La campagne électorale est un grand moment de sublimation. Les cinq candidats à la présidentielle du 24 février prochain, ont joué leur numéro, 21 jours durant. Ils se sont mis dans la peau du Président. Les prétendants à la magistrature suprême se sont surpris en train d’arpenter les couloirs du Palais, d’humer le parfum des fleurs de son jardin, avant de s’affaisser dans le fauteuil douillet du maître des lieux. Dimanche, il fera jour pour les quatre malheureux candidats. Un seul Président-candidat aura le privilège – si telle est la volonté du peuple – d’en détenir les clés.
Ils ont parcouru, 21 jours durant, le Sénégal pour convaincre leurs compatriotes de voter pour eux. Mais ils n’ont pas attendu le décret du peuple qui va tomber le 24 février, pour «occuper» les allées, le jardin, les salons… du Palais. Macky, Sonko, Idy, Issa et Madické, se sont allègrement glissés dans la peau d’un Président de la République. Appelez-les : Président-candidats, nos cinq prétendants à la magistrature suprême.
Lorsqu’ils vous croisent sur le chemin, arrêtez-vous et admirez leur allure. Ils sont tous Président de la République. Et ne faites pas attention à l’étoffe et aux grimaces du corps. Limitez-vous à regarder ce qu’ils vous montrent et n’allez pas chercher au-delà.
Ils sont tous Président et ça se voit : Escorte, gardes du corps, gyrophare, sirène, kinésithérapeute pour les massages, un grand maître cuisinier, un chef protocole, un médecin…Ajoutez à cela, la démarche à pas mesurés, la mimique, le timbre de la voix… Ils sont tous Président et auront tort de ne pas se prendre au sérieux. En bons comédiens, ils ont même, parfois, poussé le bouchon de la mise en scène tellement loin que…
L’entourage, les militants et sympathisants, constituent des éléments du numéro ou de l’acte que le Président-candidat est en train de jouer. Ils ne l’appellent plus par son prénom ou nom, mais lui collent le titre honorifique de «Président». Le mot «Président» fuse de partout et à force de l’entendre, le candidat à la magistrature suprême se surprend en train d’arpenter les couloirs du Palais, d’humer le parfum des fleurs de son jardin, avant de s’affaisser dans le fauteuil douillet du maître des lieux. Ces sourires qu’il croise, ces encouragements qu’il entend, cette affection qu’on lui manifeste…parfois jusqu’à verser des larmes, tout cela constitue une sorte de voile.
Une élection est avant tout un moment de sublimation. Comme si le peuple, volontairement, fermait les yeux sur la réalité et se laisse transporter par les vagues ou le courant marin aux eaux troubles.
Le Président-candidat prend ses distances. Son ascension vers le sommet du pouvoir est une jouissance intérieure dont il est seul à avoir le secret. Cette jouissance ne se partage guère. Le tapis rouge lui est déroulé. Ne commettez surtout pas l’imprudence de trop l’approcher, sinon, ce sont des bodyguards, les yeux derrière des lunettes de soleil, qui vont vous barrer la route.
Il est dans les nuages du prestige, de la gloire, les yeux dans les étoiles. Ne réveillez pas, je vous le demande, le Président-candidat ! Lundi, il fera jour, pour les 4 candidats recalés.
Ils ont pris le risque de «titiller» le destin, à eux d’assumer maintenant la tragédie de l’acte joué. Ne faites surtout pas comme Néron qui a «tué» l’artiste qui était en lui, en se suicidant, après avoir prononcé ces mots : Qualis artifex pereo ! (quel artiste périt avec moi ». Vous êtes des artistes, chapeau bas !