Le Sénégal, comme la plupart des pays africains, fait face à de nombreux défis et obstacles, sur la voie du développement économique. Ces défis et obstacles sont en majeur partie d’ordre structurel. Cependant, l’attente des populations est très forte dans tous les secteurs, où tout est prioritaire. Les différents gouvernements qui se sont succédé de 1960 à nos jours se sont investis pour la résorption du gap constaté dans notre développement. Des investissements ont été faits dans beaucoup de secteurs avec des fortunes diverses. Les vingt dernières années, des efforts ont été consentis, particulièrement dans les infrastructures. La croissance économique progresse d’année en année depuis 2012, mais faudrait-il qu’elle soit effectivement inclusive ?
Sans doute, nous pouvons sans risque de nous tromper, affirmer que l’Etat du Sénégal a mis en place des politiques publiques, pour rendre la croissance inclusive. Si l’on se réfère aux bourses familiales, à la couverture médicale universelle et au Pudc, l’on se rend compte des mesures de redistribution des fruits de la croissance. L’investissement dans les infrastructures doit se poursuivre, mais les pouvoirs publics doivent réorienter la politique de développement économique et social, beaucoup plus vers l’optimisation du capital humain et la capture du dividende démographique, gages d’un développement inclusif et durable.
L’optimisation du capital humain
Mieux vaut tard que jamais. Aujourd’hui, l’optimisation du capital humain devient une priorité, un impératif. En effet, c’est un facteur qui a été occulté, tout au moins négligé par le passé dans nos politiques publiques. Il a fallu attendre que des institutions comme la Banque mondiale en fassent un sujet d’actualité, pour que nous en prenions conscience.
A tout point de vue, l’optimisation du capital humain permet de constituer une masse critique de citoyens imbus de civisme, de responsabilité et qui sont conscients de leurs droits et devoirs et prêts à s’impliquer dans le développement économique et social. C’est la raison pour laquelle, les pouvoirs publics doivent beaucoup plus investir dans l’éducation et la formation, dans la santé et dans l’économie numérique.
Investir dans
l’éducation.
Un système éducatif qui forme des apprenants, qui sont par la suite versés dans le lot des chômeurs, n’est pas performant. Le Sénégal dispose d’un bon système éducatif, qui nécessite d’être réformé. Tout système est perfectible, et le nôtre doit tendre vers l’adéquation entre éducation, formation et emploi. En réalité, l’optimisation du capital humain n’incombe pas seulement aux pouvoirs publics. Les entreprises du secteur privé doivent aussi investir dans le développement du capital humain, qu’elles ont sous leur responsabilité. Le développement économique ne peut prospérer sans des citoyens bien formés, ayant des aptitudes qui leur permettent de comprendre, de relever et de transcender les goulots d’étranglement qui se dressent sur leur parcours.
Le Sénégal est en train de faire des efforts dans ce domaine, avec l’érection de nouvelles universités, la création des Isep (Instituts supérieurs d’enseignement professionnel), l’équipement des laboratoires de recherche fondamentale, etc. Les pouvoirs publics doivent poursuivre cette politique dans l’enseignement en général, tout en insistant sur la qualité. En définitive, ne faudrait-il pas un regroupement de tout le système éducatif, du primaire au supérieur dans un seul ministère ? Cela pourrait permettre l’harmonisation des politiques dans ce secteur, de la base au sommet.
Investir dans la santé.
«Mens sana in corpore sano» : Un esprit sain dans un corps sain. Pour prétendre au développement, il faut au préalable que les citoyens soient en bonne santé, aptes à s’impliquer dans le processus de création de valeur. Le maillage du territoire en infrastructures s’impose, pour prendre en charge les besoins des populations dans ce domaine. Des efforts sont faits, il faut le reconnaître, avec l’ouverture de nouveaux hôpitaux et autres centres de santé et la couverture médicale universelle. Mais la demande persiste, il est donc souhaitable d’accélérer ce processus d’investissements dans le secteur de la santé, notamment en relevant le plateau médical dans les principales structures. Les politiques de prévention sanitaires doivent être une priorité, pour favoriser la productivité des actifs, et réduire l’absentéisme dû aux congés maladie. Les actifs ne se limitent pas seulement à ceux qui sont dans les bureaux et les usines. Ils concernent également les paysans et toutes les autres composantes de la population qui sont valides, et sont en mesure d’apporter leur contribution dans la construction nationale. L’implantation de centres de santé dans les zones reculées du pays, peut-être prise en charge par le Puma (Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers). D’ailleurs, le Puma a commencé à travailler dans ce sens, il faut souhaiter que cela continue et s’intensifie.
La réorientation des politiques publiques vers l’optimisation du capital humain doit-être une priorité au Sénégal. La phase 2 du Pse doit impérativement intégrer des investissements dans l’éducation, la formation et la santé.
La capture du dividende démographique
Le Sénégal est composé d’une population très jeune. Sur plus de quinze millions d’habitants, les jeunes de moins de quinze ans représentent 42% environ. Cela peut se traduire comme un atout, comme cela peut être un handicap. Une population jeune constitue un potentiel pour le développement économique et social. Cette frange de la population, si elle est bien prise en charge, peut être un pari sur l’avenir. Au demeurant, cette prise en charge demande beaucoup de sacrifices sur le plan de la santé, de l’éducation et de la formation. Cette jeunesse peut constituer un handicap pour la société, si elle n’est pas productive. Dans ce cas, elle représente un poids pour la Nation. Alors, le Sénégal comme la majeure partie des pays africains, doit d’abord régler le problème de la croissance démographique. En effet. Pendant que le taux de croissance économique n’augmente que d’un pour cent (1%) par année, la croissance démographique tourne autour d’un peu plus de trois pour cent (3,08 %) par an. L’on comprend bien que tout effort consenti dans les investissements, restera toujours en deçà des attentes. L’accroissement de la population annihile les retombées attendues de la croissance économique. Les pouvoirs publics doivent poser le débat sur le contrôle de la natalité dans notre pays. Le Président Macron a alerté sur les effets négatifs de la croissance démographique en Afrique. Il n’a pas tort, tous les spécialistes en matière de développement l’ont déjà dit avant lui. L’erreur du Président français, est de poser le problème avec condescendance. Le problème doit-être posé avec pédagogie, et par les décideurs africains d’abord. Dans le classement Idh (Indice de développement humain), le Sénégal occupe la 31ème place en Afrique et la 164ème place dans le monde. Sans doute, il existe une corrélation entre la croissance démographique et ce classement Idh. Le Sénégal est un pays en développement avec des ressources limitées, alors que la demande sociale s’accroît de manière exponentielle. Aucun gouvernement ne peut et ne pourra résoudre cette équation, s’il ne règle pas le problème de la croissance démographique.
Investir dans le capital humain pour son optimisation, permet d’accélérer le développement inclusif et durable et l’on pourra prétendre à la capture du dividende démographique.
Serigne Ousmane BEYE
beyeouse@ucad.sn