Macky Sall a été réélu, président de la République du Sénégal, pour un nouveau mandat de cinq ans, avec 58,27 % des suffrages valablement exprimés, selon les résultats publiés hier, jeudi 28 février, par le président de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV), le juge Demba Kandji. Une victoire contestée par les quatre candidats de l’opposition qui soutiennent que le «candidat sortant a confisqué la volonté du peuple souverain». Mais, au-delà de cette contestation, on peut dire qu’une telle victoire était prévisible au regard de différents faits
Le parrainage, un filtre mortel
Après le désordre électoral noté lors des Législatives du 30 juillet 2017, des joutes «sauvées» par le Conseil Constitutionnel, en violant selon certains le code électoral -qui oblige l’électeur à prendre toutes les listes-, le régime a introduit le parrainage. Un filtre nécessaire contre toute candidature fantaisiste, mais qui s’est avéré mortel pour beaucoup d’entre eux. Sur les 27 candidatures déclarées, seules cinq seront au finish validées.
On croyait alors que la «révolte» des recalés qui ont pour l’essentiel, décidé de soutenir la coalition Idy2019, allait faire mouche. Hélas ! Les Sénégalais en ont décidé autrement.
Mieux, la limitation des candidats à cinq grâce au parrainage, a évité la dispersion des suffrages. Ce qui a permis à Macky Sall de faire le carton plein en remportant 40 départements sur les 45 que compte le pays. Mieux, partout où le candidat de BBY a été battu, il a réussi à terminer à la deuxième place. Sa seule fausse note a été le cas de Mbacké. Visiblement, l’effet escompté avec la candidature de Madické Niang n’a pas porté ses fruits. Ce département «allergique» à la politique de Macky Sall s’est rangé derrière Idrissa Seck et a snobé le candidat MadickéPrésident qui est le seul parmi les cinq candidats à avoir perdu la commune dans laquelle, il a voté.
La politique de la chaise vide de l’opposition
Les différents boycotts de la table des négociations, par des membres de l’opposition, à tort ou à raison, ont ouvert un grand boulevard au régime de Macky Sall. La politique de la chaise vide et les différentes bouderies ont permis à Macky Sall de dérouler seul, pour imposer finalement ses lois que l’opposition a été contrainte de suivre, à défaut d’être déclarée forclose. Particulièrement sur le parrainage et surtout son mode opératoire. La preuve par le nombre de doublons qui ont fini par plomber les ardeurs de certains. Certes, le Chef de l’Etat a eu à faire du forcing dans certains cas, notamment le référendum. Mais, l’absence de dialogue et le dialogue quasi impossible entre les deux camps, a été un facteur aussi déterminant sur l’adoption de certains textes de lois sans discussions.
Le boycott de Me Wade
Abdoulaye Wade, nonobstant son âge, est apparu comme le 6ème candidat de cette Présidentielle. Mais, le refus du Pape du Sopi de donner une consigne de vote a plus favoriser Macky Sall et davantage fragilisé les candidats de l’opposition. Il ne pouvait faire autrement. Obsédé par l’élection de son fils à la Magistrature suprême, Me Wade, dont le candidat a été recalé, gagnerait plus à voir une victoire de Macky Sall que d’envoyer un Ousmane Sonko ou un Idrissa Seck à la Magistrature suprême.
Et pour cause, sauf retournement de situation, Macky Sall briguait son deuxième et dernier mandat. Alors qu’un Sonko ou Idy penserait certainement à se représenter en 2024. Mieux, l’actuel chef d’Etat, avait déjà déclaré qu’il n’était pas opposé à une loi d’amnistie générale. Histoire d’apaiser la tension qui règne dans le pays depuis la condamnation de Karim Wade et l’incarcération de Khalifa Ababacar Sall.
D’ailleurs, c’est dans ce sens qu’il faut comprendre le rétropédalage de Wade qui avait demandé à ses militants et aux jeunes sénégalais de brûler leur carte électeur et les bulletins de vote. Mieux, son surprenant séjour à Conakry où il a eu à rencontrer Alpha Condé cacherait également une telle démarche que Macky Sall serait appelée à effectuer une fois réélu.
Son boycott donc est savamment entretenu d’autant plus qu’il a aussi autorisé à certains de voter contre Macky Sall. Sans toutefois, juger nécessaire de soutenir le candidat qui avait plus de chance de mettre le chef de l’Etat sortant en ballotage : Idrissa Seck.
Résultats des courses : toutes les bastions du PDS sont tombées dans l’escarcelle de Macky Sall. Exceptée Mbacké.
L’exil de Karim et la condamnation de Khalifa Sall
Les absences de Karim Wade, candidat du PDS mais surtout de Khalifa Ababacar Sall ne sont pas non plus négligeables dans la victoire de Macky Sall au Premier tour. L’exemple de Dakar en est une parfaite illustration. Le candidat de BBY est arrivé en tête des suffrages sur les 19 commues d’arrondissement, démontrant que l’appel de l’ancien édile à soutenir Idrissa Seck n’a pas été suivi à la lettre. La transhumance de Moussa Sy aux Parcelles assainies, le refus de Bamba Fall de la Médina, de donner des consignes de vote, les réactions assez timides de Bathlémy Dias, le soutien de Banda Diop à Macky Sall, sont autant de facteurs qui ont fait basculer l’électorat de Takhawou Ndakarou dans l’escarcelle du candidat de Benno Bokk Yaakar.
L’absence du PS et du PDS
En 11 élections présidentielles, c’est la première fois dans l’histoire politique du Sénégal qu’on assiste à une élection sans les deux plus grands partis du pays. Ou du moins, c’est une première que le Parti socialiste (PS) et le Parti démocratique sénégalais (PDS) n’investissent pas un candidat issu de leur propre parti.
Le PDS de Me Wade dont la première participation à une Présidentielle remonte en 1978, a décidé cette année de porter son choix sur un candidat dont il savait inéligible aux yeux de la loi. Au delà de son exil forcé, voulu ou négocié, Karim Meïssa Wade a été victime d’une nouvelle disposition du code électoral qui stipule que «nul ne peut être éligible, s’il n’est électeur». Par conséquent, toutes les déclarations incendiaires consistant à dire que «si Karim n’est pas candidat, il n’y aura pas d’élection au Sénégal», n’étaient pas plus que de la politique politicienne. La suite est sans équivoque.
Quant au PS, en 11 élections, c’est la première fois que le parti fondé par Léopold Sédar Senghor ne désigne un candidat en son sein. Mais, contrairement au PDS qui a porté son choix sur un «mauvais» cheval, les Verts eux, ont décidé de s’arrimer au navire de Benno Bokk Yaakar et d’assister, voire faciliter l’emprisonnement d’un des leurs : Khalifa Sall.
L’effet PUDC
Mais au-delà de tous ces faits, il faut aussi reconnaître que le candidat sortant disposait d’une vision claire avec son Plan Sénégal Emergent (PSE). Un programme mais aussi, un bilan plus ou moins acceptable. Surtout son Programme d’urgence de développement communauté (PUDC) qui a fait des effets, dans le monde rural.
Même si des infrastructures comme Ila Touba, le pont de Farafégny n’ont pas pesé sur l’électorat de Mbacké et de Ziguinchor, force est de reconnaître, dans d’autres villes, villages et hameaux du pays, le programme est très apprécié.
TRANSHUMANCE CIBLEE
Au niveau des ralliements et autres transhumants, Macky Sall a aussi fait un tri, en débauchant des porteurs de voix. Même si certains n’ont donné de satisfécit, comme c’est le cas notamment à Ziguinchor avec le maire Abdoulaye Baldé, d’autres en revanche, ont pesé sur la balance. C’est le cas d’Aïssata Tall Sall à Podor ; Sada Ndiaye à Nguidjilone ; Modou Diagne Fada et Thierno Lô à Darou Mouthty ; Faboly Gaye à Kolda ; Ameth Fall Braya à Saint-Louis ; Moussa Sy aux Parcelles assainies entre autres.