À force de s’entendre dire qu’on est « taciturne », peu avenant, même incolore et inodore, on finit par se rebiffer, après moult dénégations. On s’essaie à l’humour ; quitte à manquer d’épaisseur, donc de piquant.
Le candidat Macky s’essaie donc à l’humour dans la ville religieuse, Tivaouane, pas franchement le lieu pour jouer une pièce qu’on peut classer dans la catégorie vaudeville. « Je voudrais savoir s’il y a un seul candidat ou pas »?, lance-t-il dans un sourire qui ne dépasse pas les lèvres. Parce qu’il n’est pas habitué à sourire, ni à l’exercice comique. Outre que la question est mal posée, le chef de file de BBY sait bien qu’ils sont cinq, grâce à son filtre du parrainage.
Il sait bien qu’il y a d’autres candidats que lui, parce que, s’il vit dans la même planète électorale que le commun des sénégalais, il a vu ses hommes saccager des directoires de campagne ; ses « marrons du feu », délinquants de haut vol, ont violenté à Saint-Louis, Tamba, des militants des autres partis. Il a vu des cortèges arrêtés de force, pendant plusieurs minutes pour que le sien puisse passer.
Mais bien sûr, ce n’est pas de ça qu’il parle. Ce qu’il veut, c’est « qu’ils (ses adversaires) envahissent les stades eux aussi », alors « on saura qui est qui ». Depuis quand remplir un stade est un signe distinctif d’une bonne campagne ? Surtout des stades remplis avec des dizaines, voire des centaines de « Ndiaga Sylla Ndiaye » et autres bus affrétés à coups de centaines de milliers de billets roses, avec l’argent du contribuable. Des cortèges « funéraires » composés de 4X4 de DG et autres Directeurs usurpateurs. Leurs moyens électoraux à plus de 60%, proviennent de biens publiques. Il n’y a pas plus inégal que ce combat électoral : un candidat dispose de TOUT pour mener sa campagne, au vu et au su de toutes les institutions de la République qui ferment honteusement les yeux sur cette injustice flagrante.
Ce qui le fait s’essayer à cet humour plus morgue qu’hilarant, le souvenir de sa campagne de 2012. « Mais ils n’organisent que des caravanes qui n’ont ni tête ni queue, disant que le gars (LUI) n’a rien fait ». En fait, outre le doute sur son bilan qu’il veut vendre contre vents et marées, ce qui le chagrine, c’est que les « gars » disent dans leurs caravanes qui n’ont « ni tête ni queue », « que je m’en aille ». La phrase qu’il ne souffre d’entendre depuis deux semaines maintenant, c’est le tir groupé de ses quatre adversaires qui n’ont que cette saleté de phrase à la bouche : « que je m’en aille » ! Mais il résistera contre ce quarté haineux dont l’un lui demande de « commencer à préparer ses valises ». Mais il a décidé de s’incruster pour cinq autres années…
En historien révisionniste de l’histoire électorale, il affirme sans sourciller que « na dem », qu’il s’en aille « est un slogan périmé », qu’il « était valable avant 2000 » ( contre les socialistes qui constituent aujourd’hui sa garde rapprochée de presque centenaires. Comme si on ne le savait pas, il tient à nous rappeler qu’ »actuellement, nous sommes en 2019 ». Et alors ? En 2019, on ne vire pas un président au bilan dont lui et ses affidés (comparés au reste des sénégalais) sont les seuls à peindre comme un paradis, que seuls les nihilistes et autres aveugles ne veulent pas voir.
Le candidat de BBY est comme un avatar caricatural du génial Wade, au firmament de sa lutte (et non celui qui appelle à tout brûler). L’humour caustique du « vieux » ne peut être imité, copié par qui veut. Surtout, Macky devrait se rappeler que certaines moqueries peuvent être des prémonitions dramatiques.
Il doit sans doute se souvenir sa rencontre en 2012 lors de la campagne électorale avec le cortège gigantesque de Me Wade sur l’avenue Bourguiba, angle grand Dakar. Ce dernier l’avait chahuté (de mémoire) : « mais son cortège est minuscule ; ndeysane, il n’a pas d’argent ». Il ironisait sur les quelques véhicules du cortège du candidat Macky Sall de l’époque, comparé à l’interminable procession de dizaines de 4X4 et autres véhicules de la République détournés de leur usage. Comme aujourd’hui avec le candidat qui « remplit les stades ». Je ne me rappelle plus la réponse du candidat Macky à cette sortie indécente du « Pape du Sopi» (voulez-vous nous le rappeler président-candidat, lors de votre meeting de clôture au stade Léopold Sédar Senghor ?), mais ça ressemblait fort à la fameuse phrase « qui vivra verra ». Pour rester dans les prédictions à mille francs CFA j’ajoute : « rira bien qui rira le dernier ». Il reste si peu de temps pour qu’il fasse jour…