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Ni HÉbergement, Ni Repas, Ni Transports Aux Reporters

Ni HÉbergement, Ni Repas, Ni Transports Aux Reporters

On en est encore là ; à demander – ou à se demander – si un candidat à une élection et en campagne électorale doit prendre en charge (hébergement, restauration, transport et éventuelles gratifications) à des journalistes couvrant son périple. Non, à notre avis. Aujourd’hui, comme hier – et il devrait en être de même demain – un homme politique en tournée électorale ne doit, n’a du et ne devra rien à un journaliste. Ce dernier est dans la caravane du politicien parce qu’il est à la recherche de l’information, une tâche pour laquelle sa rédaction le paye. Une tâche aussi ordinaire que toutes les autres que le journaliste accomplit sans attendre autre chose qu’obtenir l’information exacte et intéressante et dont la publication ou la diffusion profitera à l’organe de presse qui envoie le reporter. Dans cette mission, le journaliste n’a même pas à bénéficier de l’offre de transport de l’homme politique ou de son équipe politique ou de communication. 

Dans ce cas d’espèce, l’éventualité est que l’homme politique et son équipe ayant offert des avantages au reporter se sentent la légitimité et le droit de lui demander des comptes ou de lui faire des réprimandes si n’est pas à leur goût un aspect du traitement de l’information – sur le candidat – par le journaliste. Et il est édifiant le témoignage de notre consœur Anne-Marie Fall qui, intervenant dans le débat lancé sur sa page Facebook par le journaliste Malick Bâ, ancien présentateur-vedette du journal sur Walf Fm puis la Rfm avant de se reconvertir conseiller en communication de la Direction du Trésor public, écrit : « A la présidentielle de 2000, lorsque j’ai conduit les équipes de presse qui accompagnaient mon candidat, personnellement, je n’ai empêché aucun reporter de faire son travail correctement. Et je pense que les dispositions que j’avais prises avaient beaucoup facilité la tâche aux confrères. Il s’agissait juste de les transporter et de les héberger dans les meilleures conditions. Nous partagions TOUT. Il arrive cependant que des reporters affectés à un candidat veuillent aller voir ce qui se passe ailleurs. Ce n’est point éthique. J’ai eu un souci avec l’un d’eux qui s’était absenté lors de notre meeting et qui a osé rédiger un papier très « réducteur » sur mon candidat. Je ne me suis pas gênée pour le lui faire savoir et j’ai appelé ses supérieurs pour me plaindre. »

A l’initiative du journaliste Malick Bâ, sur Facebook, le débat a fait rage sur  le réseau social Facebook. Malick Bâ, a eu l’expérience désagréable et éreintante de la couverture d’une campagne électorale pour la présidentielle de 2007, loin des facilités offertes aux journalistes par le candidat en tournée électorale. « En 2007, se rappelle Bâ, quand on m’a chargé de suivre le candidat Idrissa Seck. Il arrivait à des reporters d’exiger des choses qu’ils n’auraient pas songé à demander à leur employeur. A Thiès, nous étions tellement frustrés (Jacques Ngor Sarr du « Populaire » et moi) du comportement de certains confrères que nous avons préféré rentrer à Dakar à bord d’un camion. »

Pour la gouverne de ces reporters embarqués, les « embeddeds », qui demandent des faveurs et un traitement presque princier, il faut rappeler avec insistance que le journaliste en reportage loin de chez lui et de sa rédaction, n’a pas à s’attendre à être logé dans un palace ni à se faire servir des plats de roi. La mise en garde du journaliste Moriba Magassouba intervenant dans ce débat est sans équivoque : « Accepter ce genre de pratiques, c’est en quelque sorte cautionner l’achat de conscience du journaliste ! Ça commence par une prise en charge et cela se termine par une enveloppe ! Pour une question d’éthique aucun journaliste digne de ce nom ne devrait cautionner de telles pratiques même si elles sont courantes ! Mais quand un « journal » envoie un reporter sans lui donner les moyens de faire correctement son boulot ne l’expose-t-il pas à la corruption !? »

Notre avis va dans le même sens, à savoir qu’aucune rédaction ne devrait, d’ailleurs, accepter que son reporter soit pris en charge par un politicien. Certes, le candidat en campagne trouve un intérêt à être « couvert » par des reporters, mais l’organe de presse a, lui, intérêt à couvrir un candidat parce qu’il est à la recherche d’une information qui pourrait faire la notoriété et la crédibilité de son journal.

Pour la couverture de la campagne électorale pour la présidentielle de février 1993, Wal Fadjri avait mis en œuvre un concept de couverture efficace et, faisant éviter les risques de dépendance et connivences. Ainsi, plutôt que de mettre un journaliste derrière chaque candidat, la rédaction avait choisi une couverture par thème et par zone. Ainsi, le reporter se rendait dans une zone et y attendait et couvrait tout candidat qui y passait par là. En plus de cela, il choisissait des sujets spécifiques à sa zone de couverture. Votre serviteur avait été  envoyé dans la région de Kaolack.

Trois semaines dans la caravane d’un home politique ne laissent pas forcément le journaliste indemne de toute connivence, de toute sympathie, de toutes accointances qui pourraient se poursuivre bien après la campagne électorale. La seule conduite qui prémunisse contre ces phénomènes sont une force de caractère et cette « boussole conceptuelle » qu’offrent l’éthique et la déontologie, le sens des responsabilités. Et l’organe de presse y joue son rôle en mettant son reporter à l’abri du besoin et des générosités qui créent des connivences.

Il est arrivé, par le passé, que la presse sénégalaise ait perçu de l’État une subvention au titre de sa couverture d’une campagne électorale. De tels fonds n’ont pas toujours été utilisés par les allocataires de manière transparente et dans l’intérêt de l’organe de presse et des journalistes.







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