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Comprendre La StratÉgie Du Chaos De Wade

Comprendre La StratÉgie Du Chaos De Wade

Le propos de Wade à quelques jours de la présidentielle est-il suffisamment précis pour être bien compris ? Si l’on analyse ce qui semble être l’intention, voici en peu de mots ce que Wade dit ou devrait clairement dire : « Faites tout pour empêcher le bon déroulement du scrutin mais si pour une raison ou une autre, vous devez voter, votez pour qui vous voulez sauf Macky et donnons-nous rendez-vous le 25 février pour empêcher le président sortant de gouverner après s’être immanquablement déclaré vainqueur au premier tour ».

Wade ne se positionne pas pour le 24 mais prépare plutôt la bataille du 25. Chaque fois que le rapport de force pré-électoral ne lui a pas été favorable, c’est la stratégie que Wade a utilisée : créons une tension suffisante pour avoir un momemtum post-électoral qui mettra le pouvoir en difficulté et l’obligera à négocier, à faire des concessions majeures qui peuvent aller jusqu’à faire participer l’opposition à un gouvernement d’union nationale ou un de ses dérivés, un gouvernement de majorité élargie.

Un épilogue de cette nature pourrait paver la voie pour une sortie de l’histoire du pionnier Abdoulaye Wade. Les cartes auront été rebattues et trois critères fondamentaux auront été réunis. Un, son fils est réhabilité (suite à une amnistie générale obtenue avant la mise en place d’un gouvernement de consensus). Deux, son parti, le PDS est toujours sur pied, fort, dominant voire toujours majoritaire. Trois, un horizon politique complètement ouvert est en place vers les prochaines législatives et pour 2024. 

C’est l’esprit serein, la conscience tranquille que le Pape du Sopi pourra alors définitivement tirer sa révérence. C’est là son ultime ambition.

Les convictions politiques de Wade quand il s’agit du rapport au pouvoir sont fondées sur un facteur unique : la force. La politique selon lui, c’est l’affrontement de deux forces : celle de l’Etat et celle de la rue.

Face à l’incapacité de son camp et de celui de Khalifa Sall à faire réagir la rue pour forcer leur destin de candidat présidentiel de ce dernier et de son fils, Wade considère que le contrôle de l’Etat par Macky est suffisamment effectif pour le maintenir aux affaires quel que soit du reste, les résultats réels du vote du 24 février.

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En d’autres termes, le postulat de départ de Wade, c’est la certitude d’une victoire de Macky au premier tour de l’élection présidentielle. Et c’est bien pour cela que toute sa stratégie consiste à préparer l’après élection et ainsi mettre en ordre de bataille, derrière lui, toute l’opposition à partir du 25 février.

Dans sa déclaration de Versailles du 4 février dernier, il a bien indiqué que sa stratégie comportait 3 phases. La première qui mène au jour de l’élection, la deuxième qui concerne le jour du scrutin et la troisième qui commencerait le jour d’après. En fait, dans cette stratégie de Wade, les étapes 1 et 2 sont préparatoires de la phase la plus importante qui elle commence le 25 février.

Afin de réussir cette troisième phase cruciale, Wade comprend qu’il lui faut absolument réunir 4 conditions :

– Rester et être reconnu comme le chef incontestable de l’opposition

– Rallier à sa cause et à son leadership tous les opposants : les recalés de la candidature ainsi que les candidats battus le 24 février

– Mobiliser la rue pour contester les élections

– Forcer le pouvoir à aller à une négociation qui aboutirait à une amnistie générale des acteurs politiques et éventuellement à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale qui seul pourrait garantir un minimum de stabilité dans le pays.

Ce n’est qu’au bout de cet ultime combat que Wade envisage de s’évanouir dans l’histoire.

L’irrationalité des principaux acteurs du champ politique sénégalais n’est pas celle de Wade. Contrairement à tous, sauf Macky peut-être, Wade réfléchit toujours avec une rationalité cartésienne. Bien loin de la réalité est cette idée que les hommes de sa génération et aussi de celle d’après avaient de lui, eux qui le présentaient comme une sorte de bouffon, d’amuseur public dont le narcissisme empêchait toute pensée rationnelle. Eux ont été laissés sur le bas-côté du jeu politique, tandis que lui a pu prendre le pouvoir et l’exercer pendant 12 ans avant de mettre sur orbite quelques-uns de ses disciples.

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L’homme n’est pas irrationnel. Même aujourd’hui cet homme presque centenaire a toute sa tête et réfléchit alors que le contexte peut favoriser l’agitation à courte vue. Wade a toujours une longueur d’avance. Il est temps, même pour ses critiques qui voient en lui le chantre de la mal-gouvernance, de lui reconnaître une capacité particulière à voir le monde tel qu’il est et non pas comme nous voudrions qu’il soit.

L’histoire n’est pas un regard sur le passé mais bel et bien un regard sur le présent et le futur. Le passé se regarde avec les yeux du présent et l’imagination du futur. Au présent comme au futur, Wade écrit le dernier chapitre de son livre. Et à tous ceux qui doutent de ses talents de virtuose de l’écriture, à tous ceux qui sont dubitatifs face à sa stratégie, il suggère d’attendre avec sérénité que la dernière phrase soit écrite.

Combien de fois n’a-t-on pas entendu dire que les élites sénégalaises n’ont pratiquement jamais de plan B. Cela n’est pas le cas pour le très cartésien Wade. Il a toujours un plan B, même s’il est toujours le même comme le disait en privé un leader panafricain. Son plan B est invariablement : le chaos !

Wade est même plus sophistiqué que cela. Au-delà d’un plan B, il a toujours le même plan C. Son plan C, c’est celui de la solution du moindre mal, celle du compromis basé sur les résultats du rapport de force créé ou non à partir du plan B.

Son plan A, c’était Karim. Le plan B, c’est l’empêchement, la stratégie du chaos qui va au-delà du 24 février. Et le plan C ce sera un compromis sur la base du rapport de force créé plus ou moins par le plan B. C’est ainsi que Wade a mené toutes ses batailles politiques depuis plus de quatre décennies.

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L’homme est beaucoup plus rationnel que ses critiques ne le pensent. Et en effet, comme le disait en privé un des principaux alliés de Khalifa Sall, il a toujours une longueur d’avance sur tous. Même ce voyage inopiné en Guinée est peut-être une indication qu’il prépare ardemment la transition vers son plan C. Le président Alpha Conté avait déjà demandé au président Wade de passer le voir avant même son retour à Dakar. Le Pape du Sopi n’est pas dans l’improvisation contrairement à ce que certains analystes pourraient dire.

Le tripatouillage du fichier électoral, le scandale des dernières législatives et l’incapacité de l’opposition à réagir ont fini de convaincre Wade qu’il lui est nécessaire de mettre en place une stratégie en solitaire et qui, à un moment ou un autre, lui permettra de rallier les autres forces de l’opposition qui somme toute, sont tout à fait incapables d’avoir les moyens de leurs ambitions.

Cette approche solitaire est aussi une constante de la méthode Wade telle que décrite ici sur SenePlus.com par l’éditorialiste Alymana Bathily. Dans toute sa trajectoire politique, il ressort que le Pape du Sopi a toujours cultivé le culte du « dehors ». Il se met en dehors des dynamiques unitaires pour ensuite imposer son leadership solitaire à tous les autres qui n’ont plus d’autres choix que de le suivre.

Tous ses combats politiques, il les a menés du « dehors » et aujourd’hui pour l’ultime, il maintient sa stratégie de prédilection.

C’est cela qui va se passer le 25. Et c’est aussi pour cela qu’il n’appellera pas à voter Idy. Appeler à voter pour le leader de Rewmi, c’est prendre le risque de faire d’Idrissa Seck le leader de l’opposition au lendemain de la réélection de Macky. N’appeler à voter pour personne et marteler partout que les dés sont pipés, c’est la meilleure manière d’être le seul leader de l’opposition le 25 en rappelant à tous : « Je vous l’avais  dit ! ». Waxoon naa leen ko !

sdiagne@seneplus.com







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