Tous les regards seront tournés ce dimanche vers le Sénégal : Les 6 683 043 électeurs sont appelés à choisir entre les candidats Macky Sall de Benno Bokk yaakar, Idrissa Seck de Rewmi, Ousmane Sonko de Pastef, Issa Sall du Pur et Madické 2019. Ces candidats se sont livrés ces trois dernières semaines à une âpre campagne électorale, pourtant sans débat, où tout s’est joué sur les réseaux sociaux et sur le terrain. Tout cela dans une atmosphère de violence physique et psychique. C’est un rendez-vous pour l’Histoire ! A l’ouverture des 15 397 bureaux de vote au Sénégal et à l’étranger, les 6 683 043 électeurs vont glisser leur bulletin dans l’urne pour départager les cinq prétendants au fauteuil du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor. Finis dès ce soir à minuit les promesses et les engagements pour laisser la place, 28 heures après, à la délibération des citoyens. Cette onzième élection présidentielle sera scrutée par plus de 2000 observateurs nationaux et internationaux. C’est donc dire combien cette élection est cruciale. La première particularité de ce scrutin est l’absence des partis classiques dans cette course à la présidentielle. Le Parti socialiste (PS) et le Parti démocratique sénégalais (PDS) ne sont pas sur la ligne de départ. Le premier a préféré soutenir Macky Sall, le second est éliminé sur la base d’une condamnation judiciaire de son leadercandidat. Depuis 1978, c’est la première fois aussi qu’une présidentielle n’est disputée que par 5 cinq candidats. L’autre particularité de ce scrutin est qu’il reste l’un des plus indécis de l’histoire électorale du Sénégal. Car le Président sortant, malgré des scores victorieux véhiculés ça et là par des responsables apéristes, n’est pas pour autant sûr de se voir élire le 24 février. Son principal challenger, Idrissa Seck, qui a fait tôt de quitter la coalition Bennoo après 2012, constitue une réelle menace à sa réélection. D’ailleurs, le leader de Rewmi est si confiant qu’il serine partout son sacre au premier tour.
Macky Sall : l’obsession d’un second tour
Macky Sall a drainé des foules immenses partout où il est passé, mais ce n’est pas un baromètre pour certifier son élection au premier tour. Dans ses discours de campagne, il s’est projeté sur l’avenir avec la Phase 2 de son PSE très critiqué par l’opposition. Bilan élogieux — notamment en termes d’infrastructures — en bandoulière, il croit que, sur la base ses réalisations visibles, il doit et va se faire élire. Taux de croissance stable, inflation réduite, promesse d’emplois, production agricole en nette progression, construction de plusieurs infrastructures routières et autoroutières, achat d’un Train express régional, sécurité assurée malgré la ceinture de feu autour du Sénégal, bourses de sécurité familiale, Pudc… telles sont les principales réalisations dont s’enorgueillit Macky Sall pour prétendre, pour cinq ans encore, diriger ce pays. Son objectif est de travailler pour les générations futures d’où son programme Ligeyal Elëk.
Idrissa Seck : le grand challenger
Mais ses adversaires n’entendent pas un seul instant lui permettre de prolonger son bail présidentiel. Et ceux qui se présentent comme ses plus farouches adversaires, ce sont Idrissa Seck et Ousmane Sonko. Le patron de Rewmi, qui a bénéficié de l’appui des recalés du parrainage et de plusieurs fédérations du Pds, se pose comme le plus dangereux adversaire de Macky Sall. Son discours de campagne est, d’une part, axé sur les valeurs en perdition du fait de dirigeants qui ne respectent jamais la parole donnée. D’autre part, il revient sans cesse sur la justice et l’économie, pierres angulaires de son programme. Les réformes judiciaires sont d’une urgente nécessité pour lui. Le rewmiste en chef a promis aussi de faire sortir le Sénégal du cycle de pauvreté dans lequel le régime de Macky l’a enfoncé pendant 7 ans. C’est pourquoi, il entend apporter des transformations structurelles qui vont changer le niveau de vie de Sénégalais appauvri selon lui par sept ans d’incompétence de Macky Sall.
Ousmane Sonko : le candidat de l’anti-système
L’autre particularité de cette élection indécise, c’est l’émergence d’Ousmane Sonko, incarnation de la candidature anti-système. Méconnu jusque pendant les législatives, l’inspecteur des impôts et domaines de profession a su capitaliser la confiance de milliers de Sénégalais depuis qu’il a lancé publiquement son livrevision qui a balisé le terrain à son programme Jotna. Les prises de position de Sonko sur les ressources minières de notre pays ainsi que sur la corruption ont participé à le faire connaitre au grand public. Le Patriote en chef est le candidat des jeunes qui voient en lui un rédempteur, un homme neuf qui rompt avec les grenouillages du système. C’est le candidat de l’anti-système même si on l’a taxé de flirter avec des hommes comme Abdoulaye Wade qui ont incarné ce système qu’il dénonce. Son discours sonne chez les jeunes comme révolutionnaire. Révolutionnaire au sens de vouloir changer l’ordre établi ici depuis les indépendances et de rompre les chaines de sujétion qui subordonnent le Sénégal à la France. C’est ainsi que, dans son programme, il parle de sortir du franc CFA, de renégocier les contrats pétroliers et gaziers et de revoir les facilités d’implantation octroyées à certaines entreprises commerciales comme Auchan. Sonko, qui compte encore sur une consigne d’Abdoulaye Wade pour renforcer son potentiel électoral, pense pouvoir bousculer la hiérarchie et conduire Macky Sall au second tour
Issa Sall : l’élan brisé
Quant au Pr Issa Sall, il croit en ses chances. Ses interventions reposent essentiellement sur l’éducation et les valeurs. Normal pour un enseignant qui a fondé une université et qui dirige un parti d’essence religieuse où l’on prône l’éducation et l’éthique. Mais les violences de Tambacounda dans lesquelles sa garde rapprochée est impliquée a plombé un peu son élan même si, à travers ses meetings boycottés par la presse privée à tort ou à raison, il essaie de tenir le coup. Et malgré un nombre limité de soutiens, le Puriste en chef rêve d’être le cinquième président du Sénégal. Il bénéficie toutefois du vivier électoral des Moustarchidines qui peut lui permettre de réaliser un bon score.
Madické Niang : le plan B autoproclamé du Pds
Madické Niang est quant à lui, l’invité surprise, l’intrus ou le plan B autoproclamé du Pds. Il s’est lancé dans cette élection en soutenant qu’il voulait pallier l’absence du PDS à cette élection. Ce qui a été le mobile de la rupture avec son mentor Abdoulaye Wade. Sans appareil, sans programme, Madické pense qu’il est suffisamment connu comme un homme modéré, tempéré et placide pour bénéficier majoritairement des suffrages des électeurs et remplacer l’actuel locataire du palais. Et ce, même si beaucoup le soupçonnent d’être un pantin que Macky a utilisé pour crédibiliser cette élection et disperser des voix qui auraient pu tomber dans l’escarcelle d’Idrissa Seck. Pour montrer qu’il a une existence dans cette campagne, il verse dans le registre de l’humour qui détonne avec son caractère austère. A force d’adopter un langage destructeur, massacreur, Madické s’est fait le guignol de cette campagne violente qui a besoin de décrispation. A ce jour, nul n’est en mesure d’attester qui sera premier et deuxième ce dimanche ou même s’il y aura un second tour ou pas. Les foules drainées par les candidats laissent penser qu’un deuxième tour est inéluctable à moins que l’on vive le même scénario de 2007 où Abdoulaye Wade dont la campagne étaient dirigée par un certain Macky Sall, avait remporté, à la surprise générale, la présidentielle devant des ténors comme Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse.