Une analyse dépouillée de profondeur et de recul, a voulu assimiler le choix des habitants de la région de Ziguinchor, le dimanche 24 février dernier, au vote identitaire. Certains allant même jusqu’à faire le parallélisme avec le communautarisme ambiant, érigé en mode de gouvernance dans notre cher pays. Comme si le choix des Ziguinchorois faisait écho au NEDDO KO BANDOUM. Une posture qui convoque la parenté dans la centralité de la gestion du pouvoir. Ils parlent, pour ce qui est de la région naturelle de la Casamance, de UMU OLOLI, comme pour justifier la défaite cuisante du candidat Macky Sall. Cette comparaison est une caricature qui est loin de traduire une réalité dans une région où l’on a une haute idée du bien commun.
De deux choses l’une : soit c’est de la mauvaise foi, soit c’est un déficit de culture, que de taxer le choix des populations du Sud du pays de vote identitaire.
Leur mauvaise foi
C’est de la mauvaise foi que de fermer les yeux sur les réalités historiques et sociologiques de notre pays où les candidats à la présidentielle, peut-être, à quelques exceptions près, ont toujours bénéficié de l’appui partisan de leur terroir. Ce jeu de miroir a toujours existé, de Senghor à Macky Sall, en passant par Me Abdoulaye Wade et Abdou Diouf. Et à une échelle plus petite, des ministres, des directeurs généraux, des footballeurs etc., se sont identifiés à leur terroir. Pourtant, cela n’a jamais entamé nos équilibres sociaux si fragiles aujourd’hui, tant que des politiciens véreux, irresponsables et sans morale ne se mettent pas à manipuler leur communauté pour des intérêts crypto-personnels. Comme c’est le cas aujourd’hui.
Il n’y a pas de vote identitaire dans la région de Ziguinchor et les chiffres parlent d’eux-mêmes. A Oussouye, Macky Sall a récolté 8 707 voix contre 9 209 pour Sonko ; à Bignona, Macky comptabilise 27 398 voix contre 51 438 et à Ziguinchor, le président sortant a bénéficié de 32 846 voix contre 41 291 voix pour son Sonko.
Ces populations méritent respect
Les populations de Ziguinchor ont massivement voté pour Macky Sall. Donc elles méritent respect, à défaut d’être remerciées.
C’est manquer de culture ou méconnaître les réalités de son pays que d’assimiler le choix électoral des ziguinchorois au vote identitaire. La Casamance naturelle est la région la plus cosmopolite du Sénégal. Plusieurs dizaines d’ethnies y vivent en parfaite entente et intelligence sans qu’aucune d’elles ne se prend la tête, en se faisant passer pour le nombril du monde. Par conséquent, qualifier le choix des Ziguinchorois de vote ethnique, c’est passer à côté de la plaque et verser dans la stigmatisation.
Il n’y a pas de vote mouride
Ces Ziguinchorois qui ont voté majoritairement Sonko, l’avaient fait pour Macky Sall au référendum et aux législatives. Mieux, quand Fatick et le Fouta ont jeté leur dévolu sur l’enfant du terroir, cela n’a jamais choqué personne. D’ailleurs, pourquoi ça devait l’être ? Le vote est un acte de liberté, laissé à l’appréciation de chaque électeur.
Ce débat est un non-sens, tout comme la défaite de Macky Sall à Touba qu’on a vite fait d’assimiler au vote Mouride. Il n’y a pas eu de vote mouride dans la ville religieuse de Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassoul. Ce sont des citoyens qui ont choisi leur candidat en fonction des critères qu’ils se sont définis. Leur choix ne saurait alors engager une confrérie dont le Khalife général n’a jamais donné de «Ndigueul» en faveur de tel ou tel candidat. Si l’on admet que c’est la démocratie qui s’est exprimée partout au Sénégal, Touba et Ziguinchor ne sauraient être en reste.
Critère insignifiant d’appartenance à un terroir
L’appartenance à un terroir est un critère très insignifiant dans le choix des Ziguinchorois. D’autant que Sonko n’est pas le premier sénégalais de Casamance à s’être présenté à une présidentielle. Robert Sagna, candidat malheureux à la présidentielle de 2007, a été battu à plate couture à Ziguinchor, Sédhiou et Kolda. Logique pour logique, pourquoi il n’a pas bénéficié du vote identitaire, comme le prétendent certains analystes qui se contentent de caresser la surface des choses ?
Sonko a fait une percée remarquable, parce que son discours parle aux jeunes. Ceux de Ziguinchor ont aussi été convaincus par la vision du président de Pastef. Le désir de changement, dans l’une des régions les plus pauvres du Sénégal, explique en partie, le choix des Ziguinchorois.
Laver un affront
Mais ce qui a véritablement fait basculer le sud, c’est l’injure faite à toute la Casamance par ce responsable «apériste» qui a traité les populations de rebelles. Cette dérive inacceptable d’un individu au coefficient intellectuel extrêmement bas, a titillé leur orgueil et ont décidé de laver l’affront. C’est un vote sanction de la part de ziguinchorois touchés dans leur amour-propre du fait du comportement indélicat d’un «insulteur public».
Il était alors difficile, voire impossible, pour les responsables «apéristes» et de Benno bokk yakaar, d’éteindre le feu, en dépit des efforts fournis par certains dont les équipes étaient visibles sur le terrain.
Lignes de fracture
Ajouter à cela, la division des responsables de l’APR qui met à nu l’absence d’un leadership capable de fédérer toutes les forces et de juguler les contradictions. Ziguinchor, à l’instar des autres bastions apéristes, souffre du mode d’organisation horizontal du parti qui ressemble à une armée mexicaine. Les échappées solitaires consécutives aux calculs pour l’occupation prochaine de la mairie de Ziguinchor, renseignent sur les lignes de fracture au sein de l’APR de Ziguinchor.