Parler d’un homme que l’on ne connaît ni d’Adam ni d’Eve n’est pas un exercice facile. Toutefois, le devoir de témoignage qui incombe au croyant que je crois être m’y contraint. En effet, la seule fois où je l’ai vu en chair et en os remonte au début des années 90, à l’occasion de la conférence qu’il avait animée avec brio à l’Endss sur les fondements du libéralisme, à l’initiative du comité d’entreprise de la Sotrac d’antan. Ce jour-là, pendant que l’exaltation gagnait la presque totalité de l’assistance qui n’arrivait pas à résister aux débits de ses propos, empreints d’une rare éloquence, je m’évertuais à décortiquer leur pertinence, comme m’y prédisposait ma formation. Aussi, je découvris en lui un homme charismatique, doté d’un talent d’orateur digne d’un tribun de la trempe de Sékou Touré, sans compter la rigueur et l’assurance dont il fit montre et qui laissaient déjà transparaître l’homme d’Etat qu’il est devenu par la suite. Ce que personne ne peut lui dénier, y compris ses plus farouches adversaires dont le seul rêve est de le voir s’effacer de la scène politique, n’hésitant même pas à aller déterrer des propos qu’ils lui prêtent, soi-disant qu’il avait dit «qu’à l’âge de soixante-trois ans, si je ne deviens pas entre-temps président de la République, je romprai définitivement avec la politique». Ceux-là doivent comprendre que les propos n’ont de sens que quand ils sont appréhendés relativement à leur contexte. La seule décision qui vaille en ce sens sera celle que lui seul prendra en toute responsabilité. Sous ce rapport, je souhaite qu’il le fasse, si le Bon Dieu lui prête longue vie (ce que je lui souhaite) après un arbitrage entre la volonté de ses détracteurs qui déjà voient en lui un adversaire gênant pour les futures joutes électorales, et le désir des 20% des Sénégalais qui ont voté pour lui, sans compter d’autres qui sont avec lui et qui, pour diverses raisons n’ont pas pu lui exprimer leurs voix.
Plutôt que de combattre M. Seck, il importe de le situer dans la mouvance de tous les patriotes qui, quels que soient les reproches qu’on peut leur faire, ont à cœur la volonté de conduire le Sénégal vers des avancées économiques et sociales fortes. C’est du reste tout le sens de la métaphore qui annonce que l’heure a sonné pour «combattre ndioublang (le roublard) et aider gorgorlu (le débrouillard)».
A soixante-quatre ans, le pays aura toujours besoin des compétences de M Seck. Ceux-là qui ne rêvent que de sa retraite politique sont les mêmes qui, après avoir dépeint sous toutes les coutures, reviennent à la charge pour l’assouvissement de leur vœu, oubliant que le destin d’un homme est divin. De ceux-là, je pense sincèrement qu’ils ne pas sont dénués de spiritualité au point de ne pouvoir comprendre que ce que nous sommes devenus aujourd’hui et ce que nous deviendrons demain relèvent de la seule volonté de Dieu. Hum ! Que voulez-vous, quand on n’est mu que par le désir de vouloir profiter des lambris dorés du pouvoir, on ne peut pas voir plus loin que son nombril. En tout cas, si telle était la volonté de Idrissa de se retirer de la scène politique, elle ne se réaliserait que parce que le Bon Dieu l’aura voulue. C’est ce même Dieu qui lui a accordé toute sa bénédiction et sa protection afin qu’il arrive à surmonter toutes les épreuves qu’il a traversées et qu’aucun homme, quelle que soit sa puissance, ici dans ce bas monde, ne pourrait jamais résister sans la protection du Seigneur.
Vouloir l’associer aux pages sombres de la gestion de la présidence de Maître Abdoulaye Wade, comme le font ses détracteurs, ne saurait relever que d’une campagne de dénigrement planifiée et dont le seul soubassement est de signer son arrêt de mort politique. Les Sénégalais ne sont pas dupes. Ils ont été témoins de sa brève participation au pouvoir de Wade (2000 à 2004) dont deux (2) années de cabale politique orchestrée depuis la Présidence, sous-tendue par un lynchage politico-médiatique au moyen de deux journaux tristement célèbres, Il est Midi et le Messager, curieusement disparus de l’espace médiatique après son départ de la Primature.
C’est faire preuve de malhonnêteté que de feindre d’oublier que Me Wade était le seul dépositaire du pouvoir. Idrissa Seck n’était alors qu’un subordonné qui a contribué brillamment à le faire élire et, sous ce rapport, il ne méritait pas le sort qui lui a été réservé par la suite. La preuve en est que, quand ce dernier a voulu se débarrasser de lui, il lui a fallu un quart de tour pour le faire. A ceux-là qui tentent de falsifier l’histoire, il sied de leur faire comprendre que les honnêtes gens, témoins de cette histoire, sont toujours présents. Malheureusement, les falsificateurs de l’histoire excellent aujourd’hui dans le reniement de leur passé combattant, comme des néophytes de la politique qui passent tout leur temps à ressasser les mots du maître. Toutefois, les Sénégalais de bonne foi savent bien que les déboires de Idrissa lui viennent de ses qualités d’homme de refus qui est une des marques de fabrique d’un chef d’Etat. Les Sénégalais, dans leur grande majorité, sont des hommes bien et lui en fait partie. Sous ce rapport, le débat doit être clos sur ce chapitre ; ce pays a besoin de travailler pour qu’au moins cette croissance tant vantée profite à tous, surtout aux nombreux «Gorgorlou» qui tentent d’étouffer leur souffrance dans la dignité, mais que la dureté de la vie envoie nuitamment dans la rue pour solliciter la solidarité de leurs compatriotes qu’ils pensent être plus nantis qu’eux. Dans ce lot figurent les pères de famille qui, malgré certaines pesanteurs sociales du voisinage, ne résistent pas à la tentation de se confier à leur voisin immédiat, nuitamment parfois, par le biais d’un enfant, sans compter les bonnes dames qui, jusque tard dans la nuit, squattent les grandes surfaces, les stations d’essence, les feux rouges et certains coins de la capitale à la recherche de la pitance.
Au chapitre des souffrances, il ne faudrait pas occulter celle que vit toute cette jeunesse désœuvrée dont une bonne partie sans formation noie son chagrin autour de la théière, et l’autre qui, diplômée, peine à trouver un stage, a fortiori un emploi.
Pour aller de l’avant, ce pays a besoin de renforcer sa démocratie ; ce qui suppose une opposition forte, intelligente et courageuse, composée d’hommes de valeur, capables de déceler les insuffisances de la gouvernance de la majorité et de faire des propositions alternatives. En somme, d’être cette sentinelle et ce contre-pouvoir qui s’exerce pleinement et sans lesquels il n’existe pas de démocratie, la voie du développement. A cet égard, Idrissa a sa partition à jouer. La coalition Idy 2019, née de l’élection présidentielle et entretenue par des hommes dont le dénominateur commun est de travailler pour l’intérêt du Sénégal, devrait survivre au-delà de la Présidentielle pour, comme aimait à le dire Me Wade, aller à la conquête de parcelles du pouvoir avec les élections locales et législatives à venir.
Saluons la grandeur de tous ces hommes qui méritent le plus profond respect et, comme n’a cessé de le dire Idrissa tout au long de la campagne électorale, chacun d’entre eux peut diriger ce pays. C’est aussi le lieu de saluer l’humilité dont Idrissa a fait montre durant cette campagne et qui remonte aux élections législatives, lorsqu’il avait accepté de s’effacer au profit de Khalifa Sall pour diriger la liste nationale, démontrant ainsi qu’il était un homme de bien et que toutes les insanités qu’on déversait sur lui n’étaient que calomnies. Comme le dit Confucius : «L’homme de bien, dans le monde, ne se braque ni pour ni contre, mais s’incline vers ce qu’exige la situation.» Et c’est cette image que M. Seck renvoie aux Sénégalais depuis un certain temps.
Alors, nous lui demandons de maintenir le cap pour 2024, avec davantage de foi et de détermination, pour en faire un rendez-vous historique avec ses compatriotes. Excepté Robert Bourgi qui joue au devin, nul n’est dans les secrets de Dieu pour oser soutenir que Idrissa Seck est un homme du passé. Dans ce même sillage, nous rappelons pour mémoire qu’en 1983, feu Jean Collin, alors tout puissant ministre de l’Intérieur, disait dans les colonnes du journal Dieuf /l’Action que Me Wade est un homme dangereux et ne sera jamais Président. L’histoire en a décidé autrement, neuf ans après la mort de Jean Collin. Prions pour que le Seigneur lui balise la voie et exauce son souhait et ses vœux de bonheur et d’honneur qu’il nourrit pour notre cher Sénégal ! C’est sur cette note que je termine en lui adressant mes félicitations pour la sérénité d’esprit et l’attitude paisible qui ont caractérisé sa campagne électorale déroulée, bien entendu, avec le concours d’hommes et de femmes qui épousent la justesse de sa démarche.
Mamadou FAYE Grand Yoff
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