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Ce Dialogue Est Un Arraisonnement De La Democratie

Un président de la République qui est resté sourd, pendant cinq ans, aux appels au consensus sur le processus électoral émis aussi bien par l’opposition que par une partie de la société civile peut-il subitement devenir un apôtre du dialogue ? Dialoguer avec qui et à quelle fin ? Qu’est-ce que l’opposition et la démocratie peuvent-elles tirer d’un dialogue avec Macky Sall ?

Une République, c’est des institutions communes à tous ; une démocratie, c’est des mœurs politiques dont les piliers sont la délibération permanente, des joutes électorales, une séparation des pouvoirs et des contre-pouvoirs. Pourquoi vouloir créer d’autres espaces de dialogue si les couloirs que la démocratie et la République ont aménagé à cette fin ne sont pas bouchés ? Macky Sall, durant sept ans, nous a promis une réforme des institutions sans jamais tenir parole, il a rompu la tradition de consensus sur le processus électoral et le fichier arguant que notre démocratie est rodée, majeure ! Qu’est-ce qui a changé entre temps pour le convaincre de la nécessité de dialoguer avec les anciens présidents et l’opposition ?

Si le dialogue est pour constater l’altération profonde de notre système démocratique par l’obsession qu’un homme d’être réélu, qu’il trouve seul les moyens de réparer ces blessures immondes causées à la démocratie. Il a trouvé un système électoral, il l’a assujetti à ses intérêts, il n’a qu’à assumer ses responsabilités seul face à l’histoire. On peut abuser de la confiance des peuples, mais on ne peut pas les forcer à effacer leur mémoire, or de grands hommes sont tombés dans l’oubli après l’exercice du pouvoir. Il y a des blessures qui laissent des séquelles douloureuses et difficilement réparables. Macky Sall a changé, de façon unilatérale les règles du jeu et après avoir tiré son épingle du jeu, il veut revenir à la normalité : ça ne peut pas être notre problème, encore moins celui de la démocratie. Ce que Macky n’a pas obtenu par la démocratie il ne doit pas rêver l’avoir par un simulacre de dialogue. En Afrique, dès que le mot dialogue est conceptualisé, c’est qu’il y a rupture démocratique : dans une démocratie qui fonctionne, le dialogue est consubstantiel aux institutions. Conférence nationale, dialogue national, etc. : toute cette phraséologie n’est destinée qu’à occulter des forfaitures que l’esprit républicain et l’éthique démocratique auraient dû endiguer.

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Dialoguer avec Macky après tout ce qu’il fait en termes de tripatouillage des institutions politiques et du système électoral, c’est accorder une prime à la perfidie et à la gestion solitaire du processus électoral. Il ne faut pas que le dialogue pour effacer la déloyauté, soit une jurisprudence dangereuse pour notre démocratie. La politique n’est pas une œuvre morale, mais on ne peut pas tout se permettre en politique. Macky Sall ne mérite pas qu’on réponde à son appel : il a humilié, oppressé, écrasé, broyé des opposants pour simplement se maintenir au pouvoir. Il a nié les libertés politiques les plus élémentaires pendant sept ans, il ne mérite pas qu’on dialogue avec lui. La meilleure façon de dialoguer avec lui, c’est de s’opposer dans les limites de la légalité républicaine et de travailler à ce qu’il n’abîme pas davantage notre démocratie et notre République. Si Maintenant Macky veut dialoguer pour passer par pertes et profits toutes les dérives qui ont rythmé son premier mandat, c’est qu’il est un comploteur qui cherche des alliés pour comploter contre la démocratie.

Si Macky Sall veut libérer des prisonniers politiques, qu’il le fasse pour s’amender devant sa conscience et devant ses compatriotes. Si Macky Sall veut entrer dans la postérité, il n’a qu’à se débrouiller seul, il n’a qu’à trouver des fantaisies comme celles qu’il a utilisées pour organiser et remporter des élections aussi malhonnêtes. Si Macky Sall veut obtenir plus de légitimité que ses 58% lui ont conféré, c’est qu’il ne comprend pas comment fonctionne la démocratie. Si Macky Sall veut rassembler davantage autour de lui pour légitimer ses forfaits de gouvernance, c’est qu’il ignore l’éveil de la conscience de la jeunesse et la rage d’en finir avec le népotisme, la gabegie et le clanisme. Ce que le peuple sénégalais exige, ce n’est point un dialogue, c’est simplement d’être gouverné sous le régime de la pudeur et de la justice. Ce que les citoyens sénégalais veulent, c’est d’en finir avec une République où l’obtention de la carte d’identité n’est guère soumise aux caprices d’un ministre de l’Intérieur qui les délivre selon ses calculs électoraux. Ce que l’on attend de Macky Sall, c’est qu’il remette la démocratie dans l’état où il l’a trouvée. L’après Macky ne peut pas être envisagé par l’opposition et le pouvoir de la même façon : nous exigeons simplement que le système électoral violé et perverti par sa soif de pouvoir soit réhabilité, c’est tout.

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Si Macky veut dialoguer parce qu’il a senti que les fissures de la société sont devenues béantes, qu’il commence d’abord par nous expliquer pourquoi et comment « sa » justice si prompte à cueillir des opposants pour « appel à l’insurrection » est-elle restée aphone et invisible face à tous ces appels à la haine confrérique avant et durant la compagne ? Si rien n’a été fait pour stopper des dérives aussi graves pour la paix et la stabilité de notre pays, c’est parce que le régime de Macky Sall y a trouvé son compte, s’il n’en est pas tout bonnement l’instigateur. Et pour dire un mot sur cette société civile qui presse les vaincus à féliciter Macky Sall, il n’ont qu’à nous expliquer cette posture louche, indolente et parfois même compromettante qu’elle a eue face à la gestion solitaire et tyrannique du processus électoral. La carte électorale a changé de façon inexplicable, des populations électorales ont mystérieusement gonflé dans certaines localités, des citoyens ont été privés arbitrairement de leur droit de vote, des responsables politiques de l’APR ont disposé par devers eux des lots de cartes d’identité, … Macky Sall a oublié que dans la politique comme dans la guerre, il y a des armes non conventionnelles qu’on ne peut pas utiliser sans être en marge de la communauté des hommes civilisés.







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