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Un SÉnÉgal Vert À L’Ère Du PÉtrole Et Du Gaz

Un SÉnÉgal Vert À L’Ère Du PÉtrole Et Du Gaz

#Enjeux2019 – « Du pétrole et du gaz ont été découverts en 2001 dans l’écorégion marine et côtière de l’Afrique de l’Ouest. Cette écorégion regroupe six pays : la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie, la Guinée Bissau, la Guinée et le Cap Vert ». C’est un renseignement de l’étude Gestion environnementale de l’exploitation de pétrole offshore et du transport maritime pétrolier. Le thème du pétrole et du gaz réside au cœur du débat politique au Sénégal depuis bientôt deux décennies. Mais ce sujet cristallise encore plus toutes les attentions à l’heure de la course à l’élection présidentielle du 24 février 2019.

Il n’y a certes rien de plus normal que toute cette attention soit portée vers ce projet géant qui devrait rapporter pas moins de 150 milliards de dollars au Sénégal. Cependant, l’« enfant abandonné » dans le processus de la campagne électorale est l’idée que nous nommons « comment préserver notre environnement et instaurer un Sénégal Vert à l’ère du pétrole et du gaz ».

Ce n’est pas qu’un tel sujet ne soit retrouvé nulle part dans les prévisions des prétendants à la magistrature suprême. Mais la priorité semble être ailleurs, du moins, si l’on s’en tient globalement à leurs promesses de campagne et leurs programmes.

Sans aucune surprise, le gouvernement du Sénégal actuel envisage légitimement de capitaliser les meilleures expériences de ses partenaires, surtout du royaume des Pays-Bas. C’est ce que laisse croire le ministre de l’environnement Mame Thierno Dieng qui soutient que l’objectif est d’aboutir à « un plan cadre consensuel de gestion environnementale et sociale PGES du secteur du pétrole et du gaz au Sénégal qui puissent garantir la prise en compte de toutes les dimensions concourant à un progrès équilibré et durable ». Des propos qu’il a tenus lors de la 3e édition de la conférence nationale sur le développement durable à Dakar.

Quand les craintes environnementales sont bien prises en compte, c’est souvent en dehors de l’échiquier politique. Nous avons été aux aguets, afin de relever toute ambition d’instaurer un « Sénégal Vert », résultant de la future exploitation du pétrole qui devrait débuter en 2021. Essayons de nous pencher brièvement sur les préoccupations de quelques candidats à la magistrature suprême.

Du début à la fin de la campagne électorale, le débat sur le pétrole et le gaz a littéralement confronté deux principaux candidats antagonistes : le président en exercice et candidat à sa propre succession, Macky Sall, et le leader de la coalition « Pasteef », Ousmane Sonko. C’est un tiraillement qui prend la forme d’un jeu de répliques de part et d’autre.

Tout le monde se rappelle la diatribe de Sonko : « Le pétrole et le gaz ne doivent pas être l’affaire de deux ou trois personnes ou d’un groupuscule, mais l’affaire de tous les sénégalais. Le président Macky Sall a une grande responsabilité dans des contrats pétroliers octroyés en violation totale du code pétrolier». Missive qu’il avait lancée à l’occasion de la cérémonie de dédicace de son livre « Pétrole et Gaz au Sénégal: chronique d’une spoliation ».

Le présidentiel Sall a profité de la cérémonie d’ouverture de la conférence africaine sur la divulgation de l’identité des propriétaires réels des entreprises extractives pour répliquer en ces termes : « le pays est tenu en haleine pour de faux problèmes, pour prétendre qu’on a vendu le pays. Il est quand même bon que le débat soit posé, mais il faut que cela soit un débat outillé, où les gens savent de quoi ils parlent».

Il est clair que les deux challengers ne parlent que des intérêts du Sénégal qui doivent être mis en avant dans l’exploitation du pétrole et du gaz, de la renégociation des contrats pétroliers attribués aux exploitants, d’une gestion vertueuse d’un côté, et nébuleuse de l’autre. Les risques environnementaux pèsent vraisemblablement moins lourd, au regard des candidats.

– Des experts de l’environnement avouent leur inquiétude –

Au moins, Moustapha Guirassy, candidat recalé au stade du parrainage, a semblé préoccupé par les conséquences qui pourraient découler de l’exploitation de l’or noir et du gaz. Il est convaincu qu’« il faut continuer à mettre le focus sur l’agriculture, sur les transformations. Je souhaite que les centrales thermiques puissent au fur et à mesure être changées, et qu’on mette en avant les énergies renouvelables, le solaire ou d’autres énergies ».

C’est une inquiétude autrement incarnée par Abdou Guèye, chercheur et chargé de projets chez Enda Energie, qui souligne qu’ «il s’agit de savoir pour chaque chaîne et niveau, quel est l’impact que l’activité peut avoir sur la pêche et la biodiversité marine. Toutes ces questions ne sont pas encore posées ». De la même façon, Ahmadou Ndiaye, spécialiste des droits humains pour le Think Tank l’Afrique des Idées, met le doigt sur des risques que l’exploitation du pétrole peut faire courir à l’environnement et à la gouvernance. Des propos qu’il a confiés à Jeune Afrique, dans un article titré Pétrole sénégalais : les dangers de l’eldorado. Il ajoute que « Si les nombreuses découvertes d’hydrocarbures au large du Sénégal et de la Mauritanie viennent confirmer de réelles potentialités pour la région en termes de développement, ces ressources, déjà reconnues « de classe mondiale »,  exposent aussi ces pays à de multiples risques. »

Justement, en février 2018, le Sénégal et la Mauritanie signaient un accord pour l’exploitation du gisement gazier offshore commun Grand Tortue-Ahmeyim (GTA) de 450 milliards de mètres cubes à partir de 2021. La conclusion de la répartition des revenues issues de cette opération de pétrole est que chacun des deux pays bénéficiera de 10% des recettes, et les 80% restants seront empochés par les exploitants de BP et Cosmos. Encore une fois, il n’y a pas eu, à notre connaissance, une stratégie ou politique commune de protection de l’environnement dans cet accord bilatéral. Les politiques diront qu’il existe des textes et conventions déjà consacrées à la sauvegarde de l’environnement dans le projet pétrolier et gazier. Oui, certes, mais le péché réside dans le fait que ces soi-disant politiques de sauvegarde ne soient jamais discursivement évoquées et communiquées aux populations dont la plupart n’ont jamais lu la moindre page d’un seul rapport ou étude du gouvernement.

– De quoi renouer avec l’espoir ? –

Oui, la priorité est autre que l’instauration d’un « Sénégal vert », en cette période décisive de la campagne électorale où il est plus question de convaincre afin de s’attirer les promesses de vote. Mais, en s’en tenant aux textes et conventions nationales comme internationales pour la protection de l’environnement qui régissent l’exploitation des ressources gazières et pétrolières, il y a peut-être de la place pour une lueur d’espoir. Tout en espérant que les dispositions suivantes seront suivies à la lettre par les décideurs politiques, une fois que l’exploitation du pétrole aura démarré en 2021.

Interpellés par La Tribune Afrique, les services du ministère sénégalais de l’Environnement écartent tout risque. Pour un projet susceptible d’avoir un impact sur l’environnement, l’article 48 du Code de l’environnement exige une étude environnementale préalable à sa mise en œuvre. L’objectif de l’étude est d’identifier en amont les potentiels impacts environnementaux et sécuritaires que ce projet-là pourrait générer.

Par ailleurs, l’atelier rédigé sous forme d’étude intitulée Pratique internationale gestion des impacts environnementaux et sociaux de l’activité extractive formule que « Les contrats pétroliers devraient comporter une clause engageant la responsabilité de la compagnie pétrolière, en cas de préjudice, garantissant la prise en charge des coûts liés au préjudice, précisant la répartition des responsabilités et les exigences en matière d’assurance. »

La Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel (Paris, 1972) et la Convention sur le Commerce international concernant les espèces sauvages de faune et de flore menacées d’extinction (Washington, 1973) sont également entrées en vigueur au Sénégal respectivement depuis 1976 et 1977.

Enfin, dans le Cade juridique et institutionnel de la protection de l’environnement, l’étude Pratique internationale gestion des impacts environnementaux et sociaux de l’activité extractive « élabore et met en œuvre la politique définie par le président en matière d’écologie, de suivi environnemental, nature, protection de la flore et de la faune, et protection de l’aquaculture. »

Osons espérer, seulement, que ces engagements ne soient pas travestis, pour que les générations futures puissent être témoins et bénéficiaires d’« un Sénégal vert à l’ère du pétrole et du gaz ».

#Enjeux2019

Ass Momar Lô est diplômé du Cesti en journalisme, spécialité radio. Actuellement spécialisé en Fact checking, il est assistant éditorial et contributeur à Africa Check.







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