépris du peuple, cette vérité inavouable : que l’opposition n’est en réalité qu’un piège à cons. Qu’il n’y a plus d’alternance à tenter ni d’alternative à envisager. Il y a donc lieu de s’interroger pour mieux nous démarquer d’une telle éventualité.

Il semblerait que de guerre lasse, déçus de ne pas voir les masses populaires entendre leurs plaidoyers pour le changement et adhérer à leurs causes, certains opposants aient fini par se laisser convaincre par une telle conclusion : que ça ne sert à rien de s’opposer éternellement ; qu’il est inutile de se battre pour des populations qui n’en valent pas la peine ; qu’il n’est pas nécessaire de sacrifier son argent, son temps, son intimité, son honneur, son sommeil, ses week-ends, sa vie privée, son souffle, son carburant, ses congés et sa solitude pour des citoyens passifs, qui n’en valent pas la peine.

Il semblerait que de guerre lasse, ils aient soulevé cette question avant de s’abreuver dans la transhumance : Pourquoi continuer à défendre des populations qui ont sanctionné Mamadou Dia, déconsidéré Cheikh Anta Diop, oublié Valdiodio Ndiaye, trahi Lamine Gueye, ignoré Ibrahima Fall, oublié Omar Blondin Diop et tous les autres dignes et grands hommes et femmes de bien de ce pays, en leur préférant les individus les plus mauvais et retors ? Pourquoi continuer à plaider la cause des populations passives qui, non contentes d’être dans la servitude volontaire, se montrent plus aptes à aller assister à des cérémonies folkloriques et récréatives du larron qui les exploite, plus promptes à soutenir le receleur de leurs espérances trahies, leurs conditions de vie misérables, qu’à s’investir pour leur patrie sans contrepartie illusoire. Car, dès qu’on leur propose quelques billets, un tee-shirt, une casquette, un bout de tissu – c’est à dire rien – elles sacrifient leur dignité à ces futilités.

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La triste réalité est que nous ne sommes pas dans un pays uniquement malade de ses dirigeants. Nous sommes aussi et surtout dans un pays également profondément malade de son peuple incapable de se hisser à la hauteur d’une citoyenneté productrice de changements positifs du fait de sa vigilance volatile et de sa maturité versatile, quoi qu’on en dise. La maturité du peuple reste un éloge diplomatique, voire un narcissisme identitaire à valider scientifiquement. Le peuple est-il réellement à la hauteur du destin qu’il pourrait offrir au Sénégal – ce grand corps électoralement, économiquement, socialement, culturellement et politiquement malade – pour lui garantir le rayonnement qu’il mérite tant. Ce beau pays souffre de la laideur que lui infligent au quotidien ses dirigeants, comme nombre de ses habitants habités, comme par envoûtement ou hypnose, par une indiscipline chronique voire congénitale. Le respect, la discipline et la propreté rendraient ce pays agréable pour ses populations et ses hôtes étrangers. Et à ce titre, l’une des priorités prioritairement prioritaires pour ce pays, serait d’interdire, l’importation des véhicules diesel, comme s’y prennent l’Europe et l’Amérique pour réduire la pollution atmosphérique et sauver des vies humaines.

Dans ces conditions se disent certains opposants quel intérêt de continuer à défendre l’indéfendable et à se battre pour rien. Autant oublier ses idéaux, faire preuve de réalisme et rejoindre la majorité qui vous permet ou vous promet de sortir de votre condition difficile d’opposant. Faire preuve d’indiscipline éthique, morale, sociale et politique comme le peuple devient la règle du jeu de dupes.

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Puisque représenter c’est ressembler à, le peuple semble se résigner à cette fatalité : autant donc ressembler à ces politiciens, quitte à prendre la mauvaise direction politicienne, comme l’ont fait tous ces transhumants que vous connaissez et que vous méprisez tant et qui ressemblent tellement au peuple. La solution réside donc dans la capacité politique du peuple à imiter les politiciens en transhumant comme eux, de telle sorte à prendre le contre-pied. Vive donc la transhumance citoyenne.

En effet, il est difficile de revêtir dans ce pays le manteau de l’idéalisme et de la vertu politique, car dès l’instant que vous avez des ambitions politiques, certains se rapprochent de vous pour non pas vous soutenir, mais pour vous subtiliser de l’argent ; quémander ; tenter d’arnaquer ; faire chanter. Il devient difficile, mais pas impossible d’entretenir cette clientèle politique sans caisse noire ni fonds secrets comme le pratiquent les dirigeants au pouvoir. Dans les coulisses de l’opposition s’activent, malgré tout, les chasseurs de primes. Ils vous promettent le matin ce qu’ils vont, le soir, brader à l’adversaire politique qu’ils juraient haïr plus que tout au monde. Ils vous vendent les mêmes parrainages qu’ils ont bradé à l’adversaire politique. La tentation devient dès lors grande d’abdiquer devant la facilité des opportunités offertes par le pouvoir et la faculté des militants déclarés de trahir foncièrement les convictions intimes, dès que l’opportunité se présente. Et le candidat sortant fort de son trésor de campagne et de sa caisse noire sait les piquer au vif, les anesthésier électoralement et les euthanasier politiquement, pour qu’ils ressuscitent à ses côtés.

Ce n’est pourtant pas une raison pour renoncer à sa dignité d’opposant ; pour sacrifier ses convictions ; pour défendre avec force aujourd’hui ce qu’on a fortement critiquer hier. On entre en politique, non pas pour profiter d’un poste, mais pour faire avancer des idées positives et constructives utiles à la patrie et dans la mesure du possible et en dernier lieu, participer concrètement à servir ses compatriotes, sans abuser financièrement, ni matériellement, ni symboliquement d’une telle situation de leadership. Encore faut-il savoir incarner le leadership responsable, citoyen, patriotique et désintéressé ?

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Malheureusement, l’histoire de la vie politique au Sénégal donne raison aux réalistes sans vertus, sans scrupules et sans dignité. Ils continuent encore de gagner et d’être préférés aux idéalistes intègres, honnêtes, sincères qui, pour rien au monde, n’accepteraient de se compromettre devant l’éphémère caractéristique du pouvoir politique de ces mortels qui les incitent à renoncer à être dignes et fiers de se battre politiquement pour le triomphe des causes nobles. Ils rendent, en se déclarant candidats, le jeu électoral illisible. Ils polluent le champ politique. Les experts les plus aguerris n’y comprennent plus rien, tellement les indices sont, de manière contradictoire, peu concordants et forts compromettants.

L’opposition n’est pas un piège à cons. Elle l’est pour ceux qui pensent que les citoyens sont des cons à piéger par des alibis d’une légèreté déconcertante pour maquiller leur lâcheté. S’opposer c’est se respecter d’abord ; ensuite respecter ceux que vous prétendez vouloir diriger en leur tenant un discours de vérité, quitte à ne jamais être élu. L’ambition ne doit pas être un obstacle à la vérité. L’opposition doit être une fenêtre sur la vérité. Ce qui exclut toute compromission qui conduit à passer par la petite porte de la transhumance. Les petits types et les grands lâches peuvent aujourd’hui s’accroupir et se servir devant ce qu’ils ont vomi hier, après avoir tenté toutes les contorsions éthiques possibles et inimaginables. Les grandes personnalités fortes de leur dignité ne peuvent pas emprunter ces chemins de la tortuosité politique. Ils restent dignes et debout devant toutes les épreuves. C’est une preuve de fiabilité politique et de rigidité éthique. Et un jour, ça peut payer.

Ibrahima Silla est président du Mouvement Lénène ak Niénène, membre du Directoire de Fippu







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