La réélection de Macky Sall a entraîné une restructuration des formations politiques significatives du Sénégal et un rajeunissement des acteurs politiques. Les lignes bougent en effet au sein des partis, dans un sens ou dans un autre, contraignant l’élu à reconsidérer ses relations avec les alliés et ceux d’en face. La sanction positive souhaitée par les nouveaux souteneurs (le roi Lear) doit se faire en parallèle à la guillotine réservée aux autres (roi Ubu) : bien ou mal élu (58% contre les 26 du premier tour de 2012), le président élu est toujours embourbé dans les alliances qui se font ou se défont au gré des batailles. Les positions affichées par les majors de la coalition au pouvoir (plus de considération, au Parti socialiste et une candidature d’avance à l’Alliance pour la République du président Moustapha Niass tombé du Perchoir) surviennent au lendemain de l’appel à une table ronde nationale du nouvel élu ; dans un cas comme dans un autre, ceci traduit le manque de confiance entre alliés et un souci de renforcer la stabilité intérieure et extérieure du pays en remettant tout à zéro. Macky Sall s’y était refusé jusqu’à présent, malgré les suppliques de dignitaires religieux, politiques, culturels et autres qui avaient averti dès 2015 sur la déstabilisation des populations avec les différentes affaires initiées par le nouveau converti en croisade : Hissène habré, Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall ; la subite sagesse du nouvel élu demande donc une réflexion assez approfondie, surtout que la densité morale des populations, nourrie des récents événements, renseigne sur les risques d’implosion de la société sénégalaise sous le règne de Macky Sall.
Ce remodelage se vérifie avec un rajeunissement de la classe politique : le départ annoncé de Moustapha Niasse de l’Alliance des Forces de Progrès va moins donner naissance à une lutte fratricide de succession qu’il ne favorise l’alternance générationnelle, ce que le vieux avait refusé à Malick Gakou obligé de se chercher une autre voie ; le Parti socialiste qui prend les devants en sollicitant plus de respect et de responsabilité excelle dans ce qu’il sait faire sous Ousmane Tanor Dieng, la fuite en avant ; Idrissa Seck vérifie la courbe en dents de scie de Me Abdoulaye Wade et François Mitterrand dans leur longue marche vers le pouvoir ; enfin, Ousmane Sonko rassure les populations sénégalaises devant leur capacité d’indignation et de solidarité devant l’injustice, quand bien même il aurait manqué à son devoir de réserve. Mais, à l’heure des lanceurs d’alerte, cette parole donneur semble moins indisposer sur le plan moral.
L’Alliance pour la République du président Macky Sall se lance déjà dans une chasse aux sorcières pour faire sortir ou entrer et le Pr Abdourahmane Diouf se singularise de plus en plus à Rewmi d’Idrissa Seck et, pour accentuer le malaise, il y a le retour aux conférences nationales du début des années 90 avec un enième appel au dialogue du président Macky Sall.
« ll faut reconnaitre cette constance au président de la République d’inviter tout le monde au travail et au dialogue politique, et cela depuis octobre 2013 au moins. Au point que cela a souvent donné l’impression de tourner à l’obsession, au dada : par trois fois en près d’un mois (20 septembre-16 octobre 2013), le président Macky Sall a lancé un appel à la classe politique du Sénégal, l’invitant à se retrouver avec lui pour discuter des grandes questions du pays. Sans refaire l’histoire puisque Diouf son mentor avait appelé à se rattacher à son panache avec ses clins d’œil à l’opposition. Cette invite se fait en général lors de grands rassemblements d’ordre social, comme la cérémonie de lancement du projet de couverture médicale universelle ou, plus récemment, avec le réchauffement de l’ardeur des chefs de famille avec l’émission symbolique des premiers chèques pour l’opération « Bourses de famille » et après la prière de la Tabaski.
« J’appelle toute la classe politique à se mobiliser autour de l’essentiel pour bâtir notre pays« , avait dit le président de la République le 20 septembre 2013, avant d’insister, le 4 octobre, sur les réformes a priori déterminantes qu’il envisage dans le cadre de la décentralisation. A la pratique et sans dialoguer, la perfection ne s’est pas vérifiée avec un État qui se localise de plus en plus, au point de discuter le veau gras avec les chefs de quartier et les maires.
L’appel de Macky Sall à la classe politique tourne aussi à la hantise : entre les déclarations et autres déclamations, le président de la République se livre à un populisme de gauche en rendant publiques des actions ordinaires, d’abord, et d’ordre strictement privé, ensuite : les populations ont ainsi la difficulté de séparer la bonne graine de l’ivraie entre déclarations politico-politiciennes et celles de la solennité de l’État et de la République. Comprenne qui pourra » (1).
Battu par le temps qui joue contre lui avec un calendrier républicain nécessitant des élections en décembre (Locales) et en 2022 (Législatives), Macky Sall n’a pas succombé au chant des sirènes qui lui proposaient de dissoudre l’Assemblée et de restructurer le calendrier électoral : moins qu’une majorité difficilement acquise en juillet 2017, c’est son absence dans les joutes qui lui pose problème car, après lui, ce sera le désert : Macky Sall travaille en effet à son dépérissement, tout en faisant semblant de ne pas cracher sur…un troisième mandat, et sa page est déjà tournée, 2019 étant réduit à son plus simple poisson d’avril avec le Carême, le Ramadan, la saison des semailles. En octobre, il sera déjà minuit et impossible de discuter de T, même avec un grand t.
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(1) Pathé Mbodje : Silence, on négocie », mai 2016
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