On attendait quelque part que le chef de l’Etat, en tant que gagnant de l’élection présidentielle, décrispe la situation. La libération de huit membres de la coalition de Idy 2019 et la mise sous contrôle judiciaire du Colonel Kébé donnent alors à l’exercice auquel Macky Sall s’est plié ce mardi une autre tonalité. L’exercice du chef de l’Etat nouvellement réélu hier quelques heures après la confirmation de sa victoire définitive par le Conseil constitutionnel par 58,26 % participe à rassurer un peuple qui s’est remarquablement exprimé lors de la présidentielle du 24 février. Mais qui donnait l’impression d’être groggy après la déclaration des résultats provisoires par le président de la Commission nationale de recensement des votes Demba Kandji. La victoire de Macky Sall se voyait comme une surprise tant les leaders de l’opposition comme Idrissa Seck, Sonko, Pr Issa Sall avaient drainé des foules immenses pendant les 21 jours de campagne. Des foules qui indiquaient des projections d’un second tour incontournable. Le réveil a été brutal. Le système fut piégé puisqu’autant les acquis obtenus en 2000, puis en 2007 et en 2012 de tendances claires proclamées par la presse quelques heures après la fermeture des bureaux de vote ont montré que Macky Sall a gagné, mais aussi il a perdu puisque près de 41,74% de Sénégalais ne lui ont pas renouvelé sa confiance. C’est quand très important un tel niveau de rejet surtout qu’il frise presque la moitié de ceux qui se sont rendus aux urnes. Le signal est important. Il est à décrypter dans toute sa rigueur, mais surtout par une approche sincère prenant en compte autant ceux qui ont voté pour que ceux qui ont voté contre. A partir de ce mardi 05 mars, Macky Sall est redevenu le président des Sénégalais. De tous les Sénégalais. Le comprendre ainsi participe à refonder une nouvelle espérance d’un peuple qui fait, quoi que l’on puisse dire, figure d’un leadership sur le continent et dans le monde du difficile exercice démocratique. Le Sénégal était épié. Nous n’avions pas le droit de décevoir ceux qui prenaient notre pays comme une vitrine.
Seulement pendant 7 ans, il faut l’avouer, le régime de Macky Sall s’est illustré dans une remise en cause dangereuse de nos acquis démocratiques qui ne remontent pas à l’indépendance. Ils ont un profond ancrage puisque remontant à notre participation aux Etats généraux de la France de 1789 convoqués par le roi français Louis XVI. Du processus électoral, de la mise en place du parrainage, de la neutralité du ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye remise en cause, de la liquidation de deux ténors de l’espace politique Karim Wade – dont on reste à apprécier son poids politique mais qui devait représenter le plus grand parti politique de l’opposition le PDS —, et la mise sous silence de l’ex-maire de Dakar Khalifa Sall, des faits qui ont entaché la sincérité de la victoire du président sortant. Et d’ailleurs, aussi bête qu’il soit, il a quand même la manie de dire des vérités crues, Moustapha Cissé Lo a reconnu que si Karim Wade et Khalifa Sall avaient participé à l’élection, son candidat risquait le second tour. Un aveu de taille, mais surtout grave puisqu’il jette un discrédit sur la victoire de son mentor Macky Sall. Bref. Le vin est tiré. Il faut le boire.
Ce mardi, le chef de l’Etat élu s’est adressé à la Nation. Un discours lors duquel il a appelé les forces vives de la Nation au dialogue, des conciliabules auxquels il a aussi invité ses prédécesseurs les ex-présidents Abdoulaye Wade et Abdou Diouf « À mes yeux, il n’y a eu ni vainqueur ni vaincu, à présent que la campagne est terminée, il n’y a plus de camp démarqué par des lignes partisanes, je vois celui du Sénégal…. Je serai le Président de tous les Sénégalais et de tous les Sénégalaises, parce que c’est la charge qui m’incombe », a d’abord dit le Chef de l’État. Macky Sall d’ajouter que la Nation sénégalaise est forte parce que des liens indéfectibles de bon voisinage nous unissent pour former une nation indivisible… Pour conclure, il a lancé cet appel : « je tends la main à toutes et à tous pour engager un dialogue constructif et je ferai des propositions dans ce sens après ma prestation. Je convie à ce dialogue toutes les forces vives de la Nation et auquel mes prédécesseurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade pourront apporter leur contribution ». Alors, on ne saurait faire sacrilège en remettant en cause la parole du 1er des Sénégalais. Mais on peine à croire à la bonne volonté et à la sincérité de l’homme puisque les 7 années d’exercice ont démontré que Macky Sall clignote à droite pour tourner à gauche. Le temps est le meilleur des juges. On attend pour voir.