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Logique Et Politique

Logique Et Politique

Quel analyste imaginatif et audacieux pourrait nous expliquer le sens de cette bourrasque, les performances de ce vaincu-vainqueur, de ce petit sauvageon, la quarantaine, inconnu du public il y a quelques années, qui a fait son entrée sur le ring médiatique comme fonctionnaire rebelle et irrévérencieux, qui n’est pas rompu aux roueries des politiciens, qui est sans appareil politique de grande envergure, qui n’a d’autres moyens (avoués) que ses propres ressources et celles de ses militants, qui n’a pas la caution officielle des groupes de pression nationaux, communicateurs traditionnels ou chefs religieux, dont le background est quasi vierge, qui a le tort d’être jeune dans un monde qui cultive le respect des cheveux blancs, même si selon Achille Mbembé ce monde est infesté «de vieillards… qui souillent tout ce qu’ils touchent», et enfin, pour tout dire, de cet iconoclaste qui se cogne contre les grands lobbies politiques et financiers, comme Don Quichotte aux moulins, et qui ose s’en prendre à des tabous aussi insubmersibles que le franc CFA ou la Françafrique ?

Et 1 et 2 !

Il y a deux ans déjà il nous avait surpris en réussissant là ou avaient échoué bien d’autres que l’on croyait mieux armés, et parmi eux des barons d’anciens gouvernements et des apparatchiks aguerris, et même un ancien Premier Ministre qui, à soixante ans passés, avait été soudain saisi par le démon de la politique  …

Pour cette fois, si l’on se fie aux résultats publiés par la Commission de recensement des votes, il a fait encore mieux.

Il a fait plus que tenir tête, il a menacé et quelquefois devancé le maître des horloges, celui qui dispose de l’appareil d’Etat et qui peut se prévaloir de ses moyens illimités, qui a mis en place un système sophistiqué de suivi de la consultation, qui revendique un bilan étalé à profusion sur les médias publics, et qui a passé tout le mois précédent les élections à inaugurer des infrastructures dont aucune n’était achevée ou opérationnelle.

Il a fait plus que titiller un ancien Premier Ministre qui en était à sa troisième, et peut-être dernière campagne, s’il tient sa promesse de se retirer de la scène politique à 63 ans, l’âge auquel le Prophète avait quitté ce monde, et cela donne une idée des références de ce concurrent. Il s’est payé le luxe de battre dans 30 des 53 circonscriptions électorales cet homme qui était considéré comme le vrai challenger de ces élections, qui est présent dans l’arène nationale depuis plus de vingt ans et qui en est l’acteur le plus imbu de sa personne, qui après nous avoir longtemps  éblouis par ses citations tirées du Coran  et ses badges universitaires , s’était rangé des voitures pour inaugurer l’ère de la   transhumance confrérique, un peu comme on change de société d’assurances, s’est fait conciliant en ratissant large au point qu’au final il a rallié  à sa cause la majorité des recalés, dont deux anciens Premiers Ministres et deux anciens maires de Dakar, même si malheureusement pour lui, la plupart ont été  désavoués dans leurs bases électorales et quelquefois dans leurs bureaux de vote.

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Il a défait sans pitié deux rivaux qui, pour leur baptême dans une compétition de ce niveau, avaient sorti une arme que l’on croyait fatale et qui s’est révélée  un peu fluctuante : le confrérisme religieux. Le premier avait ouvert sa campagne par un clash avec son guide dont il voulait s’émanciper, ce qui lui a coûté sans doute des voix. Le second a connu un sort plus pathétique : renié par celui qu’il considérait comme son mentor contre vents et marées, mais ragaillardi par l’accueil réservé à ses bons mots  et confiant après les pèlerinages qui ont ouvert et clôturé sa campagne, il a séduit moins de 1000 électeurs dans 27 sur 45 départements, totalisé à peine plus de bulletins que le nombre de signataires de son parrainage, soit moins d’un dixième des voix de notre jeune candidat…

Faire du neuf avec du vieux ?

Pourtant, malgré ses succès, ce jeune héros nous laisse sur notre faim, comme si nous étions passés tout près d’un évènement historique. On attendait peut-être un peu trop  de cet ovni politique dont l’électorat est le plus cultivé et le plus émancipé  du pays, on pensait qu’il allait spéculer sur notre intelligence, changer nos esprits, qu’il était convaincu que «  c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la démocratie ». On croyait  qu’il allait, sans réserves, emboucher les trompettes de cette jeunesse accourue à son appel et dont le cri de cœur était : « Assez ! On efface tout et on recommence ! », ce qui était d’une certaine manière la recommandation des Assises Nationales, snobées curieusement par tous les candidats.

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Aurait-il manqué d’audace en nouant des alliances compromettantes avec des  représentants de ce « Système » dont il avait fait son bouc émissaire ? A-t-il choisi d’être Guillaume Soro plutôt que Jean Luc Mélenchon ? Pourquoi a-t-il voulu faire du neuf avec du vieux, et même du très vieux, puisqu’il s’est donné pour référence et tenté de séduire un presque centenaire qui était entré en politique l’année de sa naissance, qui est le symbole même de l’hypertrophie du pouvoir exécutif décrié par tous et qui a formé, installé à des postes de responsabilité et façonné trois de ses adversaires ?

C’est pour le moins illogique d’accorder le bénéfice du doute à deux d’entre eux et d’en exclure le troisième…

Aurait-il déjà acquis les réflexes des politiciens chevronnés, adeptes de la realpolitik et des alliances de circonstance, et ne serait-il plus qu’un homme politique comme les autres ?

Aurait-il manqué d’imagination en inventant pas lui aussi sa propre stratégie de campagne électorale, pour donner un avant-goût du mode de gouvernement  qu’il voudrait instituer, une campagne adaptée à son projet, à son temps, et surtout à ses moyens, comme Wade et Obama avaient inventé les leurs ? Pourquoi d’ailleurs n’est-il pas allé puiser quelques inspirations-mutatis mutandis- chez ce dernier et même chez Macron (je parle de stratégie et non de contenu), deux hommes sur lesquels aucun bookmaker n’aurait parié une livre un an avant leur élection ?

Macron par son intransigeance sur la nécessité de réformer son pays et son refus de s’allier avec ses rivaux potentiels a réussi à dynamiter les vieilles formations politiques et contraint certains de leurs dirigeants à la retraite, même si aujourd’hui il revient à l’autoritarisme, mais cela est un autre débat. Obama avait dit « Yes ! We can ! », et dans notre contexte, cela peut signifier : « Oui ! Nous pouvons vaincre nos vieux démons, nos peurs et les pesanteurs sociales, déboulonner les vielles statues. Oui, nous pouvons tout changer mais ce changement devra se faire avec un esprit et des hommes nouveaux. Nous le pouvons, parce nous sommes le peuple, que l’important est à notre discrétion, que tout pouvoir est «  dans la même situation qu’une institution de crédit » : si à un moment quelconque, nous décidions tous ou majoritairement, de lui retirer notre confiance il s’écroulerait comme un château de cartes !

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Demain seul contre tous ?

Je ne peux pas affirmer que ce jeune homme qui affrontait des candidats dont le moins âgé a presque vingt ans de plus que lui, aurait gagné les élections en tenant compte de ces recommandations. Sa campagne aurait été sans doute solitaire, mais qu’il ne se fasse pas d’illusions car aux prochaines élections présidentielles il sera, en toute logique, seul contre tous. Mais  je suis convaincu qu’avec un discours  plus cohérent, sans donner l’impression  de se livrer à un combat crypto-personnel, en alliant rigueur et esprit de tolérance et sans proférer, même sur le ton de la plaisanterie des menaces d’un autre âge (rétablir la peine de mort, fusiller, sélectivement, ses prédécesseurs, etc.) il aurait fait oublier ce que beaucoup lui reprochent : sa jeunesse et son inexpérience. Qu’importe du reste que le succès  tarde à venir : des cinq candidats qui étaient en course il est le seul à pouvoir, si l’envie lui vient, se présenter à des élections présidentielles dans trente ans !  







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