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De La SouverainetÉ Du Peuple

De La SouverainetÉ Du Peuple

Nous sommes, sans doute, plusieurs à voir ces images faire le tour des réseaux sociaux, de manifestants sénégalais dans les rues de pays occidentaux, scandant des slogans hostiles à l’endroit de nos dirigeants et de leur système pernicieux de gouvernance, sans aucune brutalité policière. Mais, nous sommes certainement très peu à nous questionner sur le parallèle entre ces manifestations libres et sans heurts, et l’envahissement des rues de certaines villes de notre Sénégal par des forces de l’ordre et par des engins anti-émeutes. Mais, surtout un parallèle entre cette liberté d’expression de sénégalais à l’extérieur et l’arrestation de braves femmes de la coalition Idy 2019, qui n’avaient eu pour seul tort que d’avoir eu l’audace de faire un concert de casseroles en contestation d’une éventuelle manipulation des résultats de l’élection présidentielle.

Ce parallèle me hante le sommeil. Mais, plus grave encore est cette idée savamment véhiculée pour faire croire aux sénégalais que manifester, dans notre pays, équivaut à une ou plusieurs mort(s) d’homme(s) ou risque de mort(s) d’homme(s) : « Kou manifester so deewee ya perte », c’est-à-dire en ouolof quiconque trouve la mort en manifestant demeurera le seul perdant. Affirmation souvent accompagnée de « Politicien yi jarunu ko », c’est-à-dire, toujours en ouolof, les politiciens n’en valent pas la peine.

Je ne sais pas si tout le monde se rend compte de la gravité d’une telle affirmation. Au fait, on est en train de dire aux sénégalais que manifester dans notre pays n’est ni plus ni moins qu’un vil suicide. Mais pis encore, le cliché le plus irréaliste, le plus circonspect et inquiétant reste celui de faire croire aux sénégalais que les combats menés et ceux à mener dans le futur n’ont de sens que pour le profit de quelques politiciens, comme si le peuple n’a jamais combattu et ne combattra jamais que pour le bénéfice de ces derniers.  Ce qui traduit que les soulèvements de mai 1968, tout comme avant eux les porteurs de pancartes de la période pré-indépendance et après eux et plus récemment des manifestants du 23 juin 2011 n’avaient eu de sens que pour servir les intérêts des politiciens.

Personnellement, je suis atterré de constater que tout le peuple semble se résigner face à cette affligeante affirmation qui méprise ignoblement les victoires historiques du peuple sénégalais, toutes les fois qu’il s’est agi d’assumer et de prendre en main notre destin collectif, face à des dérives exacerbées de systèmes prédateurs de nos acquis démocratiques, de liberté, voire de notre souveraineté elle-même. Car, chacune de ces victoires du peuple sénégalais n’a jamais été destinée à un politicien quelconque. J’en voudrais pour preuve qu’en 2011, le 23 juin, le peuple debout comme un seul homme n’avait pas combattu Abdoulaye Wade (ancien Président de la République). Il n’avait pas combattu non plus en faveur de Macky Sall. Il était même loin d’imaginer que celui-ci serait le futur président de la République. Le peuple avait simplement dit non à une entrave aux prérogatives qui relèvent de sa seule souveraineté. Donc, si par extraordinaire Macky Sall s’est retrouvé bénéficiaire (indirect) des résultats obtenus par le combat du peuple sénégalais en devenant président de la République, on ne saurait assimiler ce combat par une lecture simpliste, à un quelconque projet de porter cet homme au pouvoir.

Mais, en définitive, ce postulat découle d’une idée reçue qui voudrait que le peuple Sénégalais ne sache pas élire, mais plutôt n’excellerait qu’à défaire des présidents. Or, on peut légitimement se poser la question de savoir quel est le plus pertinent entre défaire un mal et choisir un espoir inconnu ? Pour ma part, fort de la déception d’un choix antérieur, choisir une promesse d’un avenir radieux, même incertain, est plus judicieux que de se résigner dans l’asservissement à une déception connue et vécue !

Par ailleurs, l’inertie dans laquelle on est en train d’installer le peuple ne saurait aucunement être profitable à « un pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple », visez mon regard ! Car, en réalité, on est en train de dire au peuple sénégalais, qu’il ne vaut point la peine de voter, car quelle que soit sa volonté, c’est ce qui est décidé ailleurs qui finira par s’imposer ! Par conséquent, il doit se tenir tranquille, d’autant qu’aucune autre solution n’est possible. Il s’agit d’une réinstallation de la pire forme de colonialisme voire même d’esclavage.

Alors que, choisir quelqu’un d’autre, même inconnu, pour sanctionner une déception, que dis-je une trahison, est une attitude responsable. Car, cette sanction elle-même constitue une mesure de garantie à une meilleure disposition, ne serait-ce que sous forme d’incitation, du nouveau choix à se conformer au respect des engagements vis-à-vis du peuple, à la parole donnée, du fait simplement qu’il est témoin de la sanction subie par le prédécesseur, consécutivement au non-respect de ses engagements pré-électoraux.

En conclusion, je recommande que chacun d’entre nous, partisans du pouvoir et de l’opposition, mais aussi militants de la société civile, acteurs de la presse et du secteur privé, joue sa partition pour restaurer le pouvoir absolu du peuple souverain, qui constitue la seule garantie de notre liberté et de notre bien-être à tous. Simplement, parce que nos positions à nous peuvent changer du jour au lendemain et dans tous les cas, mais surtout dans le cas des situations défavorables, notre seul recours restera celui du peuple souverain.

Gnambi Sonko est Consultant en Planification et Evaluation de politiques publiques







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