Prendre le pouvoir dans les mains de Macky Sall pour le mettre dans celles d’Idrissa Seck, est-ce là la consécration d’un authentique changement ? C’est une des questions que les Sénégalais devront impérativement trancher avant de glisser dans l’urne le bulletin du candidat de la coalition Idy2019, le 24 février prochain. Passer de Macky Sall à Idrissa Seck équivaut à ce que le philosophe français, Jean Claude Michéa, appelle « l’alternance unique » : le pareil qui succède au même tout en se donnant les apparences du changement. Idrissa Seck est le calque de Macky Sall. Tous les deux sont les parfaits représentants de ces caciques de la vie politique sénégalaise qui ont conduit le pays dans les gouffres du sous-développement dans lequel il se trouve. Ils sont les représentants organiques de ce système dont les Sénégalais ne veulent plus. Il n’y a qu’à regarder la composition des deux coalitions pour se faire une idée de leur gémellité. Les deux ont réuni toute la classe politique traditionnelle en ce qu’elle a de pire : si Macky Sall a recyclé les vieux routiers de la politique et la clique des opportunistes et autres arrivistes, on peut dire qu’Idrissa Seck a coalisé autour de lui les mécontents et les aigris, qui à un moment ont été des parties intégrantes du système, qui se sont nourris de prébendes, avant de connaître la disgrâce. En se rangeant tous derrière l’ancien Premier ministre par un fin calcul intéressé, ces hommes politiques ont montré qu’ils n’étaient pas mus par la consécration de la rupture radicale à laquelle aspire le peuple mais bien au contraire à la restauration de leurs privilèges perdus.
En outre la personnalité d’Idrissa Seck, son parcours, nous dirions même son passif, laissent planer d’énormes doutes sur ses capacités à conduire les destinées du Sénégal. Se considérant lui-même comme un personnage rusé, Ndamal Kadior, comme on le surnomme, pense sans doute que les Sénégalais sont amnésiques, et ne se souviennent pas de ces pantalonnades, reniements et autres déclarations à l’emporte-pièce. Non, les Sénégalais n’ont pas oublié l’affaire des chantiers de Thiès, qui, quoi qu’on en dise ont révélé aux yeux du monde entier le peu de moralité du personnage dans la gestion des deniers publics. Les Sénégalais n’ont pas oublié non plus sa déloyauté envers son mentor, l’ex Président Wade, qu’il enregistrait à son insu pour mieux pouvoir le nuire. On vous fera l’économie de ses déclarations incendiaires prononcés dans des foyers religieux ou de ses propos malencontreux sur « Baka et Maca ». Personnage mystérieux, Idrissa Seck ressemble à bien des égards à ce personnage de bande dessinée française, qui n’avait qu’une seule obsession : « devenir Calife à la place du Calife ». Et pour y parvenir, faisons l’économie des principes, au diable les convictions, seul compte l’atteinte du but, la fin justifiant les moyens. Telle aura été la ligne directrice d’Idy tout au long de son parcours politique. Avec tout ça, comment croire au changement ?
La configuration de cette élection présidentielle sénégalaise offre enfin l’occasion de donner un coup de balai à toute la vieille classe politique sénégalaise réunie dans Benno Bok Yakaar et la coalition Idy2019. L’occasion est, enfin, donnée aux Sénégalais d’entamer un véritable changement de cap. Ce renouveau ne saurait s’effectuer en confiant les rênes du gouvernail à ce que le système politique a engendré de pire. Ce dont le Sénégal a besoin c’est d’un souffle nouveau, d’un changement de paradigme, d’un nouveau cap. Finissons en une bonne fois pour toutes avec cette classe politique discréditée, ces élites qui se perpétuent et qui font semblant de s’affronter dans ce qui apparaît de plus en plus comme “des fausses luttes spectaculaires des formes rivales du pouvoir séparé”, comme disait Guy Debord.
Ne soyez pas dupes, Sénégalais, et optez pour le véritable changement car vous savez très bien qu’on ne se réinvente pas à 65 ans.