Machiavel a le vent en poupe au Sénégal. Ses disciples se comptent par centaine au sein d’un landerneau politique où la fidélité au camp et aux idéaux est devenue une denrée rare.
La récente sortie de Bamba Fall Maire de la Médina en est une illustration de plus. Et il est loin d’être seul dans ce qui semble être des volte-face à répétition. Après avoir brocardé Macky et son régime et s’être érigé en « bay fall » (défenseur) de Khalifa Sall, Bamba annonce un « retour » au Parti socialiste (Ps) qui n’est qu’un détour vers le « Macky ».
Idem pour le Maire de la Patte d’oie qui est clairement en phase avec Ousmane Tanor Dieng le Secrétaire général du Ps qui, il y a quelques jours, lançait un appel aux retrouvailles entre socialistes.
Là, il semble avoir été bien entendu, ne serait-ce que par certains. Et on comprend mieux alors son appel. Tanor est un redoutable homme politique qui, avant de lancer un appel de ce genre, savait qu’il allait avoir des échos favorables.
Contrairement à Macky dont les appels au dialogue sont lancés sans aucune certitude de réponse favorable d’opposants, Tanor, en lançant le sien, savait à quoi s’en tenir.
Tout indique que le terrain avait été balisé, les contacts pris et les certitudes obtenues.
D’ailleurs, l’appel était une simple formalité destinée à officialiser le retour de certains. Un retour déjà acquis depuis longtemps. Car, ceux qui s’agitent maintenant avaient déjà tourné le dos à Khalifa Sall depuis belle lurette. Il fallait trouver un canal « propre » pour avaliser l’opération.
Et il n’a pas eu tort. Parce que le résultat a suivi. Tanor n’a pas prêché dans le vide.
Cependant, c’est Khalifa Sall qui doit se moindre les doigts même si, depuis quelques années, il ne se fait plus d’illusion sur le genre humain, capable du meilleur comme du pire.
L’ancien Maire de Dakar en prison est en train d’expérimenter un des traits de caractère de l’homme, notamment du Sénégalais qui est prompt à revendiquer votre amitié mais aussi, subrepticement, à vous tourner le dos à la première difficulté que vous rencontrez. Et sur le terrain politique que cette réalité est le plus observable.
Ainsi, les anciens Présidents l’ont surtout vécu. Parfois comme un drame personnel. Diouf, Wade et autres continuent à se poser des questions sur d’anciens compagnons qui leur crachent dessus maintenant et qui, hier, se disaient inconditionnels prêts à y laisser leur vie quand il s’agit de défendre leurs intérêts.
Tanor lui-même l’a reconnu dans une interview qu’ils nous avaient accordée lorsque nous étions au journal « Le Matin ». Il nous disait à quel point il a appris de la défaite du Ps en 1999 et surtout d’avoir du mal à comprendre certains.
C’est ce qui explique d’ailleurs les 300 partis politiques et la multitude de mouvements : personne ne fait confiance à personne. Et l’ami d’aujourd’hui sera l’ennemi d’hier et vice-versa.
Bamba Fall, sans chercher à le défendre, n’a fait que suivre une tendance générale. Les hommes politiques, dans notre pays, revendiquent le droit à l’ingratitude. Ils n’en ont pas honte et affichent leurs défections en public. La fin justifiant les moyens.
Alors, que tous ceux qui ont une parcelle du pouvoir aujourd’hui, s’attendent, demain, à être trahis par de soi-disant fidèles qui les entourent aujourd’hui. Personne n’est à l’abri.
La preuve, les jeunesses de l’alliance pour la République (APR) parti au pouvoir ne cessent de se crêper le chignon. Hier seulement, ils se sont illustrés à ce propos. Car, pour porter un coup de couteaux à l’autre, l’homme politique n’a même plus besoin qu’ils soient dans un camp opposé.
Les partisans d’un même parti ou d’une même coalition peuvent, publiquement, se donner en spectacle. Et chacun croit, dur comme fer, avoir raison. Car, chacun a justement ses raisons…