Dès la publication des résultats confirmant la victoire de Ousmane Sonko à l’échelle régionale, des acteurs de la scène politique l’ont interprétée sans aucun sens de la nuance ni du discernement, comme étant la conséquence du vote affectif, identitaire, régionaliste…Point de vue que nous ne partageons guère.
D’un point de vue général, la région de Ziguinchor a une particularité lisible sur sa trajectoire historique : une société acéphale, égalitaire, tolérante, vertueuse et qui incarne le refus, la résistance face à toute forme de domination ou d’injustice.
A titre illustratif, cette partie du pays est citée en référence en matière de tolérance : mariages mixtes (inter ethnique et inter religieux ; cimetières mixtes où chrétiens et musulmans acceptent d’être enterrés côte à côte ; populations polyglottes, car maîtrisant plusieurs dialectes ; aucune discrimination socioéconomique entre les hommes, puisque la société est égalitaire).
Cette forme d’organisation sociale fait que l’homme ne vaut que ce qu’il cultive : il n’y a ni contraintes ni atouts congénitaux. Les rapports sociaux sont horizontaux et non verticaux. L’individu ne peut formuler d’injonction ni de mot d’ordre vis-à-vis de son semblable. Les décisions sont prises par le groupe.
Ce bref rappel de la particularité d’une partie de la population casamançaise va peut-être aider certains parmi nous à avoir une meilleure lecture de certains de ses comportements.
Comment une société présentant ces caractéristiques peut-elle être soupçonnée d’avoir une attitude intolérante au point de rejeter les autres candidatures au profit de celle supposée d’un de ses fils ?
Nous répondons que c’est simplement une vue de l’esprit, une déduction simpliste, car mécanique.
L’histoire politique du Sénégal montre suffisamment que la région sud et particulièrement celle qui correspond à la Basse Casamance a toujours été le théâtre de bien de déroutes des pouvoirs. Les raisons évoquées relèvent de l’injustice ou de l’iniquité. Quelques cas peuvent être cités à titre illustratif : en 1978 Feu Laye Diop Diatta, membre de l’Ups d’alors, victime d’une injustice, a rallié le Pds et remporté une victoire aux Locales et est devenu un opposant maire de Oussouye.
En 1988, le même scénario s’est produit dans le département de Bignona, où des supposées injustices dont une des tendances du Ps aurait été victime ont permis au Pds (parti d’opposition) de remporter les élections législatives. Ce même scénario va encore se reproduire lors des élections locales de 1996 où And Jef de Landing Savané (opposition) a gagné le département de Bignona.
Un autre exemple très récent : il s’agit des élections locales de 2014, où la coalition Benno bokk yaakaar au pouvoir, a essuyé une lourde défaite au niveau des départements de Ziguinchor et d’Oussouye.Ces élections opposaient des fils du même terroir. Peut-on évoquer un quelconque argument affectif, identitaire ?
Lors des dernières Législatives, Ousmane Sonko, bien que tête de liste nationale de sa coalition et natif de Ziguinchor, n’a gagné aucune collectivité locale de la Casamance. Il n’a obtenu environ que 5000 voix sur un total de 37000 voix. Est-ce à dire que les Casamançais ne le portaient pas dans leur cœur ? Non !
Rares sont les collectivités locales qui défient l’autorité du pouvoir central (jusque dans un passé encore récent). Tel ne semble pas être le cas en Casamance.
Les victoires aux élections municipales de 1978 (à Oussouye) et aux Législatives de 1988 (Bignona) et celle de And Jef à Bignona lors des locales de 1996, ne peuvent être interprétées à partir d’une banale approche. C’est au contraire la preuve que les populations de cette partie du pays sont très sensibles à l’injustice et restent allergiques à toute forme de complicité ou de compromission.
En définitive, la percée de Ousmane Sonko à un niveau général et sa victoire dans la région de Ziguinchor doivent être perçues comme le fruit d’un travail qualitativement élaboré : c’est le sacre d’une offre politique en rupture totale avec des pratiques à l’origine des maux qui gangrènent notre cher Sénégal et qui sont à l’origine de notre mal développement.
Cessons de verser dans un chauvinisme aux antipodes de la moralité. Reconnaissons à Ousmane Sonko son mérite. Car dans l’histoire politique du Sénégal et de Ziguinchor en particulier, jamais un leader n’a réussi un si important maillage politique. Les prédécesseurs de Ousmane Sonko en Casamance avaient des partis qui se confinaient dans l’étroit périmètre soit d’un village soit d’une commune, d’un département ou de la région.
Après seulement 60 mois d’existence, Ousmane Sonko est monté sur le podium national. C’est la preuve qu’il n’est pas une propriété des Casamançais mais un patrimoine national et africain.
Ses idées ont fini d’irriguer bien des cerveaux et ouvrent de nouvelles perspectives pour le bonheur du Sénégal et de l’Afrique.
N’attendons pas sa mort pour reconnaître sa valeur et sa pertinence (à travers les baptêmes d’édifices publics. Une hypocrisie du reste caractéristique des autorités sénégalaises. Il a fallu attendre la mort de Cheikh Anta Diop et tant d’autres, pour enfin reconnaître leur valeur). Encourageons-le pendant qu’il est encore vivant. C’est tout le sens qu’il faut alors donner à celles ou ceux qui ce 24 février 2019 ont voté pour ce plus jeune candidat à l’élection présidentielle. «Aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années».
Abdou SANE – Ancien député Conseiller Départemental de Ziguinchor – abdousanegnanthio@gmail.com
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Boucotte Sud Ziguinchor/Sénégal