En l’espace de quelques petites minutes le 24 février au soir, la presse dans son ensemble venait de saborder ce que les ainés, les génies de l’an 2000 avaient inventé et breveté comme une marque déposée.
Ce n’est pas peu que de dire que la presse sénégalaise de l’époque, avec des moyens rudimentaires, limites archaïques comparées à aujourd’hui car c’était à l’air du balbutiement du téléphone portable dont l’appareil star était encore le 3310 du Finlandais Nokia ; cette presse avait inventé le système le plus fiable au monde pour la transmission des résultats en temps réel.
Jusqu’à l’an 2000 le tripatouillage des résultats électoraux, la falsification des procès verbaux, le bourrage des urnes et même la disparition au cours du transport des colis de scellés des commissions départementales non favorables au parti-Etat était le lot de toutes les consultations électorales au Sénégal donnant lieu à chaque fois à de vives contestations débouchant sur une crise post-électorale.
C’est en 2000 que jaillit cette lumière, qui nous éclaire depuis et permis à chaque élection présidentielle de 2007 puis 2012 de pouvoir ôter le doute dans la tête des sénégalais le soir même, au plus tard le lendemain matin. Les résultats au compte-gouttes, compilés, ont toujours permis à la presse de donner les lourdes tendances et de ne s’être jamais trompée, puisque de toutes façons n’ayant qu’une seule source : les PV affichés après dépouillement. Quel mal y-a-t-il à cela ?
Qu’un leader politique mal-en point dans les remontées de résultats, s’offusque. Soit ! Mais alors que la presse cède à cette pression en abandonnant la publication des résultats est presque une trahison de sa mission d’assurer le service public à l’information du public.
Que l’on soit clair : aucune loi n’interdit la diffusion des chiffres des PV et d’en faire la compilation pour dégager les tendances. Aucune loi ne l’interdit !
On peut alors être amer qu’un politicien ait pu par ses velléités de faire casser du journaliste arriver à interrompre les soirées électorales de diffusion de résultats.
Pire encore, alors que dès le lendemain toutes les rédactions du pays disposaient de l’ensemble des PV des commissions départementales, aucun média n’a osé faire le travail de compilation pour édifier les sénégalais.
Consciemment ou inconsciemment, la presse a entretenu une tension artificielle dans le pays, alors que les choses étaient déjà pliées. Qu’est-ce que l’on peut être injuste d’ailleurs avec le pouvoir. A croire qu’il aurait été plus simple et plus aisé pour les médias d’annoncer des tendances défavorables au camp du président sortant.
Un acquis démocratique est comme un acquis social dans le milieu de l’entreprise : quel syndicat d’une corporation va accepter de perdre des droits acquis pour ses salariés. Aucun. La presse doit se racheter d’avoir vendangé cet héritage. Février 2019 doit rester une douloureuse parenthèse, mais elle doit être refermée. Il ne faudrait surtout pas que l’abandon de cet acquis démocratique fasse jurisprudence. Que la presse s’accroche à l’invite du président Demba Kandji comme une bouée de sauvetage, pour attendre sagement la publication des résultats est un grand recul démocratique.
Que le journaliste qui ne savait pas à l’avance que la commission avait 5 jours pour publier les résultats officiels provisoires, rende sa carte. De là à en faire l’info du 2éme jour est vraiment un non sens.
La meilleure façon de répondre aux accusations de parti-pris aurait été de prendre le parti de la vérité des urnes, comme avant et comme toujours.