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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Des Évolutions Socialiste Et Liberale À L’Émergence

#Enjeux2019En 2018, notre association la PAALAE (Association  Panafricaine pour l’Alphabétisation et la Formation des Adultes)  a consacré sa semaine annuelle pour la  Formation et la Solidarité à l’Education à l’économie. Ce fut un prétexte pour  présenter par vision conférence,  streaming en version bilingue (français – wolof) à nos partenaires,  membres, sympathisants, jeunes et adultes : « Les fondements économiques et culturels d’un Etat Fédéral  d’Afrique Noire «  du grand intellectuel Cheikh Anta Diop. La traduction en wolof ayant été réalisée par son frère, Mustafaa Jóob, sous le titre : » Yi laltaay koom koom  ak aada yi, ci Yaatal dunub Afrik gu ňuul »

– Du fédéralisme au nationalisme –

Nous avons  tenu à mettre à la disposition du traducteur un autre texte sur l’élaboration du budget national produit par son ami, le doyen Aall Kane, un des premiers militants et dirigeants du Parti Africain pour l’Indépendance (PAI) et expert dans les domaines fonciers et fiscaux. L’objectif visé était de permettre d’échanger à la fois sur les questions théoriques et pratiques en matière d’économie politique.

Rappelons au passage les articulations du texte de C. A. Diop, il y a une introduction, le premier chapitre de la première partie est consacré à l’origine et l’histoire du monde noir, le deuxième à l’unité linguistique, le troisième à l’unité politique, le quatrième à la situation privilégiée de l’Afrique Occidentale, le chapitre V à la nouvelle stratégie, le chapitre VI au  bicaméralisme.

La 2e partie à l’industrialisation de l’Afrique noire en tenant compte des ressources agricoles, minières, énergétiques, aux particularités des sous régions sans oublier les défis nouveaux (reboisement, infrastructures, transports, formation des cadres, des fonds d’investissements, de la recherche scientifique, pôles d’excellence). L’ouvrage se termine par des conclusions pratiques (sur les plans culturels, politiques et institutionnels, socio-économiques, sanitaires, éducationnels, etc. A travers ce programme on sent les idées, forces de l’intellectuel et de l’homme politique systématisées suite à son parcours  au sein des Etudiants du Rassemblement Démocratique Africain (RDA).

On sait ce qu’il est advenu des projets fédéraux en Afrique  dans les années 50 et 60

L’auteur n’a jamais renoncé à ses idées, même s’il s’est rabattu, en fin de compte, jusqu’à sa disparition physique (1986) plus dans son engagement dans le Rassemblement  National Démocratique.

A la fin de l’exercice auquel ont participé des camarades africains et altermondialistes (surtout italiens) nous avions émis le souhait que ce type d’exercice soit fait sur l’œuvre de K. Nkrumah et sur l’agenda 2063 de l’Union Africaine, car nous sommes conscients que le grand défi auquel les intellectuels africains sont confrontés est d’assurer le dialogue  fécond avec les populations africaines dans leurs langues : comme nous l’avions souligné dans un de nos texte : «  les programmes éducationnels au niveau du secteur formel comme non formel », les questions de l’unité nationale et africaine doivent trouver une place  de choix (B. Diop, Propos d’un Africain sur l’antiquité, 2014, p. 325).

Cheikh Anta Diop a inspiré des générations d’intellectuels. Ainsi l’Association des Chercheurs Sénégalais  lui a rendu hommage mérité en publiant le  Forum qu’elle a organisé sur l’intégration africaine. Ainsi le professeur Makhtar Diouf a souligné que : «  l’œuvre de Cheikh Anta Diop est un  plaidoyer pour l’unité de l’Afrique ». Dans ce domaine, il fait véritablement figure de pionnier dans le monde francophone, le mouvement panafricaniste né dans la diaspora, au début du siècle (le XXe), est resté pour l’essentiel limité à la partie anglophone du continent avec le leader ghanéen Kwame Nkrumah « (cf le chercheur n°1, 1990).

Dans cette contribution remarquable, le Pr Makhtar Diouf revient sur le texte des Fondements et passa en revue les points forts et petites faiblesses    qu’il convient  de corriger pour avancer. Il est convaincu que C. Anta est un pionnier incontestable : «  il a été le premier à poser l’intégration comme condition sine qua non du développement de l’Afrique, … ». Il préconisait de faire une expérience test à partir de l’Afrique de l’Ouest ». (op. cit. p.100). Le Pr Moustapha Kassé dans son ouvrage Intégration et Partenariat en Afrique, de l’UMOA au NEPAD, le plan OMEGA, (édition Silex, Nouvelles du Sud, 2003) souligne que « L’Afrique doit s’unir » pour survivre reprenant ainsi le titre de l’ouvrage du Dr Kwame Nkrumah  daté de 1950 » (op. cit. p.14)

A LIRE  LA CEDEAO, LE NOUVEAU GROUPE DE BRAZZAVILLE ?

Notre camarade Demba Moussa Dembélé a publié en 2015 une « contribution  à la déconstruction des théories conventionnelles sur le développement de l’Afrique (Samir Amin, Tendika Nkadawire, Dani Wadede Nabudere, Walter Rodney, Yash Tandon), Paris, Harmattan. Lors de la présentation de l’excellent travail, j’avais exprimé le souhait de plus longs développements sur Samir Amin Egypto-franco-sénégalais qui passe la majeure partie de sa vie au Sénégal et sur ses relations avec les leaders politiques et/ou intellectuels chercheurs avec Léopold Sédar Senghor, Abdoulaye Wade, Amadi Aly Dieng, Abdoulaye Bathily, Makhtar Diouf, Amath Dansokho, Pathé Diagne, René Dumont, etc.

Notre ami Dembus, animateur des Samedis de l’Economie à Dakar, a consacré le volume II des Actes aux articulations épistémologiques socio culturelles, politiques, monétaires, industrielles, avec une prise de compte des ressources naturelles, avec une ouverture sur le reste du monde.

L’occasion a été donnée au Pr Kassé de se prononcer sur « L’émergence : le Sénégal sortira alors de la crise des territoires en leur octroyant des nouvelles vocations et des projets. L’édification projetée, à l’horizon  2017, d’un pays émergent sers une illusion sans une politique industrielle robuste et audacieuse conduite par l’Etat actif et réactif en partenariat avec le secteur privé organiquement associé à sa réalisation et à sa gestion (op. cit. p.40)

– Du local au global –

Un autre grand défi est donc d’écrire les humanités à partir de l’Afrique (Felwin Sarr) et de penser le monde à partir de l’Afrique (Achille Mbembe). Il faut lire « Ecrire l’Afrique », Monde,  Philippe Rey, Jimsaan, 2017 ; actes des Ateliers de la Pensée, du 28 au 31 Octobre 2016 à Saint-Louis où l’Institut des Etudes Avancées lancé par le Pr Babacar Fall, a permis le 3 Décembre 2018 au philosophe Djibril Samb de développer le thème  « Saint-Louis du Sénégal, lieu d’excellence pour penser l’Afrique et le Monde »

Le groupe Initiative Afrique est d’avis que «  pour traiter les grands problèmes qui se posent aux pays africains, en matière de sécurité mais aussi, d’éducation, de santé, d’infrastructures, de transport, etc., l’échelon national est de moins en moins pertinent. C’est encore plus vrai pour le développement d’entreprises locales de transformation comme l’agro-industrie notamment, qui offre les meilleures perspectives de création d’emplois pour la jeunesse. Le niveau régional apparait même comme le seul réaliste pour parvenir à une véritable émergence ».

Il faut un changement de modèle économique en supprimant les rentes, encourager la créativité, faciliter les échanges et développer le marché endogène. Il faut régler les urgences sécuritaires environnementales, culturelles, sociales et éducatives.

Cinq mesures sont préconisées :

  • simplifier l’architecture de l’intégration ;
  • développer une vision stratégique endogène et réaliste ;
  • favoriser une appropriation démocratique de cette stratégie
  • poursuivre un objectif de justice sociale et de solidarité
  • assurer la crédibilité de l’institution régionale  par trois exigences (qualité des ressources humaines, le leadership des compétences reconnu, marketing des actions menées) (groupe initiative Afrique Intégration ou désintégration, Harmattan, Côte d’Ivoire)

Des intellectuels chercheurs experts et militants africains ont produit un rapport alternatif sur l’Afrique, un rapport produit pour l’Afrique et par l’Afrique (numéro 0 publié en 2018) et ont délimité cinq axes :

  • l’Afrique dans l’abstraction conceptuelle aux réalités diverses
  • pensées africaines : d’hier à aujourd’hui ;
  • pouvoirs et légitimité : quelles articulations alternatives en Afriques ?
  • Souveraineté transformationnelles et facteurs souhaitables : quelle Afrique en devenir ?
  • Mesures, indicateurs, indices : Quelles alternatives

L’indice de Mesure du Progrès Africain est à diffuser, à améliorer, à mettre en œuvre.

En attendant au Sénégal, le gouvernement du président Macky en est à la réflexion pour une phase II (améliorée ou rectifiée en articulation avec le Plan Sénégal Emergent (PSE))

A quelques encablures de la présidentielle du 24 février 2019, l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie décèle les tares de l’économie (cf Walf du 5-6 janvier 2019, 13 bis p.5). Des intellectuels et experts continuent de démonter les mécanismes, arnaques et supercheries de la dette et de l’aide (Walf  déjà cité).

En attendant, au terme de leur 54e session ordinaire tenue le 22 décembre 2018, la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO a recommandé aux différentes parties prenantes du processus d’institution d’une monnaie unique, à finaliser les études d’impact de ce projet (Soleil du 26 Décembre 2018, p.10)

Le camp présidentiel vient de produire « sa réponse par l’action » éd. Harmattan 2019. Le déficit budgétaire est passé de 6,7 % en 2011 à 3, 7% en 2017, pendant que le budget lui-même est passé de moins 2 300 milliards en 2012 à plus de 3 200 milliards en 2017, soit une hausse de plus de 50% en 5 ans. La croissance  est actuellement parmi les plus importants  (cf Obs des 19 et 20 janvier 2019).

La plateforme des acteurs non étatiques a produit un rapport d’évaluation citoyenne de la mise en œuvre du plan Sénégal Emergent en novembre 2017. Elle a formulé des recommandations pertinentes :

  • Au titre de la transformation structurelle de l’économie
  • Au titre du développement  du capital humain
  • Au titre de la gouvernance

 – Qui croire ? –

En tout cas dans le classement de l’Institut de l’Emergence coordonné par Moubarak Lo, le Sénégal occupe le 12e rang sur 45 pays en Afrique en 2016. Il se classe dans la catégorie des pays potentiellement émergents. Notre compatriote expert et politique averti, en bon njaambur njaambur, donc d’une grande finesse, s’est prononcé sur les articulations entre la politique et l’économie. Le bilan du président Diouf, disons-le sur le plan analytique, n’était pas mauvais. Il était même assez bon », l’expert souligne : l’interaction entre bilan, perspectives et le jeu des autres acteurs (cf Walf des 19 et 20 janvier 2019, p.2)

 – La piste des Assises Nationales –

Les Assises Nationales (2008-2009) ont eu l’intelligence d’articuler la gouvernance économique et environnementale, le rôle de la diaspora organisée au développement économique, la politique extérieure et l’intégration africaine. Les candidats à l’élection présidentielle devraient se prononcer sur les bilans, tracer des perspectives pour les transitions nécessaires

Pour terminer rappelons que 2018 a été une année de commémoration des évènements de Mai 68, révolution sociale non achevée, dont certains ferments ont été trouvés dans la crise à la tête de l’Etat en 1962 (victoire du socialisme poétique à la senghorienne sur le socialisme autogestionnaire diayiste) et dont les prolongements se sont fait sentir lors des affrontements socio politiques de 1988, un moment du long duel entre Diouf et Wade. 1968, 1988, 2018, certains esprits éclairés soulèvent la fatalité du chiffre 8 dans l’histoire du Sénégal. Doit-on céder à l’irrationnel ou tout simplement reconnaitre que les cycles économiques  Kondratiev  (en moyenne 58 ans), Juglar (10 ans en moyenne), Kitchen (2 ans en moyenne), peuvent être appliqués au Sénégal ?

Les prochains bilans vont intégrer les bienfaits et/ou méfaits de l’exploitation du gaz, du pétrole du zircon, ressources signalées depuis le premier gouvernement du Sénégal indépendant  par le président Dia en 1960. Que de retard et de tournants manqués !

Mohamed Dia expert financier basé aux USA est d’avis que « Le Sénégal n’est pas à l’abri d’une banqueroute financière. Il a jugé le bilan économique des sept ans du régime décevant avec une note de 8 sur 20, mettant en cause l’inachèvement de la première phase du Plan Sénégal Emergent (PSE), conformément à l’engagement du président Macky Sall ». L’expert financier a prédit une rentrée en récession de l’économie durant la période 2019-2024, tout cela dû à un niveau d’endettement à la perception de l’instrumentalisation de la justice. Comme la première phase du PSE n’est pas achevée, la seconde ne viendra pas. Ainsi les investisseurs  privés nationaux et étrangers ne viendront pas. Le train express régional (TER), les dépenses somptueuses et même le taux de croissance de 7,11%  de croissance  dont on nous parle et qui ne va jamais franchir la barre des deux chiffres parce que tout cela résulte des investissements en infrastructures, des milliards que nous avons enterrés. « Et si les investissements ne viennent pas, c’est la chute libre qui va arriver durant période entre 2019 à 2024, la récession va s’installer » (Sud quotidien n°7706 du 28 Janvier 2019, p.2)

De son côté le Premier ministre Mahamed Boun Abdallah Dionne lors de la clôture de la 3e conférence Internationale sur l’Emergence, tenue les 17, 18 et 19 Janvier 2019 à Dakar, a souligné que le référentiel de la politique économique et sociale du Sénégal à l’horizon 2035, articulé  autour du PSE sur le moyen et long terme, est bon.

« Nous sommes partis d’une économie reposant sur le secteur primaire pour en faire une économie avancée émergente, mais dans la durabilité ». Il a invité le secteur privé national et international à prendre le relais dans les grands projets structurants » (Sud quotidien du 21 Janvier 2019, p.10)

En tout état de cause, les historiens adeptes de la longue durée savent que l’asynchronisme est un phénomène observable et observé : les rythmes de l’économie, de la politique et de la culture ne sont pas synchrones.

Le Sénégal est-il prêt pour le « bokkisme » (démocratie participative et redistributive) et le tabaxandoo (construire ensemble) ? Si oui, ce sera la voie ouverte pour la solidarité véritable, la paix et le développement durables. Bien entendu, il faudra tenir compte des bilans et recommandations élaborés au sein de la CEDEAO, de l’Union Africaine, des Nations Unies  et prêter particulièrement attention aux expériences de triangulation réussies  dans les zones  frontalières en matière d’industrialisation (ONUDI), d’éducation  et de sciences et cultures (UNESCO), de développement social (PNUD), sanitaire (OMS).

#Enjeux2019

Babacar Buuba Diop est universitaire, professeur titulaire de classe exceptionnelle en Histoire ancienne. Ancien médiateur à l’Ucad (1982 à 2016), il a coordonné le travail de la commission Gouvernance sociale des Assises Nationales Politiques, Economiques et Sociales. Il a été également Président de la Fédération de l’Education et de la Recherche (FEDER) et Vice-Président du Conseil International d’Education des Adultes (ICAE).

Tênk ci walaf

Koom koom ci Senegaal

Boolo bokk mbaa jiiroo, ku mën sa moroom daan ?

At mii nu génn, sunu mbootaay biy, yëngatu ci likkale njàngum mag ni ak gu gone yi, sumb na waxtaan ci xam xamu koom koom. Woo nan ci sunuy xarit ak amdi jàmm. Yakk nan tekki bi sunu mbokk Mustafaa Jóob def ci téere bi magam, Seex Anta Joob, bindoon, maanaam : » Yi laltaay koom koom ak aada , yi ci yaatal dunub Afrik gu nuul »

Fexe nan ba tekki keyit yi sunu mag Aala Kan bind ci bidse réew mi, maanaam gafaka réew mi, ni mu bindoo. Jarinoo itam gëstu yu bare yu doomii reew gëstu ci mbiri koom, ňu tudd Mustafaa Kase, Maxtar Juuf, Demba Muusaa Dembele. Reew mi ci Afrik la ne, te reewi Afrik,  yi kenn me nula demal boppam. Ni mosa jiite réew xam nan ko, am na lu nu def ngir bana wéet, waaye lu tax yokkute, màgg ak soppi bi nuy woote amagul.

Ci loolu la lawax yi wara  tontu, leeral nu nuy likkale, yëkëti gox yi, réew mi, indi seen keem kattan baAfrik siggi, taxaw temm, jëm kanam, faj aajo nit ni. Li am solo moodi mbokk tigi, tabaxandoo reew mi, ci jàmm ak caytu mu baax

Baabakar Jóob Buuba







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