Au lendemain du référendum de 2016 portant révision de la constitution du 22 janvier 2001, certains juristes ont soulevé la possibilité pour le président de la République, en cas de réélection, de pouvoir faire un troisième mandat, d’après leur lecture de l’article 27 de notre charte fondamentale.
Toutefois, comme un ballon de baudruche, planant dans le ciel sénégalais de façon envahissante, avec une odeur nauséabonde, ce débat s’est bien vite gonflé tout juste après la réélection du Président Macky Sall en 2019, au point de noyer même toutes les autres questions liées au développement de notre pauvre pays. Alors, il faut impérativement percer et dégonfler ce «jouet d’enfant» pour qu’il ne nous distraie pas pendant cinq bonnes années.
Mais dans ce sillage, on ne peut pas faire l’économie de souligner que la persistance de ce débat est une illustration parfaite du manque de confiance des Sénégalais en leur système judiciaire, notamment sur les dossiers ayant un enjeu politique. Ce qui est tout à fait compréhensible si on se base sur notre histoire récente. A savoir, la validation de la troisième candidature de Wade en 2012 et l’avis controversé du Conseil constitutionnel pour permettre au Président Macky Sall de faire 7 au lieu des 5 ans promis lors de son premier mandat. Et bien avant ces deux cas, la tendance dans notre jurisprudence, des indépendances à nos jours, c’est de voir nos juges constitutionnels suivre, presque toujours, la direction indiquée ou souhaitée par l’Exécutif. Leurs décisions ont fini d’ancrer dans la conscience collective des Sénégalais que ce n’est pas cette juridiction qu’ils dirigent qui dit le Droit mais plutôt, elle ne fait que suivre le sens voulu par le président de la République. A preuve, dans ce débat, on parle plus de la volonté du président de la République que de probabilité manifeste et évidente de voir le Conseil constitutionnel trancher la question de façon défavorable au candidat Macky Sall au cas où la question se poserait. D’ailleurs, restaurer la croyance et la confiance des Sénégalais en leur système judiciaire, ainsi que la dignité du Droit et ceux qui l’enseignent ou l’exercent est l’une des plus grandes et importantes tâches auxquelles le Président doit s’attaquer lors de ce quinquennat.
Sur le sujet en question, j’ai suivi avec beaucoup d’attention et de respect les arguments juridiques des deux camps : celui des tenants d’une possibilité d’une troisième candidature et celui des tenants d’une impossibilité d’un autre mandat consécutif de l’actuel président de la République. Ce deuxième camp brandit l’alinéa 2 de l’article 27 qui dispose que «nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs». Cependant, face à cet argumentaire, on peut soulever la question de la période d’effet. En d’autres termes, est-ce que le premier mandat du président de la République est concerné par cette disposition ? Dans ce cas, on ouvre encore une fois le chapitre des années 2011 à 2012, relatif à la troisième candidature du Président Wade, intitulé conflit de loi dans le temps et en particulier, la section liée au principe de la non-rétroactivité de la loi. Et, à partir de cette brèche, il devient possible pour certains juristes, comme l’ont déjà fait parmi eux de très réputés, les professeurs Jacques-Mariel Nzouankeu et Babacar Guèye, de soutenir la probable validité d’une troisième candidature du Président Macky Sall en 2024.
Sous l’angle du droit, il n’existe que trois cas de figure pour arbitrer ces deux camps :
1-un avis anticipé du Conseil constitutionnel sur demande du président de la République comme l’a suggéré mon frère Mame Alassane Diagne sur sa page Facebook, il y a de cela quelques jours ;
2-une absence de candidature du président de la République le moment venu ;
3-une décision du Conseil constitutionnel après dépôt de candidature du Président Macky Sall pour l’élection présidentielle de 2024.
Dans tous les cas, j’ai décidé de me fier à la réponse déjà donnée par le Président Macky Sall sur la question. Parce que l’intéressé lui-même s’est prononcé de façon claire à ce propos.
Je n’ai pas en technologies de l’information et de la communication le talent de Jaaw Ketchup pour faire un montage vidéo, encore moins celui de Baye Mbaye et son oncle pour faire une illustration sous forme de théâtralisation, mais par la magie du clavier et de l’écran de mon ordinateur, je peux ressusciter noir sur blanc les propos du Président Macky Sall, avec les références précises.
D’abord, lors de son entretien avec la presse à la suite de son discours du 31 décembre 2018, répondant à une question du journaliste Aliou Diarra de Sud fm, le Président Macky Sall dit, à peu près, ce qui suit : «C’est clair que la constitution, c’est moi qui l’ai écrite. Quand on a ramené de 7 à 5 ans, j’ai dit que le mandat est de 5 ans renouvelables une fois. J’ai ajouté une autre clause ; c’était pour tuer ce débat, comme ce débat persiste : toutefois, nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs. Si je suis réélu, ça veut dire que je fais un mandat. Donc moi, ce que je retiens, ce que je crois si je suis réélu, je fais mon second mandat de 5 ans. Cela fera 7 plus 5 ; il faudra partir. C’est ça l’option fondamentale, c’est ça la constitution. C’est moi qui l’ai écrite, qui l’ai proposée, qui l’ai fait voter, donc c’est là où nous en sommes. Mais malgré toutes ces clauses le débat persiste, c’est ce qui m’étonne.» (Les enregistrements sont disponibles dans toutes les rédactions et dans la presse en ligne, lien https://www.pressafrik.com/Video-Apres-son-discours-Macky-Sall-fait-face-aux-journalistes_a194398.html).
Ensuite dans son livre «Le Sénégal au cœur», chapitre intitulé «Moi, Niangal Sall… », à la page 157, 2ème paragraphe, 1ère ligne, il annonce de façon claire son dernier mandat : «Je repars au combat pour un nouveau mandat, le dernier.»
En conclusion, par l’image, le verbe et la plume, le Président Macky Sall s’est déjà prononcé clairement sur la question. Et son propre verdict est pour moi sans appel : il n’a pas droit à un troisième mandat et il fait son dernier.
D’autant plus que c’est tellement évident pour lui de savoir que culturellement, sur le plan démocratique, les Sénégalais ne sont plus prêts à accorder plus de deux mandats à un président de la République. Au point que s’il le voudrait, il ne le pourrait pas. Maintenant au travail !
Khalifa Babacar DIAGNE
Psychologue Conseiller
Master en Droits Humains